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Arts et culture

Le Café Nostalgica : Bilan d’un rêve devenu restaurant

Web-Rotonde
8 avril 2015

– Par Alexandre Millaire –

Avec une nouvelle bâtisse et un modèle d’entreprise tout aussi différent, le Café Nostalgica mise sur la nouveauté, mais est aussi titulaire d’un riche héritage peu connu de sa clientèle. En préparation de son 20e anniversaire, une pleine journée de célébrations est prévue pour le 30 avril. De plus, les étudiants aux études supérieures seront conviés au local 257 du pavillon des Arts le 27 avril pour l’Assemblée générale annuelle. Ils se prononceront sur les politiques alimentaires du Café ainsi qu’une mise à jour de son mandat sans but lucratif.

Il y a déjà 20 ans que le Dr Marc Spooner, alors étudiant au doctorat en Éducation et v.-p. services étudiants de l’Association des étudiant.e.s diplômé.e.s (GSAÉD), a saisi l’étincelle et a concentré ses efforts vers la création d’un lieu pouvant abritrer les discussions vives et les désirs de l’âme, du ventre et du foie de la population étudiante. Situé dans un ancien cloître de prêtres qui a aussi servi de bureaux aux Presses de l’Université, le bar ne pouvait accueillir qu’une douzaine de gens. Autant de bières étaient données que vendues et la cuisine rêvait déjà de dépasser les capacités de ses deux ronds électriques.

Lors de sa première rénovation en 1997, 20 sièges s’étaient ajoutés et l’atmosphère ouverte, amoureuse et souvent gauchiste du Café a fleuri d’autant plus. Timekode, The Souljazz Orchestra et The People Project n’étaient que certains des groupes qui avaient apprivoisé la scène miniature tout en mettant le Café sur la carte comme lieu créatif. Inspiré des traditions de la cuisine de bistro française et misant au maximum sur le fait maison, le lieu attirait autant de professeurs que d’étudiants. Cependant, avec une popularité accrue et une bâtisse vieillissante, des problèmes d’électricité, de plomberie et aussi de capacité et d’accessibilité devenaient récurrents et coûteux.

En avril 2010, un référendum sur lequel s’est prononcé moins de trois pourcents de la population étudiante du cycle supérieur a passé et le processus de rebâtir la petite maison aux teints ocre avait été entamé.

Un rêve floué par le désir politique

Comme dans tout projet d’envergure, la politique a joué un rôle primordial quant à la construction du nouveau Café. Les trois visionnaires initiaux du projet, Guillaume Lemieux, Jonathan Duguay et Sean Kelly, ont vite été relégués à un rôle de spectateur après que des erreurs d’ordre technique concernant leur processus d’embauches avaient été révélées. « Ils ont refait le processus d’embauches et l’exécutif a décidé d’engager Séamus Wolfe, le copain d’une des membres de l’exé- cutif », explique Duguay. « J’ai pris conscience que nous n’avions plus aucun contrôle quand, lors d’une séance du conseil sur le deuxième processus d’embauches entaché de plusieurs irrégularités, l’exécutif a refusé publiquement de s’expliquer sur la nouvelle embauche ». Le résultat de ce manque de transparence : une équipe fracturée dont la main mise sur le projet risquait de devenir une quête au pouvoir politique et aux curriculums vitae mieux garnis. En tant que té- moin aux séances du comité de pilotage en 2010, il était évident que plusieurs cherchaient à prendre des décisions importantes, sans qu’il soit clair qu’elles soient bienveillantes.

Tout comme les Gaulois qui résistaient « encore et toujours à l’envahisseur », le Café Nostalgica, espace qui avait servi de sanctuaire pour le professeur émérite Denis Rancourt lors de son bannissement du campus, avait toujours été un oasis de discussion et de dissidence sur le campus. Alors que le personnel de démolition découvrait deux autres fondations en-dessous de l’ancien bâtiment et que le projet commençait à accumuler des coûts inquiétants, l’Université a vu bon rené- gocier l’entente de la GSAÉD selon laquelle elle aurait déménagé ses bureaux permanents dans le Centre universitaire. Avec un bail illimité retranché à une année, la GSAÉD a donc dû voter pour l’accommodement des bureaux au design du bâtiment, décision qui a fait gonfler la facture bien au-delà des cinq millions de dollars. Prise au jeu, la GSAÉD a fini par signer une entente par laquelle l’Université finira par posséder l’immeuble, et ce après 30 ans de paiements et de réparations de la part de la GSAÉD et des étudiants diplômés.

Encore du pain sur la planche

Une fois la reconstruction terminée, le vrai travail de rebâtir l’entreprise devait commencer. Souvent par pression financière du Conseil de la GSAÉD, l’exécutif a fini par prendre des décisions qui bénéficiaient la salubrité du Café à court terme, mais donnait des tâches impossibles à ses employés. Dave Breitenherdt, gérant actuel du Café, partage ce sentiment à l’endroit du congédiement de la dernière gérante face aux attentes administratives de son poste, qui demande 60 à 80 heures par semaine et parfois le double en septembre.

Ajà Besler, ancienne commissaire à la vie étudiante, se prononce sur l’entre-jeu entre le Café et la GSAÉD : « C’est très difficile de trouver un équilibre entre le côté business et le côté communauté culturelle étudiante pour le Café Nostalgica. Depuis son ouverture, on a vu les deux extrêmes. À l’ouverture, on avait un café avec une équipe engagée et une belle programmation, mais aucun sens de gestion : le service était lent, les factures n’étaient pas payées, l’obtention d’un permis d’alcool ignoré, et le Café a accumulé une immense dette ».

« Après, la pendule a viré dans le sens opposé, afin d’éviter d’avoir besoin de fermer les portes du Café de façon permanente. La programmation était inexistante, ensuite limitée. L’équipe ne se sentait pas valorisée. La qualité de la nourriture a baissé. Au départ, c’était toutes des mesures nécessaires afin de garder le café ouvert, mais après que le café est sorti du mode crise, les mesures s’alignaient de moins en moins avec les valeurs de la GSAÉD et du Café », explique l’ancienne commissaire.

Selon Breitenherdt, le Café va enfin avoir les moyens de réinvestir dans son côté culturel dès cet été avec plus d’art et de musique, une nouvelle estrade et un nouveau système d’éclairage. Avec sa dette d’un quart de million repayée, on laisserait supposer que la cotisation étudiante que paie les étudiants diplômés – soit plus de 100 $ par semestre – permettra au Café de revivre le refoulement culturel qui lui a donné naissance.

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