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Sports et bien-être

Le français dans les vestiaires : La pratique du sport et de la langue s’additionnent

Web-Rotonde
2 mars 2015

– Par Moussa Sangaré-Ponce –

En ce début du Mois de la francophonie, La Rotonde s’est penchée sur la place du français dans les vestiaires des Gees-Gees. Yanick Evola, entraineur-chef de l’équipe de hockey féminin, et Gabriel Gonthier-Dubue, vétéran de l’équipe de basket masculin, sont parmi les sportifs pour qui le français est un grand atout à l’intérieur du jeu. Mais dans d’autres contextes, la langue de Molière crée aussi des barrières et des périodes d’adaptation difficiles.

Le bilinguisme se retrouve aussi dans les vestiaires du Gris et Grenat. Comme entraineur, Evola a opté d’utiliser la langue de Shakespeare lorsqu’il s’adresse à ses joueuses. « Si je sens vraiment le besoin, je vais y aller en français », concède-t-il. L’entraineur affirme que les deux langues sont présentes lors des entrainements, mais que l’anglais prend souvent le dessus.

« J’y vais pas mal 50-50, mais on met toujours plus l’accent sur l’anglais ». Evola s’adresse ainsi à l’équipe puisque les anglophones sont moins aptes à connaitre l’autre langue que la leur. « La majorité des francophones comprennent l’anglais », mentionne-t-il.

Au basket, bien que certains des joueurs et entraineurs soient francophones, tout se déroule en anglais. « C’était complètement anglais. Je me souviens de Louis Gauthier, c’est un ancien. C’était un Franco-Ontarien. C’est plus lui qui m’a aidé à m’habituer à la langue. Les gars, ils étaient tous conscients que j’étais français. Il y avait une couple de gars qui ont fait l’immersion en français lorsqu’ils étaient jeunes. Ils essayaient tous des petits mots en français », se rappelle Gonthier-Dubue.

Les enjeux du recrutement

Malgré le fait qu’il ne peut pas communiquer en anglais, Gonthier-Dubue a tout de même choisi les Gee-Gees en sortant du secondaire, même si le programme est en anglais. « Mon premier objectif c’était de devenir bilingue », partage-t-il.

Bishop’s a également tenté de recruter le basketteur. Il a aussi attiré l’œil d’une université francophone, l’UQAM, mais Gonthier-Dubue a toujours souligné son intention de rejoindre les rangs d’Ottawa une fois son secondaire terminé.

Evola avoue qu’être une université bilingue aide au recrutement, cependant le fait d’être en dehors du Québec pose des problèmes. « Au niveau du RSÉQ (Réseau du Sport Étudiants du Québec), au Québec ils ont des différents règlements de recrutement. Au Québec ils ont plus de bourses pour le RSÉQ pour donner du soutien aux étudiants du Québec. Ça devient de plus en plus difficile à cause de certains règlements ». Même avec moins de ressources financières, Evola parvient encore à attirer des joueuses du Québec à Ottawa, mais c’est un peu une cause perdante. « On ne peut pas s’adapter à ça. Ce sont des bourses supplémentaires dont les bonnes jeunes joueuses du Québec peuvent bénéficier que nous on ne peut pas offrir. C’est un petit peu injuste pour nous autres et Carleton au niveau du hockey féminin ». Les bourses ne sont pas les seuls aspects financiers qui font du tort au recrutement, les frais de scolarité réduits au Québec ont aussi un large effet sur les décisions des futures recrues. Tout de même, Evola arrive quand même à recruter des francophones des quatre coins du pays.

Adaptation continue

Au hockey, les Gee-Gees jouent dans une ligue qui est également bilingue. Lors des matchs disputés au Québec, Evola fait affaires avec des arbitres francophones, tandis qu’à domicile ou à Carleton, les arbitres parlent anglais.

La première année pour Gonthier-Dubue, la barrière linguistique était frustrante. « Je sortais des pratiques et j’avais des maux de tête à force d’essayer de comprendre. Ma première année c’était une année complète d’adaptation », mentionne-t-il. Justin Serresse, entraineur-adjoint des Gee-Gees, comprenait les défis de la recrue et a facilité la période de transition. Venant de la France il y a une dizaine d’années, Serresse se rappelle que l’anglais était un défi pour lui aussi. Aujourd’hui, entraineurs et joueurs communiquent dans les deux langues.

« Des fois c’est bizarre, il y a des choses qui se disent plus facilement en anglais. Des fois on se surprend à parler en anglais et on change », dit Gonthier-Dubue. Avec ses coéquipiers par contre, le Gee-Gee parle en anglais pour ne pas exclure les autres membres de l’équipe. « On essaye de garder la même langue. C’est sûr que si je suis one on one on va parler français avec Mehdi [Tihani] ou Zach [Traer], Kiari [Gerba] aussi. Si c’est un groupe, on va parler en anglais pour que tout le monde se comprenne ». Lorsqu’il se retrouve sur le terrain avec Tihani, les deux communiquent parfois en français pour surprendre leurs adversaires.

Le changement de langue est quelque chose qui cause encore de la difficulté pour le vétéran de cinquième année. « Je [ne] suis pas parfaitement bilingue. Ce qui est dur pour moi c’est tout le temps faire le switch de langue. Moi j’arrive chez nous, je parle français, quand je viens ici faut que je change en anglais. Quand je ne pratique pas l’anglais c’est difficile pour moi de reprendre le beat un peu ». Evola a des difficultés similaires. « C’est sûr, on parle tellement anglais ; je pense en anglais ».

L’influence au-delà du sport

Aujourd’hui, Gabriel Gonthier-Dubue se considère 85 % bilingue. Il a grandi depuis les jours où son entraineur lui disait de sortir du terrain puisqu’il ne comprenait rien. Cette influence a aussi modifié ses habitudes personnelles. « J’écoute pas mal tous mes films en anglais. Des fois quand ça ne me tente pas de forcer, je mets les sous-titres en anglais ou je l’écoute en français ».

Le programme de hockey féminin a fait un changement de cap linguistique de 180 degrés depuis l’arrivée d’Evola. « Dans le passé on essayait de garder ça pas mal en anglais. Quand moi je suis arrivé il y avait probablement 75 % d’anglophones et 25 % de francophones. Aujourd’hui c’est le contraire ».

Certaines de ses vétéranes peuvent même maintenant continuer à communiquer en francais. « Caitlyn Fowler a fait beaucoup de progrès. Asha Kauffeldt [également]. Il y en a d’autres qui veulent plus ou moins l’apprendre. C’est quelque chose qu’on suggère aux filles. Tant qu’à être ici puis d’avoir des coéquipières francophones, ça ne coûte rien d’apprendre une autre langue. Ça ouvre les portes d’être bilingue de nos jours ». Maitriser les deux langues est quelque chose qui permet à Yanick Evola de faire ce qu’il a toujours aimé. « Je fais la job de mes rêves », affirme fièrement l’entraîneur.

 

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