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L’écho de la Colline n°13: Spécial budget fédéral

Web-Rotonde
27 mars 2017

Benjamin Doudard
Étudiant en science politique et en communication 
Université d’Ottawa

À Ottawa, le dépôt du budget rime avec agitation et effervescence, et cette année n’a pas fait exception à la règle. Retour sur une semaine chargée et tendue.

Un second budget qui s’inscrit dans la continuité

Le budget fédéral déposé mercredi dernier est sans nul doute la continuité logique du premier budget libéral et vise principalement la même clientèle : la classe moyenne. Avec ce budget, le gouvernement dit notamment vouloir miser sur l’innovation et l’entreprenariat, et il se targue d’avoir publié « le tout premier énoncé du gouvernement relatif aux sexes », c’est-à-dire portant une attention particulière à l’égalité des sexes. Le budget investi également dans le logement abordable, la garde d’enfants, ainsi que les congés parentaux.

Les partis d’opposition, sans surprise, ont émis de nombreuses critiques à l’égard du budget. Pour le Parti conservateur, le fait que le déficit soit de 28,5 milliards et qu’il n’y ait toujours pas de retour prévu à l’équilibre budgétaire est très inquiétant, et on accuse le gouvernement d’avoir « perdu le contrôle des finances publiques ». Le PCC déplore également la suppression du crédit d’impôt pour les usagers des transports en commun, jugé « peu efficace » par le gouvernement (ce qui affectera directement le portefeuille des étudiants, qui pouvaient réclamer un remboursement partiel de la U-Pass), de même que l’imposition de nouvelles taxes sur l’alcool et les services de l’entreprise Uber. Les néodémocrates dénoncent quant à eux le fait que le budget réduise considérablement les fonds alloués par le gouvernement à la lutte aux changements climatiques, qu’il en fasse trop peu pour éliminer les échappatoires fiscaux, et qu’il n’engage pas de montant pour mettre fin au fiasco du système de paie Phénix, un problème qui perdure. Du côté de la francophonie, plusieurs ont également exprimé leur déception à la lecture du budget. C’est le cas de la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA), qui s’est dite « peu impressionnée » et qui espérait notamment davantage d’action fédérale pour atteindre l’objectif de 4,4 % d’immigration francophone.

Ce qui ne figure cependant pas dans le budget, alors que des rumeurs à cet effet circulaient pourtant depuis quelque mois, est la mise en vente des aéroports appartenus par le gouvernement. Pearson, Macdonald-Cartier, P-E-T demeurent donc la propriété de l’État. Pour l’instant…

Changements au fonctionnement du Parlement : l’Opposition fulmine

Le gouvernement refuse obstinément de faire marche arrière et l’opposition, furieuse, ne lâche pas le morceau : la tension était palpable tout au long de la semaine, en raison des changements que le gouvernement souhaite apporter au fonctionnement du Parlement, avançant qu’il est grand temps d’apporter des réformes et de moderniser le Parlement. Ces changements auraient toutefois pour effet de limiter les pouvoirs de l’Opposition, qui toute la semaine, a talonné le premier ministre à la période des questions, le pressant de s’expliquer sur la raison pour laquelle il souhaite apporter ces changements de façon unilatérale. De l’avis des conservateurs et des néo-démocrates, unis sur cet enjeu, le consentement unanime des partis est requis pour effectuer de tels changements, et le premier ministre n’aurait jamais accepté que Stephen Harper tente de faire la même chose sans consulter les autres partis. La chef conservatrice par intérim Rona Ambrose a d’ailleurs comparé l’attitude du gouvernement à la dictature chinoise, tandis que le néo-démocrate Murray Rankin a pour sa part demandé au premier ministre ce qu’il penserait si Kevin O’Leary venait à diriger une majorité et héritait des pouvoirs que les libéraux tentent actuellement de s’adjuger.

Tout au long de la semaine, les députés de l’opposition ont utilisé des tactiques procédurales d’obstruction parlementaire (« filibuster », en anglais), afin de d’empêcher le comité chargé d’étudier les changements d’aller de l’avant. Cette tactique a mené le comité à siéger tard dans la nuit, parfois jusqu’à minuit ou 3 h du matin, plusieurs soirs d’affilé. L’opposition a également causé des délais en Chambre, en retardant le discours du budget d’une demi-heure et en forçant des votes sur des questions bidons.

La situation pourrait donc s’envenimer quand les députés seront de retour à la Chambre et en comité, la semaine prochaine. D’ailleurs, plusieurs commentateurs ont tracé des parallèles entre cette situation et celle qui avait mené le gouvernement à présenter la motion 6, au printemps dernier, une motion qui aurait elle aussi grandement limité les maigres pouvoirs de l’opposition. Cet épisode s’était terminé avec l’incident de l’« elbowgate », et le gouvernement s’était vu contraint de retirer la motion pour apaiser les tensions.

3 nouvelles en bref

La motion M-103 est adoptée aux communes – Jeudi, la Chambre des communes se prononçait sur la motion M-103, qui a fait couler beaucoup d’encre dans les dernières semaines, visant à « condamner l’islamophobie et toutes les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques » et demandant au comité du Patrimoine d’entreprendre une étude qui se pencherait sur cette question délicate, afin d’établir une « approche pangouvernementale » à cet effet. La motion fait notamment suite à une pétition ayant recueilli plus de 70 000 signatures et a été adoptée au compte de 201 en faveur et 91 à l’encontre, avec le soutien du caucus libéral, néodémocrate, de la députée verte ainsi que de deux députés conservateurs. Le reste du caucus conservateur ainsi que le caucus bloquiste se sont prononcés à l’encontre. Mardi, une manifestation sur la colline du Parlement a opposé des manifestants anti-M-103, et d’autres qui y étaient favorables. La sécurité s’est vue obligée d’installer des barrières métalliques entre les deux camps pour éviter qu’ils en viennent aux coups.

Martine Ouellet devient chef du Bloc québécois – Martine Ouellet a été acclamée chef de la formation indépendantiste fédérale le 18 mars dernier, à la suite d’une course sans grandes péripéties. Son seul adversaire avait été contraint de jeter l’éponge peu avant, n’ayant pas obtenu les appuis nécessaires à sa candidature. La députée provinciale, membre du caucus du Parti québécois jusqu’en février, a indiqué qu’elle ne comptait pas démissionner de son poste à l’Assemblée nationale, où elle siège désormais comme indépendante.

Une blague salace mal digérée – Le National Post rapportait jeudi au sujet d’un incident s’étant déroulé dans une séance de comité à huis clos, comble de l’ironie, le 8 mars, soit la Journée internationale de la femme. Alors que le téléphone cellulaire d’une élue conservatrice s’est mis à sonner, le député libéral Nicola Di Iorio a lancé à la blague, en anglais, « où est ton poteau sur lequel glisser? », faisant référence aux poteaux de danse dont se servent les strip-teaseuses. Alors que les conservateurs demandent au premier ministre des sanctions à l’endroit du député pour cette blague de mauvais goût, Trudeau répond qu’un processus d’enquête est en cours.

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