Inscrire un terme

Retour
Actualités

De l’eugénisme stérile au métissage prospère

Actualités
9 octobre 2012

– Par Caroline Ramirez –

Il y a quelques jours, je suis revenue en covoiturage de Montréal où j’étais en visite chez une amie. Assise à l’arrière, bercée par le mouvement du gros chapelet bleu qui pendait au rétroviseur, j’ai dormi les ¾ du temps, comme ma voisine de banquette, tandis que les deux personnes à l’avant parlaient politique. Je me suis seulement réveillée quand le sujet de conversation de la conductrice et de son passager passait au droit à l’avortement. La demoiselle assurait qu’il fallait interdire l’avortement de « confort » et qu’elle trouvait aberrant que certaines filles, certes jeunes mais en bonne santé, avortent aujourd’hui parce qu’elles ne s’étaient pas protégées lors de rapports sexuels. Par ailleurs, elle expliquait que certaines personnes ne pourraient jamais avoir les capacités d’assurer le rôle de mère et elle citait en exemple une femme enceinte de sa connaissance qui, avant même la naissance de son enfant, pestait déjà contre lui. Pour ce genre de personnes, elle pensait que la stérilisation était une solution envisageable. Celui assis à côté d’elle, souverainiste mou et humaniste convaincu, lui avait finalement répondu : « Je préfère qu’une fille se fasse avorter tous les mois si ça lui chante, plutôt qu’elle rende un enfant malheureux ».

Le Canada a honoré récemment par une plaque commémorative la Dre Helen MacMurchy pour sa contribution à l’amélioration de la santé des mères et des nourrissons, à la fin du 19e et au début du 20e siècles (voir la section Brèves). N’oublions toutefois pas que cette doctoresse avait aussi soutenu la nécessité de l’eugénisme – un peu comme notre amie conductrice– invitant à la stérilisation des dégénérées pour améliorer la race canadienne.

L’eugénisme est né avec la peur de l’autre, l’immigrant. Les WASP (White Anglo-Saxon Protestant), inquiétés par l’arrivée massive d’immigrants d’Europe du centre et de l’est, tentèrent ainsi de définir scientifiquement comment maintenir la qualité de leur bagage génétique.

Si j’ai réalisé que nous étions bien loin de cette sombre époque lorsque j’ai vu les représentants de la Ville d’Ottawa récompenser, le 1er octobre dernier, les meilleurs entrepreneurs immigrants de la capitale nationale (voir article sur la Stratégie municipale d’immigration), reconnaissant ainsi leur contribution à la tolérance et à la prospérité de l’économie canadienne, je n’ai pas pour autant oublié que le passé pouvait toujours revenir à la charge, que ce soit à l’occasion d’une discussion sans conséquences sur l’autoroute, ou dans les discours de grands décideurs.

C’est pourquoi je salue l’initiative du groupe de jeunes historiens d’Histoire Engagée (voir l’article Histoire Engagée), qui tenait une conférence le samedi 6 octobre à l’Université d’Ottawa : le Canada et ses politiciens oublient trop souvent les leçons du passé et il est temps de créer des ponts entre ces enseignements et les événements actuels.

À ce sujet, les autochtones ont sans doute beaucoup à nous apprendre : sur la Colline parlementaire, leurs rites, leurs musiques et leurs contes ont rythmé le déroulement d’une manifestation, le mardi 2 octobre, contre l’inaction du gouvernement Harper face aux changements climatiques (voir article Jeûne et vigile pour la justice).

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire