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Arts et culture

Échanges idéologiques

Culture
10 avril 2017

Arts et culture

Par Myriam Bourdeau-Potvin – Cheffe du pupitre Arts et culture

ENTREVUE

Emma Anderson, directrice de l’Institut d’études canadiennes et autochtones (IECA), a fait le point sur la culture des Premières Nations et discuté des accomplissements de l’année en faisant un retour sur les évènements marquants.

La Rotonde : Vous enseignez un cours sur la religion, la culture et l’identité au Canada. Quel rôle jouent les autochtones dans l’identité canadienne?

Emma Anderson : Ce qui me dérange en tant qu’historienne, c’est que nous connaissons très bien ce que, par exemple, Marie de l’Incarnation ou Jean de Brébeuf pensent avoir fait. Nous avons moins tendance à connaitre comment les autochtones réagissaient aux évènements de rencontres ainsi qu’aux questions théologiques et socioculturelles qu’ils soulevaient. Pourtant, nous n’avons aucune raison de ne pas le savoir, puisque nous avons accès à la documentation. Ce que j’essaie d’apporter en classe, c’est une nouvelle approche de ces rencontres. J’essaie aussi de sensibiliser mes étudiants sur ce que les autochtones ont également apporté aux Européens, en termes d’idéologie, de façons de penser et de mentalité.

Dans les vingt, cinquante dernières années, un intérêt s’est développé pour les échanges avec les Premières Nations, mais ce qu’on voit beaucoup, ce sont des exemples matériels de produits qui ont été échangé (par exemple, les Espagnols ont apporté la guitare et le catholicisme, puis l’Amérique a donné du café, des tomates, des patates etc.). Je voudrais qu’on évolue plutôt vers les échanges idéologiques.

LR : Comment ces idéologies ont-elles affecté la culture actuelle?

EA : J’aimerais être capable de prouver que les idées autochtones étaient une clé méconnue de la Révolution française. […] L’un des modèles que les gens utilisent pour imaginer une société moins hiérarchique, moins didactique et moins autoritaire est celui des religions autochtones. Ils se considèrent comme des gens véritablement libres, qui ne sont pas encombrés par le poids de l’histoire de la civilisation européenne et qui ne sont pas aussi… obséquieux.

La société française du 17e siècle était extrêmement hiérarchisée. Encore pire si vous étiez une femme! […] Je pense que le fruit de ces réalisations commence tout juste à se faire ressentir : même dans une classe mixte, les étudiants trouvent instinctivement que les façons de penser des autochtones du 17e siècle sont plus faciles à comprendre puisque qu’elles ont ces bases de tolérances, de respect pour l’ambigüité et des différences que nous chérissons aujourd’hui au 21e siècle.

LR : L’IECA lançait le 24 mars un portail de recherche étudiante. En quoi cet outil va-t-il contribuer au partage des connaissances?

EA : C’est notre façon de mettre en valeur la recherche étudiante. On peut remercier le professeur Tracy Coates, puisque c’est sa création. Ce projet est dérivé des travaux et recherches que les étudiants font dans le cadre de son cours; elle voulait trouver une façon de partager tout ça avec le grand public. Souvent, les étudiants ne font pas uniquement des projets de recherche sous forme de texte, mais aussi des montages vidéos, de la cartographie et plusieurs autres travaux comportant des éléments visuels qui peuvent contribuer aux connaissances des érudits autant que pour les autres étudiants. […] Beaucoup de ces informations ont beaucoup trop de valeurs pour les garder cachées. Elles méritent d’être partagées avec le monde et de rendre ces sources accessibles. La recherche est agglomérative et ne devrait pas être gardée isolée.

LR : Qu’avez-vous pensé de l’exposition rétrospective d’Alex Janvier?

EA : J’ai trouvé qu’on pouvait y déceler la flexibilité de la spiritualité traditionnelle et les façons dont elle peut être exprimée visuellement. Dans un sens, plusieurs d’entre nous pensent comprendre d’où vient l’art autochtone et Janvier détruit complètement ces idées. C’est un peu comme si l’expressionnisme abstrait rencontrait les Premières Nations du 21e siècle. C’est ce qui est intéressant avec l’art autochtone de nos jours; les artistes prennent des chemins complètement inexplorés, en utilisant par exemple des techniques de sculpture traditionnelles, mais en représentant des figures inattendues. Être témoin de cette forme de renaissance et de ce désir de jouer avec les divers moyens d’expression de l’identité est fascinant.

LR : Au cours de l’année, les étudiants ont aussi eu le plaisir de rencontrer Taiaiake Alfred et Lisa Monchalin sur le campus. Qui d’autres aimeriez-vous recevoir dans un futur proche?

EA : En mai, l’Université d’Ottawa sera l’hôte d’une conférence nommée « Resituer l’histoire du Canada ». C’est un peu notre approche du 150e, particulièrement dans l’optique religieuse et spécifiquement des minorités religieuses autochtones et contemporaines. […] Kent Monkman y sera pour un soir et il coprésentera avec un violoncelliste et un lauréat en poésie canadienne. Monkman va apporter les éléments visuels avec son art et ses allocutions pour discuter de sa carrière et de ses démarches pour décoloniser les canons esthétiques. […] Margaret Atwood sera aussi là pour discuter du rôle de la religion dans son travail. Elle sera accompagnée de Leah Kostamo, une activiste chrétienne et environnementaliste, qui a été influencée par la trilogie de romans dystopiques d’Atwood. […] Ce sera une opportunité de réfléchir sur la façon dont l’art reflète la réalité et la façon dont la réalité reflète l’art.

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