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Éditorial

Le ministère de la Vérité

Web-Rotonde
23 mars 2015

– Par Didier Pilon –

Il était une fois un journal étudiant intitulé La Rotonde. Alors qu’il s’intéressait à un colloque sur l’énergie, nul ne se douta des dérangeantes péripéties qui l’attendaient.

Ce récit témoigne non seulement du secret relatif avec lequel l’Université a accueilli les dirigeants de l’industrie des énergies fossiles, mais aussi de l’influence de la Direction générale des communications de l’Université sur le message que contrôle l’institution. Ce qui suit est la chronologie d’une recherche bouleversante.

L’élément déclencheur : une conférence secrète

Intitulé « Énergie positive : Comment atteindre l’acceptabilité sociale dans le développement des ressources énergétiques », l’évènement a inauguré un mystérieux partenariat de trois ans. Peu d’informations ont été dévoilées à cet effet. Aucun communiqué de presse n’a été envoyé. Aucune affiche ne s’est accrochée aux murs des divers pavillons. L’évènement était sous invitation seulement. La seule information publique et accessible concernant la conférence et le partenariat était l’ordre du jour de la conférence.

Pourtant, plusieurs figurants de haut profil s’y trouvaient : un ancien député et ministre, le président et chef de la direction de Suncor Energy, le conseiller en chef d’Haisla Nation (groupe autochtone qui a la main mise dans l’exportation du gaz naturel liquéfié en Asie-Pacifique et qui tente de jouer un rôle central dans l’industrie des sables bitumineux avec l’entente des Oléoducs du Northern Gateway), et autres.

C’est alors dans un double sens que cet évènement nous amène à repenser l’accès à l’information et à la manipulation de l’opinion publique en faveur des intérêts économiques des multinationales. Dans un premier temps, il est particulièrement troublant de voir comment l’industrie s’empare de la légitimité de l’Université pour modifier l’opinion du public. Edward Bernays, dans sa dissertation classique « The Engineering of Consent », a pourtant souligné que « l’ingénierie du consentement ne doit jamais supplanter où déplacer le système d’éducation ». Dans un deuxième temps, l’évènement témoigne aussi d’un contrôle de l’information qu’exerce la Direction générale des communications de l’Université. Ce récit est l’histoire de cette situation inquiétante qui, dans le contexte, jette de l’huile sur le feu.

Le nœud : la pression de ne pas publier

C’est à la suite de l’information d’une source anonyme envoyée lundi dernier que notre protagoniste, La Rotonde, a entrepris cette investigation. Alors qu’il a été simple de recueillir les craintes de ceux qui s’inquiètent des conséquences du colloque, le vice-recteur aux relations extérieures a choisi de demeurer silencieux sur le partenariat de trois ans qu’inaugure cette conférence.

Mercredi, la Direction générale des communications et des relations avec les médias de l’Université nous informe que seule Monica Gattinger, co-organisatrice de la conférence présentement en vacances, peut répondre à nos questions. Pourquoi le vice-recteur et ses supporteurs décident qu’une seule personne peut se prononcer sur le sujet? Toutefois, puisque les organisateurs n’ont pu être rejoints, c’est avec un ton commandant qu’on nous informe qu’il serait mieux de ne pas publier, par soucis pour la « justice ».

Le point culminant : la rencontre du recteur

La Rotonde ne s’est pas découragée. Sachant qu’Allan Rock était l’invité d’un souper pizza en résidence pour l’évènement « Viens rencontrer le recteur de l’Université d’Ottawa », la protagoniste s’est rendue sur place. Parmi une foule d’étudiants qui discutent du Service du logement de l’Université, La Rotonde est parvenue à extraire quelques mots du recteur. Un bon coup, mais qui a su provoquer un contrecoup.

La journée suivante était ainsi parsemée de coups de téléphone du bureau des relations avec les médias. C’est en fonction « du droit de prendre des vacances » et même par « respect pour la famille », a-t-on prétendu, que La Rotonde devrait se désister de publier l’article cette semaine.

La situation finale : un conte sans dénouement

Les circonstances entourant le colloque rappellent l’influence que peut avoir la Direction générale des communications. Cette administration centralise l’information et régente sa distribution. La semaine prochaine, suivant le retour de la co-organisatrice, La Rotonde se méritera quelques réponses pré-formulées et travaillées. Encore une fois, notre protagoniste se devra de pousser toujours plus fort afin d’assurer la transparence qui nous est due.

 

 

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