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Éditorial

Un Service du logement omniprésent

Rédaction
5 février 2018

Éditorial

Par Mathieu Tovar-Poitras – Rédacteur en chef

En cette magnifique période d’élections, les affiches et les banderoles bloquent de plus en plus la lumière dans les corridors de l’Université. Les candidat.e.s tentent de convaincre quiconque les écoute que leurs projets régleront les problèmes de la population étudiante. Pourtant, un des enjeux actuels se veut caché dans les ombres des résidences du campus.

En effet, le personnel du Service du logement (SDL), en particulier les conseillers et conseillères communautaires (CC), font face à des conditions de travail qui frisent l’embarras pour une institution qui prône le bien-être de ses étudiant.e.s. Il ne faut pas l’oublier, ces CC sont des étudiant.e.s qui doivent aussi concilier la pression académique de leurs études en plus du fardeau financier.

Fardeau financier qui, en passant, n’est pas soulagé par le salaire lié à leur poste. En effet, le salaire bihebdomadaire se situe entre 40$ et 90$. La justification est que leur frais de logement sont soustraits de leur paie. On s’entend qu’avec ce genre de revenu, les nouilles instantanées deviennent soudainement un splendide plat gastronomique. Et, comme Rachelle Clark, la directrice du SDL de l’Université d’Ottawa, l’a indiqué à La Rotonde, c’est un « emploi à temps partiel qui occupe de 15 à 20 heures ».

Bon parfait, alors les CC peuvent logiquement tenter de se trouver un second emploi sur le côté pour s’assurer un certain coussin financier. Et bien, selon plusieurs entretiens tenus avec des CC en poste et d’autres ayant démissionnés, cette démarche serait « fortement déconseillée » par la hiérarchie au sein du SDL. Et pour revenir sur les propos de Clark, si c’est véritablement un emploi à temps partiel, pourquoi les CC consulté.e.s ont tenu à souligner que c’est en fait un emploi omniprésent ?

Réunions et observations

Que ce soit avec les résidente.s, les autres CC ou toutes autres personnes dans le système du SDL, la quantité de réunions semble démesurée, en particulier lorsque l’on prône par la suite que l’emploi n’est pas à temps plein.

Par ailleurs, dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions, les CC sont tenus de remplir des rapports sur leurs interactions avec leurs résident.e.s, en plus d’observations. Le logiciel utilisé, eRezLife, centralise ensuite ces notes qui peuvent ensuite être consultées par les coordinateurs des CC et les autres pions supérieurs dans la hiérarchie du SDL.

Par contre, n’est-il pas problématique que l’on demande des rapports sur les résident.e.s, en y incluant parfois des informations très personnelles, sans leur approbation libre et éclairée? Dans le contrat de résidence 2017-2018, au point 26, on précise que certains acteurs ont « le droit de communiquer avec vos parents ou tuteurs et de leur fournir l’information pertinente si votre comportement ou votre santé [les] inquiète ».

Il y a donc une opposition entre deux concepts fondamentaux : la protection de la vie privée et le consentement des individus concernés, et la sécurité de ces mêmes personnes.

L’Université d’Ottawa s’est engagée, comme elle se le doit, d’augmenter les mesures prises pour assurer le bien-être de ses étudiant.e.s. Dans cette optique, l’approche du SDL est relativement défendable. Par contre, les résident.e.s ne s’engagent pas à voir leurs faits et gestes être catalogués par des gens en qui ils devraient avoir confiance.

L’enjeu de la vie privée ne s’arrête toutefois pas aux résident.e.s, mais aussi aux CC. Plusieurs des (ex-) employé.e.s avec qui La Rotonde s’est entretenue ont souligné, de manière sérieuse, que certains de leurs propres supérieurs cherchent à être omniprésents dans leurs vies.

Des risques de bris

Le portail en question où sont mises ces informations est accessible aux employés du SDL. Toutefois, et La Rotonde peut le confirmer, les personnes anciennement CC ont encore accès aux pages du logiciel. Il faut toutefois noter que certains des comptes n’ont plus accès aux rapports et aux informations personnelles, mais l’accès au logiciel reste ouvert.

Parce que malgré que l’on nous ressorte que la politique concernant l’accès à l’information et la protection des règlements personnels [ci-après le règlement 90] régit cette pratique, il semblerait qu’elle était sujette à une interprétation très souple. Si la personne signant le contrat de résidence le fait en acceptant la disposition 26, elle le fait sans être nécessairement au courant d’où viennent ses informations.

Une personne raisonnable penserait que ces renseignements font référence aux informations liées à son inscription. Toutefois, elle ne ferait pas nécessairement un lien avec la possibilité que des observations à son endroit, durant son séjour en résidence, soient cataloguées et par conséquent encadrées par les codes prévus par l’Université d’Ottawa.

Que l’Université accepte de procéder comme elle le fait serait plus digestible si au moins les personnes concernées par la collecte de leurs données soient au courant de ce qui se passe dans les coulisses de leurs résidences.

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