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Que dire à ta voisine ou ton voisin anti-vaccin ?

Secrétaire de rédaction
5 février 2021

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Entrevue réalisée par Mia Dubus – Secrétaire de rédaction 

Grand soulagement pour certain.e.s, abomination pour d’autres ; les réactions à l’arrivée du vaccin contre la COVID-19 ont été mitigées. Beaucoup de Canadien.ne.s restent sceptiques, voire complètement opposé.e.s à ce traitement, soulignant ses dangers, ou son inefficacité. Maxime Lê, étudiant à la maîtrise en communication spécialisée en Sciences, société et politique publique à l’Université d’Ottawa (U d’O), revient sur ces arguments anti-vaccins, et y répond. 

Analyste politique à l’Agence de la santé publique du Canada et consultant en communication et en santé publique, Lê a beaucoup étudié les réactions au vaccin et leurs fondements. Selon lui, comprendre ces phénomènes est la première étape vers une société plus informée, et ultimement en bonne santé. 

La Rotonde (LR) : Quels sont les arguments invalides les plus utilisés contre le vaccin ?

Maxime Lê (ML) : Il y a trois arguments principaux. D’abord, l’idée que les vaccins propagent eux-mêmes la maladie. Mais le vaccin anti-COVID-19 [au Canada] est fait à base d’acide ribonucléique messager ; avec cette technologie novatrice, on n’injecte pas le virus en tant que tel, mais plutôt une série d’instructions qui permet au système immunitaire de mettre en oeuvre un système de défense pour le combattre en anéantissant ses mécanismes d’attachement. 

Le deuxième argument, le plus populaire, est de dire que les vaccins causent des maladies secondaires, notamment l’autisme. Cette croyance est issue d’une enquête de 1998 d’Andrew Wakefield qui avait affirmé ce lien de causalité […]. Malgré le caractère frauduleux de son étude, l’idée s’est propagée, et a encouragé les gens à ne pas faire vacciner leurs enfants, par peur du risque associé.  

Enfin, beaucoup affirment que la médecine naturelle serait plus efficace que la médecine orthodoxe, ou la science. L’homéopathie, la naturopathie, et la pseudoscience sont basées sur la vente d’espoir et de miracles face aux échecs de la médecine traditionnelle […]. Mais aucune donnée scientifique ne soutient que les effets curatifs de tels produits […] soient meilleurs que ceux des vaccins. 

LR : Comment est née la réaction contestataire au vaccin au Canada ? 

ML : Historiquement, contester la vaccination n’est pas quelque chose de nouveau […]. En Europe, tout comme Canada, on croyait [au 19e siècle] à la théorie miasmatique, selon laquelle l’eau usée et la saleté causaient les maladies. Les gens ne comprenaient donc pas en quoi quelque chose de sale pourrait nous guérir.

Les Canadien.ne.s français.e.s ont alors commencé à partager des postulats selon lesquels la vaccination avait tué ou rendu invalides leurs enfants. Alors que les Canadien.ne.s anglais.e.s se sont plutôt positionné.e.s à l’encontre de l’idée que l’État puisse forcer les gens à la vaccination […].

Dans les années 1980, le Gouvernement de l’Ontario a imposé un vaccin obligatoire aux enfants pour accéder à l’école […]. Cette imposition des décisions de l’État sur la santé des gens a mené à une vague de mouvements contestataires, dont Vaccine Choice Canada, un organisme national à but non lucratif ayant pour mission de s’assurer que les parents soient conscient.e.s de leur droit de refuser la vaccination, au nom des droits et libertés des Canadien.ne.s.

LR : Existe-t-il des arguments valides contre le vaccin ?

ML : Le vaccin est une technologie scientifique, et avec chaque innovation médicale dans l’histoire, les populations ont mis du temps à se laisser convaincre. Aujourd’hui, on est toujours dans une phase d’acceptation de la vaccination comme phénomène sécuritaire […]. C’est donc naturel d’être méfiant.e envers la vaccination. Mais cette position devient problématique lorsqu’elle est associée aux fausses idées selon lesquelles le vaccin cause l’autisme, ou qu’il est dangereux […]. Le choix de la vaccination peut facilement être paralysé par la peur de perte liée à ses risques par rapport à ses gains potentiels.

Le risque de se faire administrer ce vaccin est minime, moins important que celui associé au fait de sortir dehors […]. Vacciné.e, il est vrai que l’on peut toujours transmettre le virus, mais si tout le monde est immunisé, alors la transmission ne sera plus un problème. 

Beaucoup s’opposent aussi au vaccin car il aurait été développé trop rapidement, et se demandent si les chercheur.euse.s ont pris des raccourcis, ou si les études cliniques sont vraiment fiables […]. En raison de la crise de santé publique, les gouvernements ont investi des milliards de dollars dans la recherche et le développement des vaccins, ce qui a pu forcer les compagnies de recherche à accélérer leurs recherches car ils avaient les fonds nécessaires pour. Ce vaccin est le produit d’un effort mondial. 

LR : Comment combattre l’anti-vaccination à Ottawa aujourd’hui ? 

ML : Si on adopte une réflexion critique, il est vrai que les autorités de santé publique n’ont pas assez fait un assez bon travail de communication pour expliquer pourquoi les vaccins sont vraiment sécuritaires […]. Chacun.e devrait pouvoir exprimer son opinion et ses inquiétudes, et avoir accès à l’information. Le public cherche de plus en plus à se faire entendre et à se faire inclure dans les processus de décision ; c’est ça qui donne aux anti-vaccins l’idée que ce sont les gouvernements, les démocraties qui viennent imposer leurs décisions sur les gens […].

En tant qu’individu.e.s, il y a deux choses que l’on peut faire. D’abord, faire preuve de réflexion critique quand on voit quelque chose sur les réseaux sociaux. Nous, les étudiant.e.s, sommes plus informé.e.s que la population générale. Il faut utiliser ce privilège, et ne pas partager quelque chose aveuglément, en vérifiant toujours que la source partagée soit légitime. Deuxièmement, on peut rappeler aux gens les bénéfices de la vaccination. Au Canada, nous avons eu la chance de ne pas souffrir de résurgences de la polio, ni de cas extrêmes de varioles, tout ça grâce à des mesures antérieures de vaccination.

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