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Éditorial

Épidémie de troubles mentaux : L’Université noie le poisson

Web-Rotonde
27 mars 2017

 

Comité éditorial 

Mesdames et messieurs de l’administration, ceci est un plaidoyer vous étant adressé.

Vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a deux semaines, un étudiant s’est ôté la vie entre les murs d’un de vos pavillons. En raison des demandes de la famille semble-t-il, vous n’avez fait parvenir à la communauté étudiante. Aucun message, aucune réaction. Si ce n’était pas de la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa, qui a émis un communiqué le 17 mars, la vie des un.e.s et des autres aurait continué comme si de rien n’était.

Pourtant, beaucoup ont été bouleversé.e.s par la nouvelle, car la détresse de l’étudiant est on ne peut plus familière. En effet, comme c’est le cas pour beaucoup d’autres campus au pays, les pensées suicidaires sont monnaie courante à l’Université d’Ottawa (U d’O).

Dans un rapport publié au printemps 2016 par l’Ontario University College Health Association, près de 62 % des étudiant.e.s interrogé.e.s confiaient avoir perdu espoir face à leur condition dans la dernière année. 89,2 % se disaient submergé.e.s par l’ampleur des tâches à accomplir. 67,8 % d’entre eux et elles disaient s’être senti.e.s seul.e.s, et finalement, 13,7 % disaient avoir sérieusement considéré le suicide dans la dernière année.

Quand on observe les causes de la détresse étudiante, deux éléments frappent. Premièrement, l’anxiété liée à l’université représente le plus grand stresseur pour 59.3 % des étudiant.e.s interrogé.e.s. En deuxième position viennent les problèmes liés aux situations personnelles.

Le second fait marquant, peut-être le plus significatif, est cependant que parmi tous.tes ces étudiant.e.s, seuls 26,1 % ont été traité.e.s et/ou diagnostiqué.e.s par un professionnel pour une maladie mentale quelconque.

En quoi cela vous concerne-t-il?

« L’Université n’est pas un hôpital. » Voilà ce que disait l’ancien recteur de l’U d’O Allan Rock, en entrevue avec La Rotonde l’an dernier. Et c’est toujours, semble-t-il, la position officieuse de l’Université.

Contactée la semaine dernière, la gestionnaire des communications nous rappelait que si « l’Uni­ver­sité accom­pagne ses étudiants le plus possible, il faut comprendre que nous nous appuyons sur des ressources à l’ex­té­rieur du campus, qui font partie du réseau de la santé provin­cial. Nous […] n’avons aucun contrôle sur l’ac­cès aux services d’un psycho­logue ou les temps d’at­tente pour voir des psycho­logues en Onta­rio. » 

Bon, admettons. Admettons que les contraintes budgétaires justifient en effet de tourner le dos à un étudiant en proie à une crise suicidaire. Admettons que se concentrer sur « l’expérience étudiante » exclut l’expérience de l’isolation et du repli sur soi vécue par tant d’étudiant.e.s. Admettons tout cela et concentrons-nous sur les nombreux services qui existent déjà.

Pourquoi un tel labyrinthe ? Pourquoi un tel bordel bureaucratique ? Excusez notre langage, chers administrateurs, mais sérieusement. Pourquoi, après avoir passé trois ans à étudier les services offerts par l’Université, et les avoir personnellement utilisés, avons-nous encore du mal à comprendre leur fonctionnement ?

L’an dernier, on nous indiquait qu’il faudrait d’une à deux semaines pour voir un conseiller au SASS, 24 h pour les personnes en crise. Cette année ? Il semblerait que ces deux semaines soient devenues l’attente pour parvenir à la simple étape du triage. Ensuite, il faudrait attendre jusqu’à huit semaines pour consulter un.e psychothérapeute, nous dit-on. Huit semaines… ou quatre mois ? Les témoignages divergent.

Mais ce n’est pas tout. Pour avoir accès finalement à l’ultime privilège qu’est la clinique de psychiatrie cachée du 1 rue Nicholas, le processus est long. Premièrement, vous ne pouvez y avoir accès en vous y présentant directement. Il faut être recommandé par votre médecin de famille. Médecin de famille qui doit nécessairement être affilié au Service de Santé de l’Université d’Ottawa (SSUO), et qui doit avoir fait une première évaluation psychiatrique. Une fois cela, c’est l’attente. Pour l’une d’entre nous, c’était 5 mois.

La clinique compte en effet 13 spécialistes de la santé mentale, parmi lesquels figurent seulement 5 psychiatres. En faisant un calcul rapide, cela nous donne environ 1 psychiatre pour 9 700 membres de la communauté universitaire (étudiant.e.s, professeur.e.s et personnel de soutien compris). Une fois les mathématiques faites, il est plus facile de comprendre le temps d’attente.

Plus facile de comprendre, mais toujours dur à avaler. Il est dur de croire qu’avec son armée de comptables et d’analystes financiers, l’Université n’a jamais fait ces calculs.

Regardez, mesdames et messieurs les administrateurs, nous sommes prêt.e.s à faire des concessions et accepter vos restrictions. Mais arrêtez de nous prendre pour des con.ne.s. Que vous n’ayez pas les moyens d’élargir vos services est une chose. Mais les diluer et les cacher au détour d’un lien sur votre site internet ou d’un coup de téléphone à la bonne extension en est une autre.

Ultimement nous ne vous demandons qu’une chose : de la clarté. Sur vos positions comme dans vos services. Pour le bien de vos étudiant.e.s comme pour le vôtre.

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