Inscrire un terme

Retour
Opinions

L’écho de la Colline n°10 : un résumé de la politique fédérale

Web-Rotonde
8 février 2017

Benjamin Doudard 
Étudiant en science politique et en communication 
Université d’Ottawa

Les députés fédéraux reprenaient leurs banquettes à la Chambre des communes la semaine dernière après la pause hivernale, entamant un marathon qui devrait les mener à siéger jusqu’à la fin juin. Toutefois, depuis que le Parlement s’est ajourné en décembre, pas mal de choses se sont passées sur la scène politique fédérale et internationale. Parmi les plus importants événements, on compte une nouvelle controverse impliquant le Premier ministre, un remaniement ministériel, l’assermentation d’un nouveau président chez nos voisins du Sud ainsi qu’une tournée pancanadienne organisée par le Premier ministre pour aller à l’écoute du peuple.

Nouvelle année, nouvelle controverse

Il espérait échapper à l’œil public en ne dévoilant pas sa destination de vacances, mais l’effort fut en vain : les médias ont fini par apprendre que le Premier ministre avait passé ses vacances en famille dans les Bahamas sur l’île privée du richissime chef religieux des musulmans ismaéliens nizarites, l’Aga Khan, un ami de longue date de M. Trudeau. Le Premier ministre aurait d’ailleurs eu le loisir de s’y rendre à bord de l’hélicoptère privé de son hôte… En compagnie d’un député de son caucus… Et de la présidente du Parti libéral… Bref, il va sans dire que l’opposition s’est jetée sur l’histoire et a sommé la Commissaire à l’éthique, Mary Dawson, de se pencher sur l’affaire. En effet, la Loi sur les conflits d’intérêts stipule qu’« il est interdit à tout titulaire de charge publique et à tout membre de sa famille d’accepter un cadeau ou autre avantage, y compris celui provenant d’une fiducie, qui pourrait raisonnablement donner à penser qu’il a été donné pour influencer le titulaire dans l’exercice de ses fonctions officielles ». Le gouvernement canadien étant un contributeur fréquent de la fondation philanthropique de l’Aga Khan, l’AKDN, cette situation place le Premier ministre dans une gênante position.

Toutefois, il faut aussi noter que de son côté, la cheffe de l’Opposition officielle Rona Ambrose profitait aussi du soleil des Caraïbes sur le yacht d’un milliardaire, le magnat pétrolier Murray Edwards, ami de son compagnon. Cette dernière a cependant vérifié la conformité avec la loi de son voyage auprès de la Commissaire.

Une cure de rajeunissement au Conseil des ministres

Le Premier ministre aura effectué son premier remaniement ministériel d’importance au courant de la pause hivernale, question de donner un second souffle à son équipe et d’apporter un peu de sang neuf. En tout ce sont six ministères qui sont dirigés par de nouvelles têtes, et trois nouveaux venus au Conseil des ministres. Parmi les changements les plus importants, notons que Chrystia Freeland, qui occupait jusqu’ici le ministère du Commerce international, remplace désormais Stéphane Dion aux Affaires étrangères, un poste de grande importance stratégique. Mme Freeland n’est pas un choix anodin pour les Affaires étrangères, ayant accumulé beaucoup d’expérience au niveau de la collaboration internationale, mais elle est aussi connue pour la ligne dure qu’elle maintient à l’égard de la Russie, et figure d’ailleurs sur une liste d’interdiction d’entrée dans ce pays. D’autre part, le député d’origine somalienne Ahmed Hussen remplace John McCallum au dossier de la Citoyenneté et de l’Immigration. L’ancienne ministre des Institutions démocratiques (le portfolio comprenant le houleux dossier de la réforme électorale) Maryam Monsef s’est quant à elle vue mutée au poste de ministre de la Condition féminine, et remplacée par la nouvelle venue Karina Gould. Deux des ministres ayant été écartés de la nouvelle mouture du Cabinet Trudeau, Stéphane Dion et John McCallum, représenteront le Canada à l’étranger dans leurs nouvelles fonctions d’ambassadeurs, soit en Europe et en Allemagne ainsi qu’en Chine, respectivement. Ils ont prononcé leurs adieux à la Chambre mardi dernier.

Le projet de réforme électorale appartient au passé

Il s’agissait d’une promesse phare de la plateforme libérale pendant la dernière élection fédérale, elle faisait ensuite partie du discours du trône, et a été réitérée par le Premier ministre des dizaines de fois et pas plus tard qu’en décembre dernier : l’élection de 2015 serait la dernière tenue sous le système du scrutin uninominal majoritaire à un tour (first past the post). Pourtant, mercredi dernier, le Premier ministre annonçait que le projet de réforme électorale ne ferait pas partie du mandat de sa nouvelle ministre des Institutions démocratiques, Karina Gould, sous le prétexte qu’un consensus n’avait pas été atteint auprès de la population sur quel type de mode de scrutin adopter, et qu’organiser un référendum dans ces conditions « ne serait pas dans l’intérêt du Canada ».

Deux députés néo-démocrates ayant planché à fond sur la question, Nathan Cullen et Alexandre Boulerice, ont eu beaucoup de mal à digérer la nouvelle et se sont enflammés lors de la période des questions, accusant le Premier ministre d’avoir menti aux Canadien.ne.s, préférant maintenir un système électoral qui a mené le Parti libéral à la tête d’un gouvernement majoritaire, plutôt que faire en sorte que chaque voix compte lors des élections. De quoi alimenter le cynisme qu’entretiennent les Canadiennes et des Canadiens envers la politique…

Le NPD dénonce le décret anti-immigration de Trump

Quelques jours à peine après la signature du décret présidentiel du Président Trump visant à barrer l’entrée des États-Unis aux ressortissants de 7 pays majoritairement musulmans, le NPD demandait au président de la Chambre des communes un débat d’urgence sur la question. Le débat a pris place mardi soir, et les députés ont discuté pendant cinq heures de ce sujet chaud sous l’œil attentif de plusieurs dizaines de citoyens qui s’étaient amassés dans les tribunes publiques pour assister à cette conversation historique.

Le Nouveau Parti démocratique souhaiterait que le gouvernement augmente le plafond pour les parrainages privés de réfugiés et qu’il suspende l’entente sur les tiers pays sûrs, pour le bien des réfugiés aux États-Unis. Pour les libéraux, il s’agit d’un périlleux exercice politique que de tenter d’apaiser les tensions et les demandes de l’opposition sans froisser l’administration Trump. Bien que les trois partis s’entendent pour condamner le racisme et la fermeture des frontières, le parti au pouvoir est bien plus timide à critiquer ouvertement le président Trump. Avec l’ALÉNA qui risque d’être renégocié sous peu, les libéraux doivent se dire qu’il ne vaut mieux pas se mettre Trump à dos.

Langues officielles – Le Premier ministre sème la grogne auprès des minorités linguistiques

Le Premier ministre Justin Trudeau, le fils du père de la Loi sur les langues officielles, s’est mis les pieds dans les plats durant sa tournée pancanadienne au mois de janvier. À la rencontre des citoyens d’un bout à l’autre du pays, monsieur Trudeau a choisi de répondre dans la langue officielle opposée à la question qui lui était posée, à deux occasions. D’abord, à Peterborough, M. Trudeau a répondu en anglais à une question lui ayant été posée en français, et aurait ensuite récidivé quelques jours plus tard à Sherbrooke, alors qui se faisait poser une question sur l’accès aux services en anglais. Sans réfléchir aux implications de ses paroles, M. Trudeau a répondu « merci de l’utilisation de nos deux langues officielles au pays. Mais on est au Québec, donc je vais répondre en français », avant d’offrir sa réponse dans la langue de Molière. Furieux face à ce manque de considération envers les minorités linguistiques de leurs provinces respectives, l’Assemblée de la Francophonie de l’Ontario et le Québec Community Groups Network ont lancé une campagne de lettre pour demander au Premier ministre de respecter les droits linguistiques des Canadien.ne.s.

Qui plus est, cette bévue du Premier ministre n’est survenue que quelques semaines après qu’il se soit fait demander si Ottawa, la capitale du Canada, devrait-elle être une ville bilingue, et qu’il ait répondu : « est-ce que la Ville de Gatineau serait ouverte à devenir une Ville bilingue? », avant d’avouer quelques jours plus tard avoir été baveux dans sa réponse.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire