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Loin d’être la seule solution au dérèglement climatique

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25 mars 2019

Par: Viktoria Miojevic, contributrice

« Le carbone organise notre société », c’est sur ces mots qu’a débuté le mercredi 13 mars la conférence Donner un sens à la tarification du carbone présentée par l’organisation non-gouvernementale Ecology Ottawa à la Bibliothèque publique d’Ottawa. Le constat : les conséquences du dérèglement climatique auront un coût social, environnemental et économique. Il faut donc déterminer qui en paiera la facture.

Impact de la taxe carbone sur l’économie

Dans son discours au Economic Club of Canada en janvier dernier, le premier ministre ontarien Doug Ford a évoqué la possibilité d’une récession causée par la taxation du carbone. Quelques jours plus tard, le Gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, rejetait cette possibilité dans son bilan économique. Depuis janvier, la tarification a été mise en place pour les industries au prix de 20 dollars la tonne. Ces frais grimperont à 50 dollars la tonne en 2022. Au Canada, les émissions de gaz à effet de serre (GES) se sont élevées à 704 mégatonnes en 2016. L’Ontario fait partie des cinq principaux émetteurs du Canada, avec l’Alberta, le Québec, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique. Les plus gros émetteurs, et donc payeurs, sont les industries, avec 50% d’émissions provenant de l’exploitation pétrolière, gazière et des transports.

Remboursement d’impôt équitable pour les citoyens

Pour les citoyens, la taxe carbone mise en place le 1er avril 2019 n’aura, pour l’instant, pas d’impact majeur. Toutefois, le prix de l’essence devrait augmenter de onze sous le litre d’ici cinq ans. C’est ce qu’explique le professeur Nicholas Rivers, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les politiques en matière de climat et d’énergie : « Quand on achète de l’essence, on ne paye pas les conséquences des émissions de carbone. C’est comme si les énergies fossiles étaient artificiellement en promotion ». Celui-ci affirme que cette mesure de tarification du carbone fait partie d’une politique d’incitation. Les citoyen.ne.s devront se tourner vers des stratégies de réduction de leur consommation d’énergie fossile, que ce soit par l’investissement dans de meilleurs isolants dans les maisons ou une diminution de l’utilisation de leur voiture.

Les revenus obtenus par le fédéral sur cette taxe ne seront pas conservés, mais directement redistribués aux provinces qui les reverseront aux citoyens par le biais d’un remboursement d’impôt. Ce remboursement a été mis en place selon les zones géographiques de l’Ontario. Ainsi, les personnes en zone rurale dont la consommation énergétique est plus élevée recevront une somme reflétant ce niveau. Selon Rivers, les classes populaire et moyenne devraient être les plus grandes bénéficiaires de cette mesure.

Vers une réduction des émissions de CO2 ?

Le Canada a pour objectif d’arriver à 0 % d’émissions de CO2 dès 2050. Cette volonté reflète les ambitions de l’Accord de Paris afin de limiter la hausse globale des températures à 1.5°C. Le 1°C déjà atteint accélère les risques et nécessite des mesures radicales. Le Canada est un mauvais élève sur l’échelle des politiques environnementales. L’estimation de baisse d’émissions de CO2 grâce à la taxe carbone est de 10 à 15 % d’ici 2030.

Cette tarification ne résoudra pas le dilemme politique de l’utilisation des énergies fossiles au Canada. Néanmoins, l’exemple de la Colombie-Britannique, qui a mis cette taxe en place depuis dix ans, est rassurant. On y observe une réduction de la consommation de carburant de 10 à 20%, mais surtout une croissance économique sans comparaison au pays.

« La tarification du carbone fait partie de la solution. Elle ne doit pas être le message mis au premier plan car c’est un risque. Il faut l’appeler par ce qu’elle est, insuffisante, et ne pas faire de compromis en achetant un oléoduc. » – Andrea Harden, agente de communication à Media Style

Lors du panel, Andrea Harden de Media Style a mis en garde le public contre le risque que comporte la taxe carbone, celui de faire croire qu’elle est la solution au dérèglement climatique. Elle a ainsi expliqué que cette politique est « une décision orientée vers le marché », qui fait « appel à la démographie politique ». Pour elle, il ne faut pas que des arguments de marché remettent à plus tard « l’action politique directe ». En priorisant le discours sur la taxe carbone « l’espace se réduit pour l’action et masque le plus gros du problème ».

Pour Andrea Harden, « investir dans un oléoduc en Alberta » au coût estimé à 5.1 milliard de dollars et instituer une tarification sur le carbone sont des décisions contradictoires quand on considère l’avenir climatique du pays. La communication entourant la taxation reste une stratégie pour détourner l’attention des mesures concrètes à entreprendre et des changements structurels à opérer. La taxe carbone n’est donc pas l’unique solution mais un bon outil de départ qui ne doit pas détourner l’attention des réelles causes du dérèglement climatique.

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