Inscrire un terme

Retour
Actualités

L’austérité à l’Université d’Ottawa, depuis quand et pourquoi ?

Web-Rotonde
11 juillet 2017

Actualités

Par : Nicolas Hubert-Journaliste

Alors que le terme austérité revient constamment pour justifier ou dénoncer le déficit budgétaire de l’Université d’Ottawa (U d’O) et les différentes coupures et mesures qui l’accompagnent, La Rotonde revient sur l’évolution de la situation financière de l’U d’O au cours des dernières années et son appréhension par les différents acteurs de la communauté universitaire.

 

L’austérité 002 la dernière version

Un « effort collectif » pour l’austérité 

Pour mieux comprendre la situation et la crispation de la communauté universitaire autour de ces enjeux, il est nécessaire de remonter jusqu’en novembre 2013, au moment où le gouvernement provincial de l’Ontario a annoncé la modification et la réduction du financement public des établissements postsecondaires. Une réforme toujours en cours, à laquelle le Sénat et l’administration de l’université continuent de se préparer.  

En parallèle, l’U d’O enregistrait un léger déficit dans son budget de fonctionnement 2012-2013 et prévoyait des déficits plus conséquents pour les exercices 2013-2014 et 2014-2015. En réaction, le Comité d’Administration (CA) de l’U d’O a appelé à préparer un plan stratégique, Destination2020, pour restructurer ses finances et s’adapter à la modification des financements provinciaux.  

Au sein du document de présentation du plan Destination2020, publié en février 2014, l’administration de l’université prévient que cette nouvelle orientation représente « bien plus qu’un simple exercice de réduction des coûts », « qu’une affaire d’administration centrale » ou « qu’une chasse aux déficits », mais de l’établissement d’un nouveau modèle de gestion financière. L’U d’O s’inquiétait alors de la manière de faire passer l’information sur l’ampleur des déficits projetés et sur la façon de « diffuser cette information cruciale et de gérer les vastes consultations qui suivront » afin « d’établir le lien de confiance indispensable au succès de cet effort collectif ».

C’est précisément ce lien de confiance qui est aujourd’hui mis à mal, tandis que la perception de cet effort collectif varie considérablement en fonction des acteurs de la communauté universitaire.

L’U d’O défend « la mise en place de mesures structurantes »

La gestionnaire des relations avec les médias de l’U d’O, Isabelle M. Pulkinghorn, nous informe que l’objectif premier de l’université demeure celui « d’offrir le meilleur environnement possible pour ses étudiants » et que tous « les investissements nécessaires [sont] réalisés pour doter l’université des meilleurs programmes et infrastructures possibles ».

Pour l’administration de l’université, « le budget est raisonnable dans les circonstances, mais pour assurer sa santé financière à long terme, l’U d’O doit mettre en place des mesures structurantes ». Des mesures justifiées par la croissance, au cours des cinq dernières années des dépenses du fonds de fonctionnement, qui « ont augmenté plus rapidement que les revenus, une tendance à laquelle l’université doit s’attaquer de façon rigoureuse et novatrice » en maintenant « son objectif de réduction des dépenses », explique Pulkinghorn.

 

« L’austérité comme une tension sur les ressources humaines »

Pascal Sergent, professeur à temps partiel à l’École de Gestion Telfer et Vice-Président aux affaires externes de l’Association des professeurs à temps partiel de l’U d’O (APTPUO), souligne que du point de vue de l’administration, l’université est  « obligée de fonctionner dans un certain système avec le ministère de l’Éducation en Ontario qui leur attribue des subventions selon certaines modalités. Ils sont quand même coincés dans des enveloppes ». Sergent ajoute cependant que l’« on peut toujours sinon critiquer, discuter ou analyser la façon dont ils dépensent l’argent, est-ce qu’ils investissent trop dans l’immobilier, pas assez dans les ressources humaines? »

« Ce qu’on a cru observer les dernières années, c’est qu’ils ont toujours tendance à essayer de présenter les choses sous leur pire jour » précise Sergent en expliquant qu’en « disant que ça va mal, qu’on va faire un déficit cette année, l’U d’O porte le message qu’elle n’a pas d’argent pour augmenter les salaires ou embaucher » alors qu’à la fin de chaque exercice financier, « souvent cela se finit pas si pire que ce qui était annoncé ».

Sergent défini « l’austérité comme une tension sur les ressources humaines. Il y a une tension sur le travail des professeurs, sur le travail des étudiants salariés, sur le travail des employés de soutien, il y a une tension sur les ressources humaines à cause de cela » et précise que dans cette situation « l’utilisation des professeurs à temps partiel est faite comme une ressource plus abordable et plus flexible ». 

« Nous ne pouvons pas bâtir une université » sur une gestion d’austérité

Pour Jennifer Dekker, la précédente présidente de l’Association des professeurs de l’U d’O (APUO) cela fait une dizaine d’années que l’U d’O applique une politique budgétaire similaire. « Ils projettent des déficits à chaque année pour justifier soit des contractions soit de ne pas dépenser trop d’argent. Mais nous constatons toujours en fin d’année qu’il y a des excédents », affirme-t-elle en s’insurgent qu’il est « vraiment ridicule de pénaliser tout le monde pour un petit déficit de 4 millions de dollars », alors que « l’Université a toujours beaucoup d’argent dans les investissements, 500 millions de dollars ».

Dekker estime que « le budget d’austérité que nous vivons maintenant est très dur » et que les coupures et mesures budgétaires drastiques se sont considérablement aggravées depuis le 1er mai 2016. Au regard de ce déficit fonctionnel, l’ancienne présidente de l’APUO s’interroge sur le fait que l’U d’O ne puisse pas transférer des ressources issues des fonds d’investissement à ses budgets d’opération, tels que le font de nombreux collèges de la province.

L’enjeu pour l’APUO « c’est vraiment l’austérité, l’abus de ces positions et de la gouvernance. Nous ne pouvons pas bâtir une université ou des programmes académiques avec des professeurs remplaçants ou même à temps partiel », conclut-elle.

Une perception qui renvoie à l’indignation de la Fédération Étudiante de l’U d’O (FÉUO), dont la Vice-Présidente aux services et communication estime que « l’université avait déjà des lacunes sérieuses par rapport à des services, comme les outils de soutien pour les étudiants internationaux et des services de santé mentale », alors que « les étudiants paient de plus en plus pour aller à une université qui ne répond pas à tous leurs besoins ».

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire