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Opinions

Le rideau tombe sur le mur-rideau

Web-Rotonde
5 Décembre 2016

Diego Elizondo
Étudiant à la maîtrise en histoire
Université d’Ottawa

Un réflexe typiquement nord-américain consiste à démolir tout ce qui ne parvient plus à assouvir aux besoins des contemporains.  Selon cette logique, tout ce qui est de plus de 50 ans est par conséquent démodé, ringard et désuet. Un exemple patent de cette façon de faire est la démolition du pavillon MacDonald.

Les curieux ont pu apercevoir la démolition du pavillon MacDonald s’étaler du 1er novembre au 29 novembre, date à laquelle les derniers murs, entourant l’auditorium d’une centaine de places, sont tombés sous le pic des démolisseurs. img_2534

Le pavillon MacDonald est l’œuvre du prolifique et influent architecte franco-ontarien, Jean-Serge Le Fort (1905-1982), lui-même diplômé de l’Université d’Ottawa, en 1926. Le Fort, qui travaille principalement auprès des communautés religieuses catholiques francophones, sera en sa qualité d’architecte officieux des Pères Oblats de Marie-Immaculée d’Ottawa, l’architecte de l’Université de 1948 à 1965.

Construit de février à septembre 1965 au coût de 1,7 M$ par les entrepreneurs James More et fils sur l’ancien site de la Ottawa Ice Compagny et du terrain du stade l’Ovale (1929-1957), le pavillon destiné à abriter les départements de physique et de mathématique, est officiellement inauguré le 16 avril 1966 par Pauline Vanier. D’une hauteur de trois étages en plus d’un soubassement et d’un étage supérieur, le pavillon structuré en acier d’une superficie de 80,000 pieds carrés, est appuyé aux extrémités est et ouest par des murs faits en pierre blanche de l’Indiana et permet d’accueillir près de 1600 étudiants.  

Le Fort est véritablement le pape du fonctionnalisme à Ottawa. Ce style d’architecture qui est une des formes du modernisme architectural, très populaire dans l’immédiat après-guerre particulièrement dans les années 1950, consiste à dessiner des édifices en longueur avec une approche strictement utilitariste. Pour bien se démarquer du style art déco des années 1930, cela se traduit avec des édifices ayant le moins de détails possible, surtout à l’entrée des bâtiments, avec de tout petits toits horizontaux, flanqué aux extrémités de d’autres entrées tout aussi modestes.

Le fonctionnalisme est promu par la gauche, qui dans sa recherche d’atteindre l’idéal égalitaire l’applique même jusqu’aux bâtiments : aucun édifice ne doit trop se distinguer par rapport aux autres, par conséquent tous doivent être sobres et neutres, sans exception. La gravure en noir et blanc Les yeux n’est pas de Le Fort, mais de l’artiste James Boyd, a été ajouté au flanc ouest sur les pierres blanches de l’Indiana du pavillon en 1973. L’œuvre a été démontée en octobre et sera, nous dit-on, remontée ailleurs.

Le pavillon MacDonald se distinguait par sa coquette rotonde marbré à l’entrée et son magnifique revêtement en mur-rideau bleu pâle s’étant sur tout son long à l’extérieur.  Les murs-rideaux étant une ornementation de l’architecture moderne qui se popularise dans le style architectural fonctionnaliste au cours des années 1960.

Œuvre tardive de Le Fort, le pavillon MacDonald est l’une de ses trois dernières à l’université avec les résidences Le Blanc et Marchand, aussi complétées en 1965 (cette fois, avec l’urbaniste et professeur torontois James A. Murray). À l’époque, il s’agissait des deux premières résidences pour étudiants de l’histoire de l’université. De plus, la résidence Marchand est le premier gratte-ciel construit à l’université.

Parmi les autres œuvres de Jean-Serge Le Fort ailleurs qu’à l’université, mentionnons la prison de Hull (1938), l’hôpital Montfort (1953), les bureaux du quotidien Le Droit (1955, démolis en 1990), le pavillon Guigues de l’Université Saint-Paul (1958), le séminaire de Mazenod (1960) et l’édifice Sir Leonard-Tilley du gouvernement fédéral à Alta Vista (1961, lieu patrimonial du Canada reconnu en 2002).

La démolition pavillon MacDonald a été précédé en août par la démolition de l’ancien pavillon de Génie électrique de 1956, également de Jean-Serge Le Fort et surnommé « le Cube ». Les pavillons de Le Fort qui sont toujours debout à l’Université sont les pavillons Vanier (1954, bibliothèque en 1963), Simard (1956) et Marion (1958).

L’Université a pour ambition de devenir un campus vert. La démolition du pavillon McDonald est contraire à cet objectif. Qu’elle sache que le vrai développement durable est celui qui consiste à rénover ses bâtiments patrimoniaux plutôt qu’à les démolir.

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