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Éditorial

Fuck l’establishment!

Web-Rotonde
12 avril 2015

– Par Marc-André Bonneau –

Le campus se présente comme une production théâtrale à rideau fermé. Alors que tout semble calme du point de vue du spectateur, nul ne voit la tragédie mise en scène. Ainsi, la privatisation de l’éducation, le musèlement de la science et la discrimination des minorités, pour ne nommer que quelquesuns des problèmes, n’ont pas réussi à faire réagir la communauté universitaire. Simultanément, l’université se vend sans consentement, à l’encontre de l’intérêt public. Le contrôle grandissant des metteurs en scène – recteur, gouverneurs, doyens et autres – sur le rôle de l’université ainsi que sur l’accès à l’information mène à l’atterrissement de la pensée critique. Privés d’informations, les étudiants ne peuvent choisir librement.

En l’espoir de lever le rideau sur cette farce théâtrale, La Rotonde a déposé maintes demandes d’accès à l’information. L’Université d’Ottawa reste muette et aura ainsi à répondre au Bureau du commissaire à l’information de l’Ontario face aux plaintes que La Rotonde a déposées. Ce silence bien calculé par l’establishment fige la communauté universitaire. Alors qu’une autre année tire à sa fin, revenons sur ses grands actes.

En arrière-scène

En arrière-scène se tramait la mise sur pied d’une formation pour lutter contre le terrorisme, l’élaboration d’une stratégie juridique contre la culture du viol et le copinage avec les lobbyistes de l’industrie pétrolière. Ce ne sont que quelques exemples de l’approche adoptée par l’establishment. Après l’entracte, notre réveil va être pénible.

En plus de redéfinir l’université dans leurs intérêts, les pouvoirs dirigeants disciplinent et docilisent la population étudiante. Par exemple, ils transforment des représentants de l’industrie minière canadienne (accusée de violation des droits humains) en philanthropes charitables afin d’encaisser leurs dons. Le recteur de l’U d’O affirme que cette charité est nécessaire pour les finances, bien que le Bureau des gouverneurs refuse de considérer sérieusement les budgets alternatifs proposés par les étudiants. L’intégrité des acteurs est depuis longtemps compromise.

S’attendre à ce que la communauté universitaire désobéit civilement pour conserver ses acquis semble malheureusement tenir de la rêverie. Particulièrement quand nos propres associations étudiantes ne peuvent atteindre le quorum nécessaire à leurs assemblées et limitent le problème à la responsabilité de leurs membres. Refuser aux étudiants une période de questions adéquate à la fin de celles-ci en dit déjà long. Inutile d’épiloguer là-dessus, l’argument s’étaye dans nos 24 dernières parutions.

L’affaiblissement des revendications des étudiants a ses causes ; arrêtons de s’acharner sur ceux-ci. La manipulation de l’information qu’exercent les décideurs influence nos indignations collectives et notre capacité à s’organiser.

Notre réplique

Si les luttes sont infructueuses chez nous, apprendre de ce qui se fait ailleurs devient une des seules façons de ne pas laisser l’establishment transformer l’université en fonction de ses intérêts.

Le rôle de l’université se définit maintenant dans un rapport de force à l’avantage de ceux qui détiennent le pouvoir. Lorsque les étudiants réagissent moins, leurs pouvoirs s’estompent.

Les actualités du campus témoignent de cette lutte, d’où l’importance de la questionner attentivement. Ceux qui demeurent passifs échouent à mettre en relations les enjeux qui portent atteinte à l’espace universitaire. En revanche, un minimum de pensée critique permet rapidement d’englober des revendications plus larges.

Revendiquer que « nos acquis valent plus que leurs profits! » – comme on le clame dans les rues de Montréal pour se défendre contre l’austérité – n’est pas seulement légitime, mais aussi nécessaire pour contrer les actes qui se préparent en coulisse. Ces mobilisations voisines ont beaucoup à nous apprendre, profitons-en.

Le ton diplomatique des éditoriaux de La Rotonde visait à déconstruire le débat plutôt qu’à l’enflammer. Mais puisque la situation l’impose, que la tragédie demeure dans l’ombre, continuons la réflexion et partageons notre colère!

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