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Éditorial

Traduire les identités

Web-Rotonde
19 octobre 2014

Par le Comité éditorial de La Rotonde

L’Assemblé législative de l’Ontario a doté l’Université d’Ottawa (U d’O) d’un statut bilingue il y a exactement 40 ans et il est maintenant temps d’aller voir ce qui se fait ailleurs dans le monde. En traçant un portrait d’autres institutions multilingues, cette édition de La Rotonde tente d’apporter d’autres perspectives à cette caractéristique qui rend l’U d’O si fière.

Nous ne sommes pas seuls vivant le bilinguisme au quotidien à l’université. Inusité de tirer une telle conclusion après des décennies d’archives centrées sur la séparation entre les deux langues officielles. Comparons-nous aux autres pour voir comment nous pouvons mieux faire les choses, car la présence des deux langues n’est pas simplement un atout pour attirer de nouveaux étudiants.

La forme de bilinguisme qui marque l’Université d’Ottawa depuis l’adoption de son statut consiste à tout traduire : documents officiels, règlements, publicités, etc. Cette façon de faire, particulièrement inclusive, comporte des avantages importants. Les deux communautés linguistiques ont accès aux mêmes informations.

Ceci dit, cela alimente la dichotomie entre les deux groupes et contribue à l’émergence d’une identité bilingue qui fragilise celle des minorités. Il devient naturel pour ces dernières de s’adapter à l’utilisation de la langue majoritaire.

Rappelons aussi qu’être bilingue pour un anglophone et pour un francophone n’est pas tout à fait la même chose. Ce qu’on attend de la qualité de la langue seconde d’un anglophone et ce qu’on attend d’un francophone est bien différent. Les francophones dérogent de la norme s’ils ne sont pas bilingues, alors que les anglophones sont bilingues dès qu’ils ont quelques bases dans la langue de Molière. Cette situation résulte directement de la relation entre majorité et minorité. Puisque l’anglais est majoritaire à Ottawa, les standards de son apprentissage sont plus élevés comparativement au français, celui-ci étant beaucoup moins utilisé dans les associations étudiantes et autres institutions universitaires.

Toujours définir les droits des francophones par rapport à ceux des anglophones comporte des limites importantes, voilà pourquoi nous proposons de mettre en perspective notre bilinguisme par rapport à ce qui se fait ailleurs dans le monde.

La complexité des services offerts pour chaque communauté linguistique implique qu’il n’est simplement pas réaliste d’avoir des services égaux dans les deux langues. La présence d’un régime d’immersion en français et l’absence d’équivalent dans l’autre langue, ainsi que le déséquilibre entre le nombre de cours offerts indiquent qu’on ne peut pas se contenter de mettre des affiches bilingues. La situation est beaucoup plus complexe.

Regarder ce qui se fait à l’échelle internationale permet d’élargir une question qui se limite trop souvent à ce qui a été fait dans le passé au Canada.

Imaginons un campus dans lequel les deux langues officielles occupent une importance égale sans que l’ensemble de l’information soit traduite dans son entièreté. Une affiche, sur laquelle se trouve une partie de l’information en anglais et l’autre en français, permettrait un plus grand côtoiement et favoriserait l’apprentissage de l’autre langue. Cela permettrait de briser l’inébranlable division entre les deux langues.

Toutefois, adopter cette façon de faire ne semble pas encore possible. L’affichage pourrait être utilisé pour pousser les étudiants à valoriser leurs compétences linguistiques. Les informations de base qui se trouvent sur chaque affiche sont simples à comprendre. Dans le cheminement scolaire canadien, tous ont quelques éléments dans la langue seconde.

Or, les affiches préautorisées par les corps fédérés ne permettent malheureusement pas un tel exercice. Français et Anglais pourraient avoir une présence équivalente sans que les énoncés soient simplement répliqués dans l’autre langue.

Les étudiants doivent s’approprier le bilinguisme pour qu’il représente vraiment la relation entre les communautés linguistiques. Si cette relation demeure imposée, par les autorités au pouvoir, elle est condamnée à n’être qu’un système de règles qui encadre la traduction.

Les langues peuvent se côtoyer d’une multitude de façon, et s’intéresser aux universités qui doivent composer avec plusieurs communautés linguistiques nous donne les outils pour déconstruire les limites que présente le bilinguisme comme il est présent sur notre campus.

Aucune discussion publique n’a consulté les membres de la communauté universitaire pour savoir comment les langues devraient se côtoyer. Après 40 années, il est temps de s’interroger sur les façons de faire, car le bilinguisme n’est pas la traduction d’une identité.

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