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Opinions

L’écho de la Colline n°14 : un résumé de la poli­­­­­­tique fédé­­­­­­rale

Web-Rotonde
11 avril 2017

Benjamin Doudard
Étudiant en science politique et en communication
Université d’Ottawa 

La Chambre de communes a encore souffert d’un certain degré de paralysie la semaine dernière, alors que les techniques employées par l’opposition pour manifester son mécontentement se poursuivent. À l’extérieur de la capitale, le Premier ministre a fait plusieurs déplacements internationaux, en prenant notamment part au « Women in the World Summit » tenu à New York, une participation qui s’inscrit dans la lignée de son agenda féministe. Justin Trudeau était également présent aux commémorations entourant le centenaire de la bataille de Vimy, en France.

5 partielles, aucune surprise

Les électeurs de cinq circonscriptions fédérales se sont rendus aux urnes le 3 avril dernier afin d’élire de nouveaux député.e.s qui les représenteront bientôt à la Chambre des communes. Les comtés d’Ottawa-Vanier et Markham-Thornhill (ON), Calgary-Héritage et Calgary-Midnapore (AB) ainsi que Saint-Laurent (Qc) étaient tous vacants depuis plusieurs mois. À l’issue de la soirée, les cinq circonscriptions, considérées des « châteaux-forts », sont demeurées sous la même bannière, les trois sièges de l’Ontario et du Québec étant de retour dans le giron libéral et les deux sièges albertains demeurant solidement conservateurs. Mona Fortier, Mary Ng, Stephanie Kusie, Bob Benzen ainsi qu’Emmanuella Lambropoulos devraient être assermentés à la Chambre basse incessamment.

La légalisation du cannabis : Ottawa vise le printemps 2018

Le dossier n’avance pas aussi vite que certains le souhaiteraient, mais le gouvernement indique qu’il ira de l’avant très prochainement avec un projet de loi visant à légaliser et réglementer la vente du cannabis. Alors qu’il avait précédemment signalé qu’il souhaitait rendre la drogue douce légale à partir du 1er juillet 2018, il est probable que cette date sera devancée, après que des inquiétudes aient émergées, certaines personnes craignant que la fête du Canada ne soit détournée de façon à célébrer la légalisation de la marijuana. Une bonne nouvelle donc pour les amateurs et les amatrices de cannabis, la légalisation devrait avoir lieu plus tôt que prévu. Le dépôt du projet de loi devrait avoir lieu jeudi, à une semaine du fameux « 4/20 ».

Un nouvel accord encadrant les échanges interprovinciaux

Si les travaux législatifs n’avancent à rien en Chambre, il en va autrement à l’extérieur du Parlement. Des représentants provinciaux et le ministre fédéral du Développement économique Navdeep Bains étaient réunis à Toronto vendredi dernier pour signer l’Accord de libre-échange canadien, alors que l’AECG (Accord économique signé avec l’Union européenne) signé en 2016 devrait bientôt entrer en vigueur. Le nouvel accord canadien, qui remplace un accord datant de 1994, permettra notamment de faciliter le commerce interprovincial, en éliminant une partie des nombreuses barrières qui existent actuellement. À noter toutefois que plusieurs secteurs seront exemptés de l’accord, y compris ceux de l’énergie et de l’alcool. Le ministre Bains a tenu à féliciter son prédécesseur, l’ancien ministre conservateur James Moore, pour son travail sur le dossier. Ce type d’effort bipartisan s’est également manifesté jeudi, alors que l’ancien Premier ministre progressiste-conservateur Brian Mulroney est venu conseiller le Cabinet libéral sur les négociations qui seront bientôt entreprises avec le gouvernement américain, pour apporter des modifications à l’ALENA, à l’initiative du président Trump. M. Mulroney est considéré le « père » de l’ALENA, l’accord ayant été négocié et signé alors qu’il était à la tête du pays.

Changer les règles du jeu sans consentement unanime : « pas question » continue de crier l’opposition

Le torchon brûle toujours entre le gouvernement et les deux principaux partis d’opposition, qui continuent de faire front commun. L’enjeu n’a pas changé : l’opposition proteste toujours contre la proposition du gouvernement de changer les règlements du Parlement. Parmi ces changements figurent notamment les idées de supprimer les séances du vendredi aux communes ainsi que d’implémenter le vote électronique, entre autres. Tout au long de la semaine, la Chambre a gaspillé de nombreuses heures à voter sur des motions dilatoires (motions sans motif concret, présentées dans le but de retarder les travaux de la Chambre) et à traiter de questions de privilège avancées par des députés conservateurs. Par ailleurs, la chef du Parti vert Elizabeth May a elle aussi ajouté son grain de sel à la discussion, proposant certains changements, notamment d’adopter des semaines de travail parlementaire de six jours, du lundi au samedi, plutôt que les cinq jours actuels (le gouvernement songe réduire la semaine à 4 jours, comme il est pratique courante dans les législatures provinciales). Avec une semaine de six jours, Mme. May souhaiterait ainsi que les député.e.s travaillent intensément en Chambre pendant 3 semaines à la fois, et que ce soit suivi de trois semaines passées chez eux à accomplir du travail de circonscription. Cela présenterait l’avantage de réduire le temps passé par les députés à faire le va-et-vient entre Ottawa et leurs comtés.

En outre, mercredi, le Premier ministre a pris l’initiative de répondre à toutes les questions lors de la période des questions, comme il le ferait si une « période des questions du Premier ministre » venait à être instituée comme le propose le gouvernement. En somme, une tentative des libéraux d’apaiser le jeu et de démontrer les vertus des changements qu’ils proposent. Celle-ci a été appréciée par l’opposition, qui a tout de même rétorqué que s’il est si facile de prendre une telle initiative, pourquoi chercher à changer le règlement? Par ailleurs, les partis d’oppositions se sont plaint que Premier ministre ou pas, ils n’obtiennent pas plus de réponses à leurs questions. Mais après tout, ça reste une période de questions, pas une période de réponses.

En entrevue avec le réseau Global News, la Leader en Chambre du gouvernement Bardish Chagger a affirmé qu’il était clair que le gouvernement ne compte pas « accorder de droit de veto aux conservateurs » sur cet enjeu, une façon d’indiquer qu’il a l’intention d’aller de l’avant quoi qu’il advienne. Celle-ci a également défendu les propositions énoncées, affirmant notamment que d’instituer une « période de questions du Premier ministre » ne signifierait pas que ce dernier n’aurait pas à se présenter les autres jours de la semaine, tel que l’insinue l’opposition.

Rien ne laisse donc présager que la tension redescende et que l’état semi-chaotique des travaux de la Chambre fasse place à du travail productif de sitôt. Espérons que la visite de la lauréate du prix Nobel de la paix Malala Yousafzai mercredi apportera un baume à la division qui anime les communes ces temps-ci. Au moins le temps d’une allocution.

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