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Opinions

Finie l’ère de la bête de cirque

Culture
6 novembre 2017

Depuis le temps des gladiateurs romains et des bains de sang, l’humanité a toujours raffolé de spectacles. Tout ce qui sort de l’ordinaire, tout ce qui est spectaculaire, tout ce qui impressionne… Nous avons la piqûre. Dès tout petit, on nous apprend à applaudir, à ouvrir de grands yeux devant les tours de magie et devant les acrobaties défiant les lois de la physique.

Évidemment, le public d’aujourd’hui a des attentes très élevées par rapport à la culture. Mais, ces attentes se transposent dans notre vision des groupes culturels minoritaires : nous oublions que nous avons affaire à des humains qui vivent dans la même ère que nous.

Au Canada, un phénomène vient peu à peu faire sa place sur la scène culturelle en défiant les standards et les livres d’histoire. Dans un vent de fraîcheur apporté par les efforts de réconciliation avec les peuples des Premières Nations, Métis et Inuits, la culture autochtone devient le porte-voix, la façon de montrer la résilience des peuples sur qui les descendants européens écrasent leur talon depuis quelques centaines d’années. Il était temps.

La réconciliation est une tâche ardue qui mérite qu’on s’y attarde, mais en cherchant un manuel d’instruction à tâtons, nous nous butons à des cas classiques de commercialisation de l’exotisme. Loin de ressembler aux expositions coloniales du XXe siècle, les manifestations de la culture mettent tout de même de l’avant les traditions cérémoniales, tels les habits et la musique traditionnelle des Premières Nations, à la curiosité du public, à la soif de sensationnel d’un auditoire non informé. Par exemple, à la communauté de Mashteuiatsh, sur les rives du Lac St-Jean au Québec, les employés du carrefour touristique de la réserve reçoivent sans relâche des touristes aux attentes modelées par le manque d’éducation flagrant sur la réalité des Premières Nations.

Pourquoi les gens se déguisent-ils encore en Indien à l’Halloween? Pourquoi les gens veulent-ils voir les plumes, les canoës d’écorce, les arcs et les flèches lorsqu’ils visitent les réserves? Il est évident que tout un travail de désamorçage des apprentissages acquis par un passé colonialiste reste à faire chez chaque génération.

Oui, tel prescrits par le rapport de la Commission de vérité et réconciliation, de nouveaux manuels scolaires sortent sur le marché pour remplacer ceux des écoles primaires qui glorifiaient la Sainte-Catherine et la moissonneuse-batteuse, plutôt que de dénoncer les massacres et les pensionnats. Toutefois, qu’en est-il des adultes pour qui la culture autochtone se résume aux mâts totémiques du Musée de l’Histoire, aux capteurs de rêves dans les boutiques souvenirs et aux habitants des réserves autochtones que nous observons de loin par méfiance? Ils se disent peut-être qu’il y a sûrement une raison pour laquelle ils ont été mis en cage dans des réserves, mis en paragraphes expliquant leurs techniques de chasse dans les livres d’histoire.

Oui, nous sommes sur la bonne voie. La rééducation et le désamorçage des stéréotypes entourant la culture autochtone commence par la scène culturelle, publique et accessible à tous. Le Canada a compris que des programmes de subvention visant à mettre en valeur la culture autochtone d’aujourd’hui sont indispensables. Ces initiatives telles (Ré)conciliation ou Nouveau Chapitre, du Conseil des Arts du Canada, voient le jour avec leur lot de projets. Le Wild West Show de Gabriel Dumont (WWS), une pièce de théâtre s’inscrivant dans le projet Nouveau Chapitre, a su dresser un portrait actuel des Métis de l’Ouest et des prairies du Canada en représentant leur histoire au goût des Wild West Shows (WWS), de Buffalo Bill aux États-Unis. Ce chef d’oeuvre exploite les stéréotypes entretenus par les manifestations de la culture autochtone auxquelles les Canadiens sont habitués afin de dénoncer les abus des autorités face aux peuples Métis.

Sans ouvrir une brèche vers le débat sur les 150 ans du Canada, les célébrations de l’anniversaire de la Confédération ont joué un grand rôle dans l’émergence d’artistes autochtones qui défient les stéréotypes et proposent de l’art au goût du jour. Tout en respectant leurs racines, ce sont des artistes, telles que la chanteuse de gorge Tanya Tagaq ou même Iskwé, une chanteuse crie-denée qui exprime la gravité des enjeux actuels par son art, qui définissent la nouvelle identité des peuples autochtones. Si une seule identité il y a…

Parce qu’il faut permettre l’auto-identification. L’équipe du WWS mentionnait justement le 18 octobre dernier qu’il est permis d’avoir plus d’une définition des mots comme résilience et identité. Ce n’est surtout pas notre rôle, à ceux qui ne font pas partie des Premières Nations, Métis et Inuits, de circonscrire l’identité de ces derniers ni d’objectiver cette culture si riche en artistes et activistes militants pour des enjeux actuels. Ces peuples ne sont ni artefacts archéologiques, ni bêtes de cirque.

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