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Arts et culture

Plus que de l’acouphène

Culture
11 septembre 2017

Arts & Culture

Par: Gabrielle Lemire Cheffe Arts et culture

Jeudi le 7 septembre, la 4e édition du uO Show occupait la place de l’Université devant la Faculté des sciences sociales. En première partie, le public a eu droit au rap endiablé de Koriass sur la justice sociale et les réalités crues du quotidien, suivi du techno aux sonorités autochtones du groupe A Tribe Called Red formé de trois DJ d’Ottawa revendiquant l’histoire effacée d’un Canada colonisé ainsi que la présence des peuples autochtones au pays.

Les fans de rap québécois ont été comblés lors de la première partie de Koriass, célèbre depuis 2001 pour ses prises de parole publiques dans son rap et ses textes d’opinion. Après avoir fait des vagues avec son billet de blogue Natural Born Féministe de 2015, il a donné de nombreuses conférences dans les écoles. Endossant le rôle de porte-parole des opprimés, Koriass dit voir des résultats positifs chez les jeunes suite à ses visites. «J’essaie d’utiliser ma tribune pour faire quelque chose de positif. J’essaie d’être conséquent le plus possible», explique-t-il. Le rappeur confie entamer un nouveau projet suite à ses expériences vécues cette année, après avoir annulé quelques spectacles en début d’été afin de se concentrer sur sa vie familiale.

« J’me lève comme un peuple, après 100 ans de massacre. Pis j’fais entendre ma voix pour les enfants de l’asphalte. »

A Tribe Called Red (ATCR) sont quant à eux revendicateurs des droits des Premières Nations, des peuples métis et inuits. Le collectif de DJ mêlant sonorités des pow-wows à celles techno et hip-hop vise un impact social en revisitant la culture autochtone en Amérique du Nord. Leur mandat a vu le jour en 2008, lorsque le regroupement de DJ NDN, Bear Witness et 2oolman a décidé de célébrer la culture autochtone tout en créant un environnement inclusif. Jeudi soir, au rythme des bras levés des étudiants venus apprécier la manifestation culturelle, le message d’ATCR était clair: « We are not a conquered people». Nous ne sommes pas un peuple conquis.

La francophonie potentiellement au premier plan

Malgré la volonté de remplir le mandat de l’Université en créant une programmation bilingue pour le uO Show, les artistes francophones se retrouvaient depuis quatre ans avec les miettes de la première partie, laissant place à un artiste anglophone en pièce de résistance. La programmation de l’Université affirme que tout en respectant le principe de bilinguisme, ce sont les suggestions des étudiants qui influencent le choix des artistes: « On part de cette banque de données, on va voir la disponibilité des artistes et aussi le cachet qu’ils demandent», explique Isabelle Décarie, cheffe de la programmation socioculturelle et éducative.

Elle ajoute que chaque année, les grands noms tels Stromae sont mentionnés, mais un concert à moins de 10$ le billet ne se prête pas à tous les artistes. Néanmoins, le service de programmation déniche des artistes comme Koriass et ATCR accumulant des millions de vues sur YouTube. Décarie souhaiterait à l’avenir inverser les rôles en permettant à un.e artiste francophone de se produire comme tête d’affiche. Malgré ces bonnes nouvelles et la généreuse prestation de la part de Koriass jeudi, ce n’est que devant quelques dizaines de membres de la communauté uottavienne que le rappeur brisât la glace du uO Show.

Le u-NO-Show

Il faut croire que la pluie a découragé un bon pourcentage des 2500 Gee-Gees prévus par le service de programmation pour l’événement. Il semblerait qu’avec 300 billets vendus à l’avance, la capacité de la place de l’Université n’aura pas été comblée, puisque selon une employée souhaitant rester anonyme, environ 60 billets auraient été vendus à la porte. Ce sont donc plus de 41 000 étudiants qui seront passés à côté de la manifestation culturelle.

Plus que des paroles en l’air

D’après les propos de Décarie, aucune réflexion sur le contenu politique du spectacle n’a influencé le choix de l’artiste. Pourtant l’alignement du uO Show cette année pèse lourd en fait de prise de parole en plaçant Koriass, fier porte-parole des opprimés, aux côtés d’ATCR, pour qui véhiculer les valeurs et les traditions autochtones est une priorité. Les paroles revendicatrices des deux artistes restent d’actualité, comparativement à celles du chanteur French Montana qu’à contracté pour un soir la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FÉUO).

Après les dires de certains étudiants interrogés dans l’édition précédente concernant la culture du rap, il était impossible de ne pas sourciller. Réduire tout ça à quelques propos vulgaires sur les femmes et la consommation d’alcool? Qu’en est-il de la résistance à l’hégémonie et à la “survie au sein de l’ordre social dominant” comme indiqué par Theresa Martinez dans son article Popular Culture as Oppositional Culture: Rap as Resistance ? À l’endroit du discours entretenu dans la culture populaire comme quoi le rap, « ça reste juste du business, c’est juste de la musique », c’est que les noms suivants ne vous diront rien: Koriass (eh oui, vous l’aurez manqué), Manu Militari, Loco Locass, Macklemore, P.O.S. et Kendrick Lamar.

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