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Éditorial

L’UFO à l’horizon

Web-Rotonde
28 septembre 2015

L’Université d’Ottawa, bilingue? Oui, à l’exception des facultés de génie, de sciences et des études supérieures, du matériel didactique, des équipes sportives, de la vie étudiante, de la structure de gouvernance, et bien d’autres choses encore. L’alternatif? L’Université franco-ontarienne : une université unilingue francophone en Ontario, gouvernée « par et pour » les Franco-Ontariens.

Toutefois, le débat sur l’Université franco-ontarienne (UFO) est mené dans les extrêmes.

Du côté idéaliste, la RÉFO présente l’UFO comme un pilier altruiste de la communauté francophone. De l’autre, l’Université d’Ottawa (U d’O) tente de défendre ses intérêts économiques en préservant sa part du marché. On ressent plus que jamais le besoin d’une analyse indépendante de la question.

Dans ce contexte, on met de côté les questions pragmatiques, tenant pour acquis que la question est réglée : oui, l’UFO est économiquement possible. Plutôt, on examine l’impact et l’importance culturelle d’un campus unilingue, ainsi que l’impact économique de ce nouvel acteur francophone dans le marché économique.

Parler franco-ontarien

On connait la règle : quatre francophones à Ottawa parleront en anglais dès qu’un anglophone s’infiltrera dans le groupe. Pas de honte; juste une réalité. Parfois, on choisit de parler anglais. Mais souvent, l’anglais s’impose structurellement.

On néglige souvent que le même principe s’applique lorsque des Québécois s’insèrent dans un groupe franco-ontarien. Les Franco-Ontariens se soumettent alors à l’hégémonie québécoise. Même en Ontario, on camoufle son accent lors entretiens professionnels ou institutionnels. Les salles de classe de l’U d’O n’échappent pas à la règle.

Si vous êtes québécois et que vous ne comprenez pas, imaginer vous que l’UQAM enseigne exclusivement en français parisien, que les Québécois y sont minoritaire, et qu’on se moque ouvertement d’eux lorsqu’ils parlent en québécois lors d’activités sociales. Voilà la réalité de l’interaction entre les Franco-Ontariens et les Québécois.

La réponse est claire : l’importance d’un lieu culturel où la langue n’est pas soumise aux pressions majoritaires s’impose. Ça ne veut pas dire un lieu où l’on ne parle que français (ce serait nier une partie importante de notre culture : le bilinguisme). Plutôt, c’est un lieu d’autodétermination où l’on peut choisir quand et comment qu’on parle.

« Par et pour nous »

Le slogan est trompeur, on ne se le cache pas. L’Université franco-ontarienne, si elle existe un jour, ne sera pas un organisme de bienfaisance. Comme toutes autres universités en l’Ontario, elle sera une entreprise à but lucratif, gérée par une élite riche au détriment des étudiants pauvres. Toutefois, les pressions du marché seront canalisées de manières très différentes.

En tant qu’institut bilingues, l’U d’O favorisera toujours le marché le plus riche, donc anglophone. Chaque année, les francophones occupent de moins en moins de place sur le campus et la vie culturelle en français en souffre. Toutefois, une institution qui compte uniquement sur la francophonie ontarienne comme source de revenus devra investir dans cette communauté.

Toute entreprise capitaliste doit créer une demande. Pour l’UFO, le marché est là, mais il faut aller le chercher. Les Francophones de l’Ontario fréquentent toujours moins les instituts universitaires que leurs concitoyens anglophones et plusieurs d’entre eux poursuivent leurs études en anglais. Dans le sud-ouest, là où les programmes d’étude en français se font les plus rares, la moitié des étudiants s’inscrivent dans des programmes anglophones.

Les campagnes de recrutement de l’UFO, perpétuellement à la recherche de nouveaux clients, puiseront dans ce marché. De plus, afin d’augmenter le bassin d’étudiants potentiels, l’UFO devra s’assurer que les étudiants qui sortent du secondaire soient prêts à étudier en français au niveau universitaire. Les forces du marché seraient ainsi à l’appui du fait français en Ontario.

L’exemple de Moncton

Fondée dans les années 1960, l’Université de Moncton a fait face à la même opposition que l’UFO. La compétition l’Université du Nouveau-Brunswick, la plus ancienne université canadienne, pesait sur la clientèle potentielle.

Mais regardons le résultat. Avec l’option d’étudier dans leur langue près de chez eux, les acadiens fréquentent maintenant plus les institutions universitaires que les Anglo-Néo-Brunswickois. Le nombre d’Acadiens ainsi que l’indice de continuité linguistique, qui diminuaient jusqu’alors, se sont mis à augmenter!

Finalement, on jase en acadien dans les murs universitaires, sans honte, sans artifice. Mais encore plus important, la culture vit depuis une effervescence sans parallèle. L’influx de Francophones dans la région a donné naissance à une scène artistique prolifique. On oublie trop souvent qu’Acadie Rock, le premier recueil de poésie publié en chiac, a été publiée d’abord dans la Revue de l’Université de Moncton. Depuis, l’Acadie frappe plus fort que son poids sur la scène culturelle, tant en musique, qu’en arts visuels, qu’au cinéma.

L’université est un point de réseautage, une possibilité de carrière et un auditoire qui nourrit la scène culturelle et artistique d’une région. Il est grand temps que les Franco-Ontariens s’en réclament une!

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