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Opinions

Un système judiciaire juste ?

Web-Rotonde
14 janvier 2013

– Par Caroline Wang – 

Je suis canadienne. Je n’ai aucune formation en droit, aucun statut, aucune relation dans notre système judiciaire canadien. Je suis de la classe moyenne, de la masse. Je n’ai aucun pouvoir dans notre système judiciaire.

Si je n’avais pas eu vent d’un certain cas, peut-être n’aurais-je jamais mis les pieds dans notre système judiciaire, peut-être ne me serais-je jamais posée des questions à son égard, peut-être que je n’aurais jamais été autant pétrifiée.

Ayant eu vent d’un certain cas, j’ai pris le temps de lire les documents qui y sont reliés, de comprendre le cas, d’assister à quelques audiences devant juge – et ce, pour la première fois de ma jeune vie – à la Cour supérieure de justice de l’Ontario. À travers ce processus personnel, je réalise à quel point notre système judiciaire n’est pas juste, que ceux et celles sans statut, sans relation dans ce système n’ont aucun pouvoir face à ceux et celles qui ont un statut et des relations dans ce système que ce soit comme avocat, juge ou président d’université.

Cette injustice judiciaire permet par exemple à une professeure en droit et membre du Barreau du Haut-Canada (1), de poursuivre pour 1 million de dollars un ancien professeur de physique (2) pour dommages-intérêts généraux, alourdis et punitifs pour diffamation (3) ou plus précisément, pour avoir écrit sur un blog que « […] des documents obtenus en vertu de la Loi sur l’accès à l’information […] suggèrent que la professeure en droit Joanne St. Lewis a agi comme la reine nègre d’Allan Rock [président de l’Université d’Ottawa], en discréditant avec enthousiasme et ardeur le rapport de 2008 du Centre de recours étudiant [de la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa] à propos de la discrimination raciale systémique à l’université » (4) (traduction libre).

Lorsque l’on sait que cette poursuite est d’ordre privée, mais entièrement remboursée par l’université canadienne (5, 6); lorsque l’on comprend que la source du litige est en réalité une critique intellectuelle faite par un intellectuel pour questionner le comportement d’un autre intellectuel dans le système académique; lorsque l’on voit le comportement de deux juges à la Cour supérieure de justice de l’Ontario qui démontrent un grand respect et une grande écoute envers l’avocat de la plaignante, qui le laissent s’exprimer sans se faire interrompre et qui, en contraste, démontrent une attitude moins ouverte envers l’individu qui se défend par lui-même, sans avocat, sans relation dans le système judicaire et qui le coupent à maintes reprises, qui le contraignent à des limites de temps qui ne lui permettent pas d’exposer tous ses arguments, qui paraissent avoir une idée préconçue à savoir que le défendeur est dans le tort et que tous ses arguments sont ainsi invalides; lorsque l’on voit de nos yeux qu’un juge évite de s’attarder au fait que l’avocat de la plaignante a enfreint une règle concernant les communications extrajudiciaires et ce, au détriment de l’individu qui se défend par lui-même; lorsque l’on voit un autre juge ne pas admettre que l’on peut avoir une crainte raisonnable de partialité à son égard alors qu’il maintient, pendant le processus judiciaire, une bourse au nom de son fils à l’université canadienne qui rembourse les frais légaux de la plaignante et que ce même fils travaillait pour la firme d’avocats représentant l’université qui possède un statut d’intervenant dans la poursuite; il est difficile de ne pas penser que le système judiciaire n’est pas juste pour ceux et celles qui appartiennent à la masse, qui n’ont ni statut, ni relation dans ce système judiciaire et qui n’ont donc aucun pouvoir face à ceux et celles qui ont un statut et des relations dans ce système que ce soit comme avocat, juge ou président d’université.

 

Où est la justice lorsqu’une institution publique poursuit ou finance un professeur pour poursuivre un autre professeur, lorsque cette institution ou le professeur qu’elle finance exige le remboursement des frais légaux par l’autre professeur pour des motions perdues par celui-ci, lorsque cette institution ou le professeur qu’elle finance épuise toutes les économies de l’autre professeur et menace de prendre sa maison? Est-ce qu’une université, au nom d’une « obligation morale » (6) peut se comporter ainsi en utilisant les fonds publics? En agissant ainsi, l’université semble au contraire vouloir démolir, anéantir, supprimer un ancien professeur critique des comportements de celle- ci. Où est la justice lorsqu’un intellectuel ne peut plus critiquer l’institution publique (incluant le comportement de ses membres) pour laquelle il travaille ou travaillait? Un intellectuel qui ne remet pas en question, qui n’analyse pas et ne critique pas, peut-il encore être un intellectuel? Un professeur n’est-il pas un intellectuel?

Je suis canadienne. Je suis de la classe moyenne, de la masse. Je n’ai ni formation en droit, ni statut, ni relation dans notre système judiciaire canadien. Je n’ai aucun pouvoir dans ce système, mais je suis témoin de son injustice et j’ai peur.

 

Références

1. Université d’Ottawa. Joanne St. Lewis, Page consultée le 16 décembre 2012 sur le site de l’Université d’Ottawa. www.commonlaw.uottawa.ca/index.php?option=com_contact&task=view&contact_id=55&lang=fr

2. Fonseca, Alroy. Denis G. Rancourt. Page consultée le 16 décembre 2012 sur le site de Academic Freedom.
rancourt.academicfreedom.ca/index.php

3. St. Lewis, Joanne. Statement of Claim, Ottawa, 23 juin 2011. Document consulté le 16 décembre 2012. Disponible sur le site de Academic Freedom. rancourt.academicfreedom.ca/Data/uofowatch/2011-06-23=OSCJ-11-51657=JStLvsDGR.PDF

4. Rancourt, Denis. Did. Professor Joanne St. Lewis act as Allan Rock’s house negro?, 11 février 2011. Page consultée le 16 décembre 2012 sur le blog U of O Watch. uofowatch.blogspot.ca/2011/02/did-professor-joanne-st-lewis-act-as.html

5. Rancourt, Denis. U of O admits funding «private lawsuit» against fired professor, 26 octobre 2011. Page consultée le 16 décembre 2012 sur le blog U of O Watch. uofowatch.blogspot.ca/2011/10/u-of-o-admits-funding-private-lawsuit.html

6. Scott, David W. Letter to Dr. Denis Rancourt : Re : University of Ottawa, Borden Ladner Gervais LLP, 25 octobre 2011. Document consulté le 16 décembre 2012. Disponible sur le site de Academic Freedom. rancourt.academicfreedom.ca/Data/uofowatch/post=2011-10-26=DavidWScott-BLG-to-DGR=letter.PDF

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