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Une chaîne humaine se dresse contre le 150e, l’heure n’était pas à la fête

Web-Rotonde
8 juillet 2017

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Par : Maria Princene Dagba – Chef web

Les festivités du 150e n’ont pas ravis les cœurs de tous. À l’heure où les uns célébraient fièrement la Confédération le 1er juillet, les Premières Nations du Canada se levaient sur la Colline du Parlement pour dénoncer les exactions subies par leur peuple depuis la signature de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique en 1867. Du jeudi 28 juin au dimanche 2 juillet, un tipi fut érigé sur les lieux par le collectif Bawating Water Protectors.

Le jeudi 28 juin, le collectif autochtone dirigé par Candace Day Neveau, Brendon Christopher et John Wabigwan marchait en direction de la Colline du Parlement avec un tipi sur leurs épaules et des tambours en main. Dès leur départ au pied du Monument canadien pour les droits de la personne, le groupe prônait un fort appel à l’action : « Nous ne fêterons pas le Canada dépouillant nos terres ». Le mouvement mené par Idle No More poursuit sa mission d’affirmer pacifiquement la place d’Ottawa comme étant un territoire Algonquin non concédé. La campagne organisée en la mémoire du leader Arthur Manuel a rassemblé des personnes de différentes ethnicités pour revendiquer un même droit: la souveraineté.

À ce sujet, Daniel Cayley-Daoust l’un des manifestants, rappelle que de nombreux enjeux devraient être considérés par le Gouvernement libéral à la place des festivités. Il mentionne entres autres: l’enquête sur les femmes autochtones assassinées et disparues, le haut taux de suicide au sein des communautés autochtones, la santé fragile des enfants et l’accès à l’eau potable dans les réserves. À son sens, l’indignation des Premières Nations lors des festivités du 150e souligne davantage le contraste entre l’histoire  et la situation actuelle vécue par les différentes communautés autochtones.

La représentation souveraine

Dans la mesure où Ottawa demeure un territoire Algonquin non concédé, le collectif autochtone avait pour ambition d’affirmer la souveraineté de leurs communautés à travers le droit de manifester. « La seule façon de le faire c’était d’amener notre territoire avec le tipi », s’exclame Trycia Bazinet, l’une des organisatrices du mouvement. La jeune femme rappelle que les cérémonies autochtones ont été criminalisées jusqu’en 1960; le tipi représentait la souveraineté matérielle des Premières Nations lors de cet événement.

« Notre message est que la cérémonie soit égale à l’occupation illégale et coloniale du Canada. C’était directe mais ce n’était pas une manifestation, mais une démonstration de souveraineté », expose l’intervenante. En outre, Bazinet parle d’une sorte de puissance qui animait le groupe. « C’est dure pour moi de décrire, mais quand on a commencé à marcher avec le tipi, c’était comme une puissance ».

Dans le cadre de la mobilisation, un feu sacré devait accompagner les cérémoniales. Néanmoins en raison de sécurité et d’autres raisons évoquées par la police, le feu a pris du temps à prendre, nous informe Bazinet. « On voulait faire rentrer du bois pour garder le feu allumé le 30 juin parce que c’est une cérémonie holistique. C’est une partie interconnectée, et matérielle de la cérémonie». Mais le renfort de Black Live Matter Toronto a changé la donne. Ces derniers sont arrivés sur la Colline le 1er juillet après des longues files d’attentes. « C’était comme une opération clandestine pour amener le bois », murmure la jeune étudiante.

Les participants ont par la même occasion dormi sur les lieux et tenu le jeun durant ces jours pour manifester leur mécontentement. Toutefois, de multiples altercations avec la Gendarmerie Royale du Canada (GRC) ont troublé le déroulement de la cérémonie autochtone et ralenti l’embrasement du feu sacré.  Les forces de polices ont demandé au groupe de présenter un permis de manifestation. Il s’agit dénonce-t-elle d’un problème de juridiction. « Le Canada imagine et matérialise avec sa juridiction supérieure, alors que ce sont nos terres et nous avons nos droits », revendique la militante.

Un corps uni, un collectif métissé

En tout, il y a eu neuf arrestations et contraventions. John Wabigwane, l’un des piliers du mouvement fut interpellé par la police. Bazinet relâte l’arrestation : « L’officier lui demande, est ce que tu payes tes taxes ? Il a pris son drum et il le tenait au-dessus de l’épaule. Ensuite, il l’a pris par le cou. J’avais vraiment peur, je pensais qu’il allait l’étouffer et les vidéos montrent la panique des gens. Quatre policiers le traînent, ça c’était trop ! », regrette Bazinet. De la même manière, elle raconte aussi qu’une aînée Cris, Sophie McKeown, a été fortement bousculée.

Vu la tournure que prenait l’événement, la foule n’a pas hésité à intervenir. « Quand on est entré, on est resté pris cinq heures, comme dans une impasse. Les policiers poussaient sur les épaules du tipi, pour que ce soit plus lourd et fatiguant. Mais les gens étaient incroyables, ils nous donnaient de l’eau, nous essuyaient le visage, prenaient des vidéos et partageaient sur les réseaux, c’était un renfort», précise Bazinet. En ce sens, les gens ont formé une chaîne humaine avec le Tipi pour protéger le feu sacré.

« Quelque chose de gros se prépare »

« Oui on atteint notre objectif, mais on n’a pas un sens de finalité, on ne pense pas qu’on a fini. On veut faire quelque chose d’encore plus gros », souligne Bazinet. Le mouvement, révèle-t-elle, compte réaliser un film documentaire et faire une compilation de toutes les expériences des personnes de terrain. Une occasion ainsi de garder le dynamisme et la vitalité du mouvement.  En guise de dernier message, Bazinet invite à prendre «UnsettlingCanada150» comme une action littérale et non une métaphore pour que, d’ici le 300e anniversaire du Canada, les choses aient changé pour les générations futures.

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