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Défier les conventions de sécurité

Web-Rotonde
27 octobre 2014

– Par Clémence Labasse – 

Les services d’alerte de l’Université d’Ottawa (U d’O) envoyaient, mardi le 21 octobre dernier, un courriel *TEST* à tous les étudiants. La journée suivante, c’était le temps de passer à la pratique. À 11 h 04 mercredi matin, l’U d’O annonçait le bouclage du campus principal. La décision a fait suite à la fusillade qui avait eu lieu plus tôt dans la matinée, à 9 h 52, près du Parlement, à une quinzaine de minutes à pied du campus. La Rotonde a enquêté sur la mise en place de ces mesures de sécurité pendant cette longue journée.

Un déroulement irrégulier

C’est environ une heure après que les événements se soient déroulés que l’Université a décidé de finalement envoyer des courriels et des messages SMS à toute la communauté universitaire, instaurant la mise en place du bouclage « urgent » et complet de l’établissement.

Dans le courriel, on recevait les directives suivantes : « Cessez toutes activités. Si possible, fermez et verrouillez votre porte et éteignez les lumières. Désactivez la sonnerie de votre cellulaire. Éloignez-vous des portes et des fenêtres. Si vous pouvez le faire sans risque, baissez les stores. Cachez-vous et restez silencieux jusqu’à ce que les autorités viennent à vous ». Les cours ont été suspendus pour la journée, et les examens annulés.

Des mises à jour ont été envoyées de 11 h à 13 h 30 et puis plus rien jusqu’à ce que l’Université annonce, à 16 h 02, la fin de son bouclage.

Selon une source qui a reçu des directives, mais qui a préféré rester anonyme, les procédures recommandées consistaient à fermer les portes des édifices de façon à ce que personne ne puisse entrer, mais que ceux qui en auraient l’envie puissent sortir.

Tous les bâtiments ont-ils été soumis aux mêmes exigences durant le blocage? Quels étaient les devoirs des agents de sécurité? L’Université n’a pas répondu à ces questions, et ce genre d’information n’est pas disponible sur le site Alerte.

Les recommandations n’ont pas été adoptées unilatéralement dans tous les bâtiments, et certains étudiants témoignent être restés enfermés en classe pendant six heures, tandis que d’autres ont pu sortir après quelques heures. Si le campus était calme ce jour-là, le flot d’étudiants qui s’y baladaient ne s’est pas interrompu pour autant.  Par exemple, la vente de hot-dog à l’extérieur ne s’est pas arrêtée.

Dans beaucoup des bâtiments, les allées et venues étaient difficilement contrôlées, selon plusieurs étudiants qui ont contacté La Rotonde ce jour-là. Malak S., étudiante en études internationales et langues modernes, raconte qu’« à midi, tous les bâtiments et les salles étaient ouverts. C’est vers 12 h 40 seulement que les salles du bâtiment Desmarais, où je me situais, ont été véritablement fermées, et que seuls les gens avec des clés pouvaient y accéder ». Certaines classes étaient fermées électroniquement, d’autres non.

Dans les critiques formulées sur les réseaux sociaux, on retrouve donc les idées que le bouclage aurait commencé trop tard, et se serait prolongé trop longtemps.

Simon L’espérance, étudiant en droit, a tweeté à La Rotonde cette question mercredi vers 15 h : « Le lockdown a été levé dans plusieurs édifices fédéraux. Pourquoi c’est toujours en vigueur à l’Université d’Ottawa? ». La Rotonde a appelé les Services de protection pour savoir ce qu’il en était. La personne qui a décroché n’a pas voulu répondre, même si elle a admis ne pas être au courant des levées de bouclage. Quelques minutes après cela, l’Université a envoyé un message signalant la levée du confinement.

Des expériences mitigées

Les directives de l’Université ont été diversement perçues et comprises par les membres de la communauté universitaire. Beaucoup d’étudiants n’ont pas respecté les recommandations de l’Université et se sont éclipsés des classes dès que possible. Certains n’étaient même pas au courant.

Le professeur Timothy Lethbridge tweettait également ce qu’il s’est passé dans sa classe : « Le protocole à l’#uOttawa a besoin d’amélioration. Rien pour notifier les étudiants de ne pas enter sur le campus ou dans les environs. #shooting. Des gens viennent à la porte ».

Le professeur a commenté le manque de coordination en expliquant que « le plus gros problème de ce lockdown est que les étudiants partaient après quelques heures. Vers 15 h l’autre professeur qui était dans la salle avec moi est parti. Les gens pouvaient suivre l’actualité sur leurs téléphones ou leurs ordinateurs et conclure qu’il n’y avait plus de menace. Il n’y avait pas de présence policière sur le campus pour renforcer la théorie d’une telle menace, donc pourquoi auraient-ils dû rester? »

Il édulcore cependant son propos en rajoutant que « c’était un exercice d’apprentissage pour l’Université, ils avaient un plan, mais ils auraient eu besoin d’entrainement. Cette procédure a soulevé beaucoup de problèmes ».

« Ordonner de rester sur place, quand tout le monde le désobéit, c’est inutile », explique-t-il. « L’envoi des messages n’était pas assez rapide, personne ne l’avait reçu. S’il y avait eu un vrai tireur sur le campus, ça aurait été inefficace ».

L’Université, par le biais des agents de communication,  estime être « intervenue rapidement en communiquant tous les renseignements pertinents en temps opportun ». « Nous allons revoir notre gestion des événements survenus mercredi dans le but d’améliorer nos politiques, procédures et plans d’intervention ».

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