Labyrinthes
Par Frédérique Champagne
LA COMPLAINTE DE VERGOR
Sous le ciel étoilé passent les bombes, passe l’automne et passe le Temps
Au bout des baïonnettes de silence, la mort sur les lèvres, mes rimes au vent
Sous l’air frais du soir passent des soupirs de sang, passe ma douleur en armes, passent les âmes
Au bout de tellement de nuits à se rendre en blanc, des Union Jack sur toutes mes Plaines d’Abraham
Sous le clair de lune levé passent des habits rouges, passe ma jeunesse en fleurs et passent les heures
Au bout de chaque Treize septembre, avec de l’anglais sur tous mes chemins, et sur tous mes demains des Vainqueurs
Sous le linceul des tempêtes au garde-à-vous passent des boulets perdus, passent des Acadiens en larmes, passe la terreur
Au bout de tellement de défaites, à fuir aujourd’hui, avec au fond du cœur Carillon, au comble de l’Horreur!
Sous les oiseaux de nuits tombés le jour au front passe le fleuve, passe mon premier baiser et passe l’éternité
Au bout de Québec en ruines debout volent mes vers à l’agonie, des canons pleins l’Anse-au-Foulon et à bout portant, ma francité!
Sous l’aube rendue au son du glas passe ma langue de toujours, passe mon printemps d’hier, passe l’espérance
Au bout de tellement d’errances, à m’enivrer pour tenir, mon cheval crevé à perte de ciel, seul jusqu’au bout à m’écrier: « Vive la Nouvelle-France! »
Sous mes horizons envahis passe le passé, passe mon étoile d’un jour et passe l’avenir
Au bout du Temps trop court, chantant et riant sous la mitraille, trinquant à des demains imaginaires par la bouche des canons de Frontenac à trahir
Sous mes drapeaux en pleurs passe le fleuve, passe ma langue d’aurore, passe mon nom de Vergor à jeter en vie à l’oubli, ivre mort
Au bout de tellement de silences, à tomber blessé en berne, le français sur mes lèvres et la Conquête sur moi dans les flaques de sang et le froid qui mord