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Un bilinguisme unilingue

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2 octobre 2017

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Chronique 

Par : Nicolas Hubert-Chef du pupitre actualités 

 

Alors qu’au cours des dernières réunions du Bureau des Gouverneurs (BdG) et du Sénat, le recteur de l’Université d’Ottawa (U d’O), Jacques Frémont, a annoncé l’élaboration prochaine d’un rapport sur l’état de la francophonie au sein de l’Université, le maire d’Ottawa, Jim Watson, a rappelé la place prépondérante de l’U d’O dans l’environnement bilingue d’Ottawa. Mais qu’en est-il de la place des francophones et de la réelle nature du bilinguisme au sein même de l’Université et, dans un sens plus large, de notre communauté universitaire ?

En effet, comme le rappelaient il y a plusieurs semaines au BdG le Vice-doyen et secrétaire de la Faculté d’éducation, André Samson, et la Directrice du Service d’appui au succès scolaire, Sylvie Tremblay, contrairement aux anglophones, les francophones doivent se battre en permanence pour défendre leurs causes au sein de la communauté universitaire, qui ne partage pas une interprétation commune du bilinguisme.

Un constat que je partage amèrement après avoir passé les dernières semaines à chercher des professeurs de l’Université à même de réagir aux sujets d’actualité. Il est en effet affligeant de constater le nombre de professeurs à temps plein ou rattachés à l’U d’O qui affichent leur volonté, ou leurs compétences linguistiques restreintes, de communiquer uniquement en anglais. Cela rappelle que dans certaines facultés, à l’instar du département des Sciences infirmières, les directeurs et administrateurs demeurent unilingues anglophones.

Pouvons-nous seulement trouver un.e seul.e professeur.e ou administrat.eur.rice unilingue francophone ? Ou affichant sa volonté de communiquer uniquement dans sa langue natale ? L’administration de l’U d’O accepterait-elle cette situation, la personne en question pourrait-elle rester en poste ? Il est regrettable d’envisager que ce phénomène renvoie à un privilège non avoué de la communauté anglophone.

Il est également affligeant de constater semestre après semestre la pauvreté des cours offerts en français, et ce dans l’ensemble des programmes. Je discutais la semaine dernière avec un étudiant à la maitrise de l’École de Développement qui me partageait sa déception de n’avoir le choix qu’à UN SEUL cours offert en français dans son programme cette session.

Pour ma part, alors que je revendique fièrement cette appartenance à l’idée du bilinguisme et de son identité, je défends également un bilinguisme dualiste. Néanmoins, comble de l’absurdité, j’ai présentement un cours en anglais qui est assuré par un professeur francophone et qui est suivi par quatre étudiants francophones, ainsi qu’une étudiante anglophone bilingue. Mais qui doit, afin de respecter la norme et la réglementation de l’Université, s’effectuer uniquement en anglais. Peut-on encore parler de bilinguisme dans de telles situations ? Alors même que dans nos séminaires francophones, nous tolérons les interventions anglophones des étudiant.e.s en immersion…

Cette réflexion doit être menée sur l’ensemble de la sphère académique canadienne. Intervenant sur un colloque à l’UQAM, j’ai eu le plaisir de constater l’accès bilingue aux panels. À l’inverse, intervenant sur un autre colloque à l’Université de Concordia, l’ensemble des communications doit être effectué en anglais. Je ne peux alors que constater que dans cette situation le bilinguisme demeure un rapport de domination envers une communauté en situation minoritaire, qui doit soit parler anglais pour exister dans son propre environnement, soit faire de la place à ses collègues anglophones pour qu’ils puissent s’épanouir dans leur langue maternelle.

En ce sens, le bilinguisme que nous vivons est moins une identité, comprise comme une particularité et une force culturelle, qu’un rapport de domination imposé par la communauté hégémonique. Nous ne constatons en effet qu’un bilinguisme à sens unique exclusivement pratiqué par les communautés linguistiques minoritaires, qu’elles soient francophones ou autres.

Ainsi, Frémont, vous qui appelez la communauté anglophone à davantage s’impliquer sur cette question, je vous appelle moi à mettre en œuvre vos ambitions et à conférer une réelle portée contraignante au statut du bilinguisme dans notre université. Le seul changement possible vient du renversement de l’attitude permissive de l’administration de l’U d’O et de conférer au bilinguisme le statut fédérateur et identitaire dualisme qui lui revient.

 

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