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L’industrie aurifère et l’U d’O : Des campus canadiens se rapprochent de l’industrie

Web-Rotonde
24 mars 2014

Dons– Par Marc-André Bonneau –

Suite à notre dossier de l’édition précédente, La Rotonde fait le point avec d’autres documents qui révèlent la proximité de l’Université d’Ottawa (l’U d’O) avec l’industrie aurifère. Des conversations entre le recteur et le doyen de la Faculté des sciences témoignent de leurs inquiétudes envers le comportement de l’industrie. La présence des minières sur d’autres campus canadiens a récemment fait l’objet de critiques. Voici le portrait d’une pratique canadienne.

L’hébergement de l’Initiative Devonshire et de la Chaire de recherche Goldcorp en géologie économique à l’U d’O a mené, entre autres, à une série de conversations entre le recteur de l’Université, Allan Rock, et l’ancien doyen de la Faculté des sciences, André Lalonde, portant sur les offenses commises par l’industrie minière à l’international. Alors que le comportement de l’industrie inquiète les décideurs sur le campus de l’U d’O, des ententes entre d’autres universités canadiennes ont mené à la formation de l’Institut canadien international pour les industries extractives et le développement (ICIIED), qui a précisément pour but d’améliorer les pratiques des industries minières.

L’industrie minière inquiète les décideurs

Des demandes d’accès à l’information ont rendu publics des documents indiquant que M. Rock et M. Lalonde se sont échangé, entre 2010 et 2011, des rapports et des communiqués de presse portant sur des accusations de violation des droits humains dirigées à l’intention de l’industrie. On peut y lire les souhaits de M. Rock et de M. Lalonde d’améliorer l’industrie par l’entremise de l’Initiative Devonshire. Ces conversations soulèvent que les décideurs sont bien informés du comportement de leurs donateurs. D’autres documents indiquent que des membres de la Faculté des sciences se sont échangé de l’information quant à la valeur en bourse des titres de l’industrie, ce qui laisse planer le doute quant à la place de telles conversations dans le milieu de la recherche.

Suite à une invitation à une réception de l’Association canadienne des prospecteurs et développeurs (ACPD), M. Lalonde a communiqué avec le doyen actuel de la Faculté des sciences, Steve Perry, pour l’en aviser. M. Perry s’est dissocié de l’événement en s’exclamant que les membres de cette association ne veulent probablement pas d’un doyen à un événement de promotion de l’industrie. Ce dernier a ensuite recommandé à M. Lalonde, maintenant enseignant au Département des sciences de la Terre, d’assister à la rencontre.

Bien que la réponse du doyen actuel témoigne de son désir de ne pas s’impliquer directement au sein de cette organisation, elle soulève une interrogation quant au fait que ce dernier ait reçu une telle invitation, et qu’il ait eu besoin de s’en dissocier.

En entrevue avec La Rotonde, Catherine Coumans, coordinatrice de la recherche auprès de Mines Alerte Canada, a fait le point sur les effets du financement de la recherche provenant de l’industrie aurifère en affirmant que « c’est vraiment problématique quand des universités deviennent dépendantes de financement qui vient d’une industrie aussi controversée que l’industrie minière. S’ils désirent le faire, il est nécessaire qu’il y ait une transparence complète ». Mines Alerte est un organisme canadien à but non lucratif qui se définit comme « une réponse directe aux échecs de l’industrie et du gouvernement à protéger le public et l’environnement des pratiques minières ».

Une pratique canadienne

Des liens entre la communauté universitaire et des membres de l’industrie ont récemment soulevé des critiques sur d’autres campus canadiens. L’ancien président de la Munk School of Global Affairs, David Naylor, a été ajouté à la liste des directeurs indépendants de Barrick Gold. Des questions éthiques découlant de cette nomination ont fait les manchettes dans les dernières semaines.

Dans un communiqué de presse émis par Barrick Gold, les mérites de la candidature de M. Naylor ont été mis en premier plan en expliquant que ce dernier a été « un conseiller actif en termes de politiques publiques pendant près de 25 ans, suite à des interactions régulières avec différentes agences et gouvernements à l’international avec son rôle à l’Université [de Toronto] ». Ce passage de l’institution publique à l’industrie minière évoque des questions éthiques, comme l’a soulevé le journal indépendant de l’Université de Toronto, The Newspaper. Une campagne, intitulée « Peter Munk OUT of U of T », a argumenté que cette nomination « vient enrayer tout doute quant au fait que la création de la Munk School of Global Affairs a été marquée par la corruption et le secret ».

Il y a quelques semaines, un partenariat entre l’Université de la Colombie-Britannique, l’Université Simon Fraser et l’École Polytechnique de Montréal a permis la fondation de l’Institut canadien international pour les industries extractives et le développement (ICIIED), grâce à un don de 24,6 millions $ de l’Agence canadienne de développement international (ACDI). Le nouvel Institut vise à améliorer les pratiques de l’industrie minière.

Le directeur exécutif intérimaire de l’ICIIED, Bern Klein, a mis de l’avant que « beaucoup de pays souhaitent développer leurs ressources minières, pétrolières et gazières […] mais bon nombre d’entre eux ne disposent pas des structures réglementaires ni des politiques pour tirer pleinement parti de leurs ressources tout en tenant compte des besoins des communautés touchées. Nous voulons que ces pays aient la capacité d’utiliser leurs ressources pour améliorer le niveau de vie de leurs citoyens, favoriser le dialogue et atténuer les dommages environnementaux ».

Toutefois, Mines Alerte Canada met de l’avant que l’ICIIED ne pourra accomplir son mandat puisque l’Institut n’est pas indépendant des compagnies minières et que les programmes mis en place par le gouvernement du Canada dans le passé ont « privilégié l’investissement et la rentabilité plutôt que la réduction de la pauvreté et la protection des droits des communautés, des travailleurs et de l’environnement ». De plus, puisque le financement du gouvernement n’est assuré que pour une période de cinq ans, il est probable que l’industrie finance l’ICIIED de façon importante dans un futur proche. D’ailleurs, des membres de l’industrie ont déjà fait des contributions en espèces.

Mme Coumans a conclu que dans le monde universitaire, « la source du financement a une répercussion sur le type de recherches que les chercheurs et étudiants vont faire, ainsi que sur la façon dont ces derniers vont parler de leurs recherches ». Le futur de l’ICIIED aura une influence notable sur la relation entre la recherche universitaire et son financement.

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