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Éditorial

La couronne boréale

Web-Rotonde
11 avril 2016

Par Didier Pilon

La Rotonde est une bête bien singulière. Contrairement à son petit frère plus docile, The Fulcrum, elle a toujours su mécontenter la haute administration par son attitude revendicatrice et ouvertement critique. Depuis 1932, nombreux sont les brasseurs la marde qui s’enchainent au poste de rédacteur en chef.

Le fils d’Ariane

On peut bien se demander comment, après tant d’années, ce petit journal qui peine à survivre a préservé cette volonté critique. Certes, les générations de rédacteurs ne partagent tous pas les mêmes positions. Nombreux sont les désaccords et les débats qui entourent les vieux divans du 109, rue Osgood. Mais une volonté commune perdure.

Ce refus de voir l’Université comme une usine à diplôme entre les corridors de la petite école et les cubicules de la vie d’adulte. Cette vision du campus comme microcosme de la société, avec ses propres enjeux de justice et sa propre culture. Voilà ce qui a fait de La Rotonde un lieu de rassemblement pour ceux qui veulent, à l’écart des pressions capitalistes et scolaires, repenser le milieu universitaire.

Mais il est facile d’oublier que cette liberté de penser n’a pas été offerte sur un plateau d’argent.

Vaincre le Minotaure

La Rotonde est le journal indépendant de l’Université d’Ottawa. Indépendant. Ce mot si anodin, qu’on retrouve sur chaque une du journal, témoigne d’un passé ardu.

Après avoir été déclaré le journal le plus censuré au Canada en 1956, un combat féroce pour la liberté de presse débute. Les rédacteurs s’opposent ouvertement au « paternalisme » des pères Oblats. Mais l’Université est maitre : trois journalistes sont démis de leur fonction et expulsés de l’Université. Le président de la FÉUO, alors allié du journal, est contraint à démissionner.

La confrontation atteint son paroxysme en 1964, dans une édition au sujet de la visite de la Reine à Ottawa. Selon la légende urbaine, transmise de bouche-à-oreille dans les locaux rotondiens, on pouvait y lire en gros : « Fuck la Reine! » Mais nul ne pourrait le confirmer. Même dans les archives le mieux conservées, quatre pages manquent à cette édition.

En 1965, restructuration. L’Université perd son droit de regard sur le journal. La Rotonde, maintenant sous la tutelle de FÉUO, se tourne pour la première fois vers des enjeux sociaux plus larges : unilinguisme, sexisme, homophobie, racisme.

La FÉUO, à la surprise de personne, ne s’avère pas un maitre plus aimable. En 1979, La Rotonde déclare : « Il n’y a plus de liberté de presse quand on nous fait sentir que nous sommes subventionnées par la Fédération. » Et c’est ainsi qu’au 21e siècle, après 70 ans de combat, La Rotonde obtiendra finalement une indépendance totale.

Le butin de la victoire

Mais cette lutte n’a pas été en vain. Certes, M. Rock cache à peine son dédain du journal. Mme Hébert et M. Ahimakin ont beau passer à nos bureaux pour se plaindre de nos critiques. Le Bureau des gouverneurs peut bien s’outrer de l’éditorial « Fuck l’establishment! » de Marc-André Bonneau, et demander : « Pourquoi est-ce qu’on les permet de publier ça? »

Mais, après tout ça, nous pouvons fièrement répondre : « Parce que vous n’avez aucun contrôle sur nous. » « Parce que nous n’avons pas à nous soumettre à votre volonté. » « Parce que nous sommes indépendants. »

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