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Jacques Frémont, une première année mouvementée

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10 avril 2017

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Par Yasmine Mehdi – Cheffe du pupitre Actualités

ENTREVUE À TABARET

Entré en fonction en juillet dernier, le trentième recteur de l’Université d’Ottawa a accordé, après une longue période d’attente, une entrevue à La Rotonde. Le 16 mars dernier, dans son bureau du deuxième étage de Tabaret, Jacques Frémont a accepté de dresser un bilan de sa première année en poste. L’air grave, il admet que celle-ci a été particulièrement marquée par un contexte budgétaire délicat, l’Université faisant face à un déficit de 4,9 M$ qui pourrait tripler dans la prochaine année.

 « Le seul endroit où on peut chercher cet argent, c’est dans les poches des étudiants. L’État doit prendre ses responsabilités et leur donner un break. »

 La Rotonde : Comme se passe votre premier mandat de recteur à l’Université d’Ottawa?

Jacques Frémont : L’Université d’Ottawa est formidable, beaucoup plus que ce à quoi je m’attendais. J’ai eu de belles surprises et cette première année s’est bien passée […] Pour moi, le contact avec les gens est important. Vous savez, une université, c’est avant tout un regroupement de personnes, dans toute leur richesse. On compose avec 42 000 étudiants, je n’aime autant pas y penser, ça m’empêche de dormir! Les années à l’université sont en général les années qui marquent une vie. Mon rôle est de m’assurer que la vie de nos étudiants soit marquée et qu’ils soient équipés pour ce qui va suivre, peu importe leurs ambitions.

LR : Vous avez tout de même rencontré des épisodes plus difficiles. On pense à l’affaire Vet’s Tour, à la controverse des coupes à la bibliothèque et, plus récemment, aux tensions avec l’Association des professeur(e)s de l’Université d’Ottawa (APUO). Quel a été votre plus grand défi?

JF : Écoutez, c’est un défi plutôt personnel, celui de prendre la dimension des lieux et des gens. Est-ce que mon plus grand défi c’est d’avoir un budget balancé ou c’est d’avoir une communauté heureuse avec des étudiants qui étudient dans les meilleures conditions? Le défi est véritablement là cette année, et il sera là dans les autres années de mon mandat. Alors oui, il y a des incidents, on voudrait avoir plus d’argent, on voudrait parfois que les choses soient faites différemment, mais c’est accessoire à ce que doit être notre vie universitaire.

LR : Revenons à la question des restrictions imposées à la bibliothèque. Des membres de la communauté ont perçu cela étant en contradiction avec la mission même de l’Université. La professeure Steffany Benett [membre du Bureau des gouverneurs de l’U d’O, NDLR]  avait même déclaré qu’il s’agissait d’une « terrible erreur ». À l’époque où vous étiez professeur, vous seriez-vous joint aux individus qui ont manifesté contre cette mesure?

JF : C’est amusant parce que quand cette mesure a été votée, je n’étais toujours pas en poste. Dans le budget, que j’avais lu bien attentivement, j’avais remarqué cette ligne et avais dit « Ça va nous sauter au visage ». C’est ce qui est arrivé. Quelque part, je me réjouis de la réaction de la communauté universitaire, qui a lancé un cri du cœur pour rappeler qu’elle avait des valeurs fondamentales. Pour moi, le message a été bien entendu, bien reçu (rires). Dans le prochain budget, on a déjà annoncé qu’on ne couperait pas les collections, mais que des montants seraient aussi réservés pour les fluctuations du dollar. On essaie de se rendre moins vulnérables, mais il y a une profonde indécence dans le système actuel des revues universitaires dont les marges de profits sont dans les milliards.

LR : Il y a un an, vous disiez être « extrêmement sensible à la situation des étudiants, mais aussi à celle des établissements ». Aujourd’hui, un côté prime-t-il l’autre?

JF : Il n’y a personne qui ait vécu les dernières années au Québec et qui ne soit pas sensible à cette question. Actuellement, on est dans une situation où les lignes de revenus et de dépenses de l’Université ne sont plus alignées. […] Par ailleurs, la province a fait le choix de bloquer les paiements de transfert aux universités et nous garantit qu’elle va continuer à le faire. Le seul endroit où on peut aller chercher cet argent, c’est dans les poches des étudiants. Si vous me demandez, je pense que l’État doit prendre ses responsabilités pour donner un break aux étudiants.

LR : En attendant un soutien gouvernemental plus proactif, on ne peut donc pas s’attendre à une baisse, ou un gel, des frais de scolarité à l’Université d’Ottawa?

JF : Et nulle part ailleurs. On a fait notre benchmarking dans les dernières semaines et partout, tout le monde a les mêmes problèmes. Je voudrais avoir de la marge pour aider les étudiants de première génération d’immigration, pour les étudiants en provenance d’un milieu autochtone, les étudiants avec des troubles d’apprentissage. Ce sont des ambitions vers lesquelles on pourrait bouger si on avait un peu de marge. Malheureusement, pour le moment, ce n’est pas le cas, alors il faut s’abstenir.

LR : Depuis le début de votre mandat, avez-vous identifié les grands projets sur lesquels vous travaillerez au cours de votre mandat? 

JF : Pour moi, un des grands chantiers est celui de la diversité et de l’inclusion. Une des choses que j’ai trouvées épatantes ici, c’est la diversité du corps étudiant. Je n’ai pas trouvé la même diversité au niveau du corps professoral et du personnel. Pour moi, c’est important qu’on soit un modèle là-dessus précisément parce qu’on est bilingue, parce qu’on est dans la capitale du Canada et parce qu’on le doit à notre corps étudiant. Je voudrais donc établir un plan d’action dès la prochaine année. J’ai un mandat de cinq ans, et je voudrais que les gens se retournent dans trois ans et qu’ils se disent « On est une meilleure place qu’avant ».

Certaines réponses ont pu être reformulées pour des raisons de longueur et de clarté. 

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