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Opinions

Michelle Fortier « Bouger pour se sentir mieux ! »

Dawson Couture
18 septembre 2017

Sports

Par Slim Essid 

Pour la chronique de cette semaine, nous avons décidé de nous entretenir avec la professeure Michelle Fortier, spécialiste en psychologie de l’activité physique. De nombreux projets de recherche et son rôle de chercheuse principale du projet Counseling en activité physique lui ont donné une grande notoriété et témoigne d’une carrière déjà riche. Elle a accepté avec enthousiasme de nous éclairer sur son rôle à l’Université et de répondre à nos questions.

Pourriez-vous expliquer ce qu’est une spécialiste en psychologie de l’activité physique ?

Oui, bien sûr ! J’étudie la motivation. Ce qui est important à comprendre, c’est qu’il y a une distinction entre la psychologie du sport, reliée à la performance des athlètes, et la psychologie de l’activité physique; qui met l’emphase sur comment faire bouger les gens. Mon programme de recherche s’intéresse justement aux effets mentaux d’une activité physique régulière. Je pense que c’est très important de comprendre cela parce que notre nature est de bouger, or nous vivons dans un monde de plus en plus informatisé, automatisé et ça amène à moins de mobilité. Nous sommes en train de créer une société sédentaire !

Qu’est-ce qui vous a conduit à cette carrière ? Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à ce sujet ?

J’ai été moi-même athlète. J’ai fait de la natation à haut niveau jusqu’à 15 ans, donc le sport a toujours été une partie importante de ma vie. J’ai ensuite obtenu mon doctorat en motivation parce que je me suis rendue compte que j’aimais aider les gens à faire du sport, à bouger, à se sentir mieux. Lors de ma première publication, je comparais l’aspect compétitif et récréatif du sport. Lors de mes recherches, je me suis rendue compte que le premier aspect est extrinsèque et contient souvent une pression interne et externe. Un petit volet de ma recherche se concentre sur la place de l’ego dans les compétitions. Chez les jeunes, avec la pression qui se construit autour des tournois, soit ils quittent le sport et ne veulent plus en faire, soit ils restent, mais développent des problèmes de santé mentale. Pour cette raison, je pense que le sport compétitif peut avoir des effets négatifs. Le côté récréatif, par contre, n’a que du positif et concerne le fait de faire du sport uniquement pour le plaisir, pour soi et pour les autres.

Pensez-vous que l’industrie de la santé nous vend souvent l’activité sportive comme un moyen de perdre du poids? 

Oui, et en plus c’est erroné ! Les recherches montrent que 80 % de la perte de poids passe par la nutrition. L’exercice physique aide à perdre du poids, mais n’y conduit pas directement. Cet argument est insuffisant. Imaginons que quelqu’un perde du poids, logiquement il va s’arrêter de faire du sport puisqu’il a atteint son but… J’ai d’ailleurs écrit un article sur le sujet. Je ne pense pas que ça soit un bon message à faire passer. Les autres raisons, comme le cancer, les problèmes cardiovasculaires sont trop vagues, éloignées dans le temps et ne parlent pas aux jeunes. Moi, je dis que mieux vaut vendre l’activité physique comme un outil de bien-être.

Comment faire pour que les médecins prescrivent davantage cette pratique aux patients ?

Tout à fait, c’est une question dont on s’occupe dans le mouvement « L’exercice est un médicament», créé il y a 15 ans aux États-Unis. Aujourd’hui, nous sommes très nombreux et présents dans plusieurs pays. L’un de nos objectifs est que les médecins se mettent à prescrire le sport comme moyen de prévention, plutôt que traitement. Ce qui est difficile, c’est que les médecins eux-mêmes ne bougent pas, quelques fois sont en surpoids et ont de mauvaises habitudes de santé. Pour que ça soit plus facile, et cela fait partie de nos projets, il faudrait qu’eux-mêmes bénéficient et ressentent les avantages du sport pour qu’ils puissent le conseiller aux patients. Ce qu’on fait, nous, dans le mouvement, c’est de les encourager à envoyer leurs patients aux kinésiologues, qui sont des spécialistes du mouvement corporel. Nos recherches nous montrent que cette technique marche et produit d’excellents résultats !

Comment participez-vous à la prise de conscience des étudiant.e.s vis-à-vis de leur santé ?

Je participe activement à ce sujet. Il y a un service gratuit de counseling en activité physique qui soutient l’étudiant.e et l’aide à gérer son stress, maintenir sa motivation et devenir plus fort mentalement. Ce service est proposé par 5 conseillers qui, après avoir réussi mon cours en 3ème année de leur cursus, sont pleinement formés et à l’entière disposition des étudiants. Je pense sincèrement que ces moyens sont bien meilleurs que les quick fix (Red Bull, café, tous types de drogues). Les gens ont du mal à bouger. Ils ont besoin d’aide, de soutien psychologique, surtout au début parce que ce n’est pas facile, c’est un changement d’habitude, de vie dont il s’agit. On les aide à faire du sport pour le plaisir, choisir des activités en ligne avec leur personnalité. On encourage par exemple les étudiants à prendre des marches de 10 minutes, de noter comment ils se sentent et, s’ils se sentent mieux, qu’ils continuent. Pas à pas et ça devient une habitude, un réflexe !

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