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Opinions

Franco-Ontariens et Flamands : même combat?

Web-Rotonde
27 octobre 2014

– Par Diego Elizondo, étudiant en histoire et sciences politiques

La Rotonde aurait gagné davantage à présenter, à même son dossier sur le bilinguisme, les types de gouvernance universitaire des minorités ethnolinguistiques nationales ailleurs dans le monde. Je propose ici de considérer sommairement la problématique des Flamands en Belgique pour réfléchir les formes de la dualité ethnolinguistique.

On aura compris que plusieurs facteurs diffèrent entre la problématique actuelle de la gouvernance universitaire par et pour les Franco-Ontariens en 2014 et celle des Flamands en 1968-1972. L’évidence est que les Flamands formaient la majorité du corps étudiant sur le campus de Louvain, mais que la gestion entière leur échappait, alors que pour les Franco-Ontariens le problème est accentué : même si l’Université d’Ottawa fut traditionnellement et historiquement composée d’un campus francophone, la situation s’est inversée depuis les années 1970, période dans laquelle le bilinguisme est devenu prisé au Canada, par la Fonction publique fédérale sous l’impulsion des législations fédérales linguistiques conférant aux langues française et anglaise une égalité de statut et de droit et la gestion universitaire échappe toujours partout en province aux Franco-Ontariens qui administrent pourtant leurs collèges communautaires, leurs écoles élémentaires, secondaires et leurs conseils scolaires, ce droit inaliénable étant reconnu par l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982. Ce droit est conféré à quiconque désire se prévaloir de l’une des langues officielles partout au pays : contrairement à la Belgique, les régimes linguistiques ne sont pas étanchement définis par territoires distincts où prime l’une ou l’autre langue dite « nationale ». Enfin, même si la Côte-de-Sable fut un bastion de la francophonie ottavienne, ce secteur tout comme l’entièreté de la Ville d’Ottawa est aujourd’hui un territoire non majoritairement francophone.

Pourtant, les Flamands et les Franco-Ontariens sont tous deux issus de groupes en situation minoritaire. Bien que les Flamands soient légèrement supérieurs en nombre face aux Wallons. et ce, depuis la fondation de l’État belge, ils ont largement été dominés dans les champs politiques, sociaux, économiques et culturels pendant longtemps. Bien que la situation se soit dramatiquement inversée dans le champ économique, l’identité et la culture flamandes demeurent toujours aussi précaires en raison du géant français situé tout près, tout comme le géant anglo-saxon (américain) qui agit telle une épée de Damoclès au-dessus de la pérennité francophone en Amérique du Nord. Pour les Franco-Ontariens, la minorisation est globale : numérique, économique, territoriale, politiquement et culturelle.

Or, prétendre que seule la Belgique fut façonnée par les conflits ethnologiques d’il y a 50 ans serait inexact. En effet, l’Université d’Ottawa comme l’Université catholique de Louvain se situaient en des États dont les tensions ethnolinguistiques étaient à leur comble durant les années 1960. À cette époque, ces deux maisons d’enseignement universitaire fondées au XIXe siècle étaient de confession catholique (c’est toujours le cas pour Louvain). L’Université d’Ottawa quant à elle n’avait pas accès aux subventions provinciales en raison de son caractère religieux. Un arrangement semblable à Louvain – quoique dénudé de confrontations acerbes – est survenu à l’Université d’Ottawa lorsqu’on scia la maison d’enseignement en deux entités universitaires fédérées. Mais contrairement à Louvain, cela ne se produit pas sur une base ethnolinguistique, mais bien sur un critère confessionnal : l’entièreté des facultés canoniques furent aménagées ailleurs, à l’Université Saint-Paul. C’est la loi de 1965 adoptée par l’Assemblée législative de l’Ontario qui créa l’Université d’Ottawa laïque actuelle et stipule clairement sa mission de « favoriser le développement du bilinguisme et du biculturalisme, préserver et développer la culture française en Ontario ». Soulignons en outre que les efforts de l’Association canadienne-française de l’Ontario à la même époque pour franciser totalement l’Université d’Ottawa demeuraient lettre morte.

Voilà donc peut-être tout le paradoxe actuel de l’Université d’Ottawa : dans un monde accentué sur la mondialisation, cette université a visiblement une double obligation quasi-incompatible telle qu’énoncée dans la Loi concernant l’Université d’Ottawa de 1965 : elle doit à la fois favoriser le développement du bilinguisme ET aussi veiller au développement de la culture française en Ontario. Or contrairement à l’idée reçue, francophonie n’est pas automatiquement synonyme de bilinguisme. Cette difficile conciliation se manifeste par un rapport de force des plus ardus et d’un mécontentement soutenu de la part de la minorité, l’assurance scandée que tout est offert équitablement dans les deux langues fait afficher à plusieurs un brin de scepticisme. Les Flamands ont trouvé leur solution il y a près de 50 ans. Qu’en est-il aujourd’hui des Franco-Ontariens?

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