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Éditorial

L’obligation d’accommodement

Web-Rotonde
26 janvier 2015

– Par Dider Pilon –

Le Service d’appui au succès scolaire (SASS) est un réseau de services et de programmes mis en place pour favoriser la réussite. Au centre de ce réseau, le Service d’accès suggère des mesures d’adaptation pour les étudiants en situation de handicap qui font face à des obstacles particuliers. Les experts du centre évaluent leur situation particulière afin d’établir et de mettre en œuvre des mesures d’adaptation et d’intégration.

Certains seront donc surpris d’apprendre que les recommandations du SASS ne sont pas définitives. Au contraire, les mesures d’adaptation sont négociées avec les facultés qui se réservent toujours le droit de les refuser. Dans les derniers mois, cette politique s’est prouvée particulièrement problématique à la Faculté de droit qui, selon ses annonces envoyées la semaine dernière, refuse maintenant d’accorder du temps supplémentaire pour les examens maison.

Expertise médicale

Une question se pose toujours à l’égard des personnes qui sont en position de refuser les mesures d’accommodement suggérées par le SASS : Quelle est leur expertise?

Pour la Faculté de droit, le SASS entreprend présentement des négociations avec Joanne St. Lewis, professeure adjointe, et Amanda Turnbull, doyenne adjointe aux affaires scolaires et relations externes. D’un point de vue juridique, St. Lewis a une longue expérience en ce qui concerne les droits des groupes minoritaires, mettant l’accent sur l’égalité raciale. Toutefois, ni une ni l’autre ne comptent sur leur curriculum vitae de l’expérience en matière médicale. Pourtant, la santé mentale est un domaine complexe qui nécessite une certaine expertise. Comment justifions-nous mettre en arrière-plan le témoignage d’experts dans le domaine pour y substituer l’avis d’un avocat?

Les étudiants qui veulent différer une évaluation doivent se justifier en dévoilant leur condition médicale à la doyenne adjointe, Mme Turbull. Ce bris systématique de la confidentialité constitue une violation profonde des droits fondamentaux qui encadrent l’accommodement.

Stigmatisation psychologique

Un stigmate à l’égard des problèmes de santé mentale perdure dans la conscience populaire. Alors que l’on reconnait certes les problèmes de nature plus physiologique, les troubles de santé mentale sont encore souvent traités comme des caprices aisément surmontables.

L’argument de la Faculté de droit – « Les examens faits à la maison constituent déjà une mesure d’accommodement » – semble bien se situer dans cette tradition. En effet, les examens à domicile accommodent plusieurs groupes, tels que les personnes à mobilité réduite par exemple. Toutefois, il est absurde de croire qu’une seule solution peut s’appliquer universellement à l’ensemble de la population étudiante. Notamment, il est difficile de concevoir comment l’examen fait à la maison aide les personnes souffrant de problèmes d’anxiété généralisée.

Lorsque l’anxiété est si forte qu’elle parvient à paralyser le fonctionnement de la personne, l’étudiant qui souhaite demeurer compétitif nécessite une plage horaire étendue afin de compléter son examen. Certes, c’est toujours mieux d’avoir 24 heures que d’en avoir seulement trois, mais ce n’est pas assez pour ramener l’étudiant en situation de handicap sur un pied d’égalité avec les autres étudiants qui bénéficient eux-aussi du même horaire. Bref, avec une personne sur dix qui souffre de troubles anxieux au Canada, il semble que la politique de la Faculté de droit néglige bien des cas.

La stigmatisation des personnes souffrant de problèmes de santé mentale a mené à une situation socioéconomique troublante. Sans même mentionner l’épidémie de sans-abrisme qui affecte les gens ayant des problèmes plus sérieux, ce groupe fait face à un taux de chômage ahurissant. L’université, au-delà d’être un lieu de recherche et de partage du savoir, est un outil de changement. En étudiant, on espère développer les habilités et acquérir les accréditations nécessaires pour se sortir de ces situations défavorables. Dans cette optique, une politique qui désavantage les gens déjà dans les situations les plus délicates ne sert qu’à perpétuer des inégalités. D’un point de vue juridique, les personnes en situations de handicap sont particulièrement bien informées pour défendre cet enjeu. Il est impératif que ces dernières aient un accès égal à l’enseignement de la discipline du droit.

Pronostic

Pour un processus d’appel qui n’est pas un labyrinthe pour les étudiants, un règlement clair doit s’imposer. De plus, pour que les recours soient évalués sans être influencés par les dédales de la gouvernance universitaire, les ressources appropriées doivent être mises en place. Le SASS répond bien à ces deux exigences. Les caprices des facultés ne doivent plus altérer les jugements médicaux ; les prescriptions du SASS ne doivent plus être négociables.

 

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