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Le parc de la Gatineau : Un parc aimé par tous, mais géré par un

Web-Rotonde
8 décembre 2014

– Par Alex Jürgen Thumm –

À seulement quatre kilomètres au nord du centre-ville d’Ottawa, on tombe sur un parc de 361 kilomètres carrés—soit quatre fois plus grand que Manhattan—avec de nombreux sentiers destinés à toutes sortes d’activités récréatives. Le parc de la Gatineau permet aux citadins de la capitale d’accéder à la nature. La Rotonde vous donne un bilan de son histoire et de ses controverses ainsi qu’un guide pour le découvrir.

L’histoire du parc commence il y a 5000 ans : il était utilisé comme territoire des Algonquins qui fréquentaient la région pour la chasse et la cueillette. Peu à peu, les colons s’y sont installés. Le premier ministre Mackenzie King, qui avait sa résidence dans la Gatineau, a permis la création de ce parc public et fédéral autour de sa résidence en 1938 sans pourtant en faire un parc national qui serait sous la gestion et protection de Parcs Canada. Le parc de la Gatineau demeure le seul parc fédéral qui n’est pas un parc national. Il est plutôt géré par la Commission de la capitale nationale (CCN), une société de la Couronne canadienne qui gère les terres fédérales dans la région de la capitale nationale, dont les plaines LeBreton.

Le parc est un trésor et digne de toute protection possible, selon Jean-Paul Murray du Comité pour la protection du parc de la Gatineau. « Il est une réserve de la nature dans l’arrière-cour de la capitale et un présentoir pour nos valeurs, telles que l’environnement et la démocratie, et de la nature canadienne », affirme-t-il. Sa proximité à la ville le fait particulièrement ressortir. « Souvent, il faut aller loin pour visiter un parc national. Même si ce parc fédéral n’est pas un parc national proprement dit, on y a facilement accès et on peut tout faire. C’est un terrain de jeu qu’il faut préserver pour les générations futures », ajoute M. Murray.

Terrain à rechercher

Michael Lait est étudiant en sociologie à l’Université Carleton et fait son doctorat sur les controverses politiques du parc de la Gatineau. Il a commencé à s’y intéresser durant un stage à la Société pour la nature et les parcs du Canada. « Beaucoup de la recherche sur le parc est faite par la CCN elle-même, donc les réels enjeux sont négligés », explique celui-ci.

  1. Lait n’est pas le seul chercheur à s’intéresser au parc. Les chercheurs se sont depuis longtemps servis du parc. Selon Jean Wolff, gestionnaire principal des communications à la CCN, en plus des 13 organismes gouvernementaux qui y effectuent de la recherche, la « CCN a émis neuf permis d’accès aux terrains du parc pour de la recherche académique » en 2014, dont quatre projets de l’Université d’Ottawa. M. Lait est d’accord que le parc offre une opportunité de recherche unique et le qualifie d’un « laboratoire vivant » pour les biologistes. « Il y a aussi de la recherche en cours sur l’histoire du ski dans le parc », ajoute-t-il.

Pas tous sont contents avec sa gestion

La recherche de l’étudiant de Carleton est très critique vis-à-vis de la CCN.

« Lorsque le parc fut créé en 1938, il était censé appartenir au public. La plupart des résidents étaient déplacés et leurs terres rachetées par le parc. Or, les résidences privées de personnes fortunées et bien connectées, surtout aux lacs Meech et Kingsmere, étaient laissées. Mais, ces lacs se situent au cœur du parc et sont précisément la justification pour la protection du parc », juge M. Lait.

  1. Murray du Comité pour la protection du parc prétend tout court que « la gestion du parc est toute croche ». Il décrit quatre griefs majeurs : la construction privée dans le parc, la réduction de son territoire, un manque de transparence dans la gestion des limites du parc et le fait que le Québec est blâmé pour le manque de statut de parc national en gardant 17 % du territoire à lui alors que, en réalité, le tout appartiendrait à la CCN.
  2. Murray déplore que plus de cent nouvelles maisons privées auraient été construites depuis 1992 et que le parc a subi un retranchement de son territoire de huit kilomètres carrés. Il constate que les preuves sont présentées sur le site web du Comité.

La CCN nie toutes les accusations de M. Murray. « Il n’y a aucun doute que M. Murray aime beaucoup le parc et le connait bien, mais il faut aussi questionner la qualité de la recherche et la méthodologie qui soutiennent certaines de ses conclusions », dit M. Wolff. Les limites du parc seraient claires et non modifiées depuis les années 1990 et « il n’y a pas, il n’y a pas eu et il n’y aura pas de construction privée sur des terres du parc. M. Murray n’a toujours pas prouvé ses assertions de construction sur les terres du parc ».

Équilibre entre conservation et récréation

Le plan directeur du parc, en vigueur depuis 2005, met l’accent surtout sur la conservation de la nature. Au moins 143 espèces menacées d’animaux et de plantes habitent le parc. La contradiction entre conservation et récréation engendre de nombreux problèmes pour la CCN.

Quelques 200 kilomètres de sentiers illicites existent dans le parc, créés par les randonneurs en raison de leur insatisfaction des sentiers officiels. La CCN a rencontrée en juin et en octobre les utilisateurs du parc pour discuter de ceux-là et de leurs répercussions « négatives » sur l’environnement.

Cette préoccupation de la CCN inquiète les utilisateurs de ces sentiers. Une personne a commenté en ligne : « si vous voulez réduire l’impact de personnes négligentes dans le parc de la Gatineau, fermez-la aux autos, non aux piétons ». Ce commentaire a été résonné par David McMahon, qui fréquente le parc depuis 30 ans. Il ajoute que les conséquences des pistes non officielles est nul par rapport aux pistes officielles de garnotte créées au bulldozer. La CCN dévoilera un nouveau réseau de randonnée élargi l’année prochaine, mais aucune décision finale ne sera prise avant 2016.

Pourtant, « toute l’idée du parc est que les gens s’en viennent pour vivre de la nature canadienne typique », dit M. Lait. Le parc souffrirait de beaucoup de problèmes de mobilité. « Il a toujours été fait pour les autos et il souffre aussi de problèmes de capacité : il y a trop de monde et surtout trop d’autos en été. Ceux-là relèvent largement du fait que les lacs Meech et Kingsmere ne sont pas réellement ouverts au public à cause des résidences privées », ajoute M. Lait.

La CBC a rapporté en octobre la congestion importante dans le parc et comment elle inquiète surtout les cyclistes. « Davantage de transports collectifs sont nécessaires », conclut M. Lait. M. Murray affirme aussi qu’il y a eu beaucoup de construction routière dans le parc dans les dernières années, mais « les routes, ce ne sont pas vraiment du parc », juge-t-il.

  1. Wolff de la CCN reconnaît ces inquiétudes sur le plan de la mobilité, mais ne peut dire que le problème sera résolu bientôt. « La CCN reconnaît cette réalité et, dans les cinq dernières années, a entrepris des études (assorties de consultations publiques) sur les transports vers le parc et les transports à l’intérieur du parc. L’heure n’est pas encore venue d’en tirer des conclusions et des décisions », explique M. Wolff.

 

Controverses autour du parc de la Gatineau: un comité citoyen versus la CCN

Le dossier sur le parc de la Gatineau a présenté une guerre d’informations importante entre la Commission de la capitale nationale (CCN), qui gère le parc, et le Comité pour la protection du parc de la Gatineau, représenté par Jean-Paul Murray. La Rotonde présente ici plus en profondeur leurs arguments respectifs.

Jean-Paul Murray , représentant Comité pour la protection du parc de la Gatineau

  • « Le plus grand problème à l’heure actuelle est la construction privée dans le parc. Depuis 1992, 128 nouvelles maisons ont été construites à l’intérieur du parc, surtout aux lacs Meech et Kingsmere ».
  • « Deuxièmement, il y a la réduction du territoire du parc par le retranchement de son territoire depuis 1992. Selon les documents obtenus du Comité pour la protection, la CCN a retranché huit kilomètres carrés de territoire du parc. En plus, il y a la construction routière dans le parc. Les routes, ce ne sont pas vraiment du parc. L’autoroute 50 est surtout problématique. Elle est majoritairement située hors du parc, mais elle passe légèrement à travers. Sa construction a nécessité le retranchement du parc par 80 âcres ».
  • « Le troisième problème majeur : le manque de transparence dans la gestion des limites du parc. La CCN dit qu’il n’y a eu aucun retranchement territoire du tout et qu’en fait, elle a acquis du territoire au lac Meech, mais c’est faux. Mais la limite du parc est plus petite qu’en 1960. Selon tous les documents gouvernementaux obtenus, il faut un «oui» du parlement fédéral pour modifier les limites, mais il n’y a eu aucun décret pour faire en sorte qu’il y ait un retranchement. Donc le parc est plus petit, mais la CCN dit qu’il est plus grand ».
  • « Le quatrième problème : l’acquisition des terres qui «appartiennent» au gouvernement du Québec. On impute au gouvernement du Québec la responsabilité du fait que le parc ne soit jamais devenu un parc national parce qu’il a prétendument toujours refusé de céder au gouvernement fédéral les 17 pourcents de terrains. Mais c’est faux que ces terrains lui appartiennent et cela se laisse voir par les documents disponibles sur notre site web. Le gouvernement du Québec en a transféré le contrôle et la gestion au gouvernement fédéral, donc la CCN. Elle s’est contredite à plusieurs reprises sur cette question. C’est faux de dire que c’est provincial, puisque c’est la CCN qui paie les taxes ».

Plus d’information sur http://www.gatineauparc.ca/

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Jean Wolff, gestionnaire principal des communication pour la Commission de la capitale nationale

La Rotonde : Quoique le parce se situe si proche de la ville, il est difficile d’y arriver en transports en commun et impossible d’arriver au cœur du parc. Que dites-vous aux étudiants qui veulent découvrir le parc? Leur faut-il une auto et ajouter à la circulation routière au parc, surtout problématique en été? Y aura-t-il un jour un autobus public? La raison d’être du parc étant justement l’accessibilité à la nature pour les citadins.

  • Jean Wolff : « La Commission de la capitale nationale reconnaît cette réalité et, dans les cinq dernières années, a entrepris des études (assorties de consultations publiques) sur les transports vers le parc et les transports à l’intérieur du parc. L’heure n’est pas encore venue d’en tirer des conclusions et des décisions ».
  • « Ceci dit, à part un vite rappel que cette réalité tient aussi à l’histoire de la création et du développement du parc, nous comprenons tous que le parc est très grand et plusieurs sites d’activités se trouvent au cœur du parc et souvent à une bonne distance des entrées du parc. Ces sites peuvent être effectivement difficiles d’accès par des modes non-motorisés (marche, vélo) pour beaucoup de visiteurs ».
  • « Malgré cela, plusieurs sentiers débutent à la limite séparant le parc et les secteurs urbains, notamment dans le secteur Hull.  La STO, la Société de transport de l’Outaouais, le service de transport en commun, dessert actuellement plusieurs points comme le Cégep de l’Outaouais, le Relais plein air, le centre Asticou, les boulevards St-Raymond et Cité-des-Jeunes qui permettent tous d’accéder au réseau de sentiers et de promenades du parc ».

« La CCN encourage également l’accès au parc par vélo, et combine ses efforts avec ceux des municipalités pour développer un réseau de voies cyclables plus étendu sur les routes municipales permettant d’accéder au parc ».

LR : Comment répond la CCN aux critiques du parc, telles que celles de M. Murray du Comité pour la protection du parc? Ils critiquent avant tout le retranchement des limites et de la taille du parc, le développement routier et l’existence de la propriété privée au parc. Selon Jean-Paul Murray, 128 nouvelles maisons auraient été construites depuis 1992 et ce sont les gens fortunés et bien connectés qui arrivent à préserver de la propriété privée dans le parc, alors que le parc a racheté d’autres terrains de personnes privées.

  • JW : « La Commission de la capitale nationale s’enorgueillit d’être à l’écoute des résidents de la région, de visiteurs, des utilisateurs du parc, des groupes d’utilisateurs et de tous ceux et celles qui aiment le parc. Et d’avoir des contacts suivis avec eux et elles.
  • « Il n’y a aucun doute que M. Jean-Paul Murray aime beaucoup le parc et le connait bien.  Il a beaucoup de mérite. Il faut se poser des questions sur la nature et la constitution du Comité pour la protection du parc de la Gatineau. (Voir à ce sujet les échanges au Comité des transports de la Chambre des communes, lundi 26 octobre 2009,  16 h 40 et à la même date 17 h 20.) Il faut aussi questionner la qualité de la recherche et la méthodologie qui soutiennent certaines conclusions de M. Murray ».
  • « Les limites du parc sont claires, effectives et non-contestées depuis des décennies. Les limites actuelles sont établies et consacrées depuis le milieu des années 1990 ».
  • « Le tracé de l’Autoroute 5 est à peu près entièrement fixé, par entente fédérale-provinciale, depuis les années 1970. L’Autoroute 5 n’est pas dans le parc ».
  • « Le parc été créé en 1938 autour de zones habitées avec des communautés installées, des industries, des commerces, etc. Un sondage de la CCN révèle qu’à l’intérieur des limites du parc, il y avait au 1er janvier 2008, 405 propriétés privées couvrant à ce moment-là 600 hectares, soit moins de 2 % de la superficie. Aujourd’hui, il n’y en a pas 370 propriétés privées à l’intérieur des limites du parc parce que la CCN, quand c’est souhaitable et faisable, achète puis re-naturalise les propriétés disponibles ».
  • « Il n’y a pas, il n’y a peu eu et il n’y aura pas de construction privée sur des terres du parc. M. Murray n’a toujours pas prouvé ses assertions de construction sur les terres du parc ».

Plus d’informations sur http://www.ccn-ncc.gc.ca/

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