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Opinions

uOttawa : La francophilie de convenance

Web-Rotonde
14 mars 2016

En ce Mois de la francophonie, permettez-moi d’extérioriser une petite crotte que j’ai sur le cœur depuis octobre 2014, soit la date à laquelle M. Allan Rock, recteur et vice-chancelier de l’Université d’Ottawa, publiait une lettre ouverte tentant de dépeindre une université bilingue comme francophone, ou à tout le moins suffisamment dévouée à la francophonie pour justifier la position de l’Université contre la création d’une université franco-ontarienne. Lorsqu’on vit ici, sur le campus, on vient qu’à douter de la sincérité de notre institution en ce qui concerne son attachement à la francophonie. De multiples exemples nous mènent à croire que l’Université d’Ottawa ne nourrit en fait qu’une francophilie de convenance.

Chaque matin, je passe devant un Monument de la francophonie qu’on a cadenassé, fermé pour l’hiver. Des chaînes en bloquent l’accès de part et d’autre, ce qui est d’une tristesse inouïe. Il semble beaucoup moins demandant d’être francophile au printemps, en été et en automne… Il s’agit du symbole illustrant le plus durement qu’en définitive, la loi du moindre effort prime en ce qui concerne la francophonie universitaire. L’Université d’Ottawa se dit fière d’avoir contribué à la hauteur de 100 000 $ pour la réalisation du projet. Le chiffre est beau, rond, vendeur. Il se lit bien sur des affiches et dans des communiqués de presse. Mais une fois les caméras éteintes, qui s’occupe du Monument?

J’étudie dans un programme francophone de rédaction professionnelle qui peine à retenir ses professeurs. L’Université d’Ottawa refuse de faire le nécessaire pour garder les meilleurs éléments. On se contente de chargés de cours, de professeurs contractuels et à temps partiel. Non pas qu’ils soient moins dévoués, mais on semble en apprécier outrageusement l’aspect largable.  Le Département de français ressent-il un fort engagement de la part de l’Université d’Ottawa qui prétend au titre d’Université francophone de l’Ontario? Poser la question, c’est y répondre.

Je suis rattaché à une Faculté des arts qui n’est plus en vogue. On en parle avec la même sympathie qu’on a pour l’étudiante qui s’y est inscrite au programme de théâtre : on l’aime « quand même ». On sait qu’elle ne fera pas d’argent, qu’elle vivra toujours aux dépens de ses « grands frères » œuvrant dans les domaines de « l’avenir » : la gestion et le génie. On n’en parle pas trop, mais on se demande en silence pourquoi elle s’acharne. Les locaux réservés aux programmes de Lettres et de littérature sont d’une désuétude crasse. Si vous désirez brancher votre ordinateur portable, prévoyez une rallonge de 5 mètres et une barre d’alimentation, question de soutenir vos camarades! Une université se targuant de monopoliser la francophilie universitaire en Ontario ne devrait-elle pas offrir un des programmes d’Arts et de Lettres renouvelés? Dans une faculté offrant des espaces stimulants et regroupant autant de sommités internationales que la faculté des sciences ou de génie?

Avez-vous visité les toilettes du pavillon Simard dernièrement? Je pose la question puisque lorsqu’on doit s’y rendre, on se trouve transporté vers un endroit lointain et (idéalement) exotique. En effet, où ailleurs que dans le sous-sol d’une auberge jeunesse de Beijing avais-je vu auparavant des toilettes sans siège et des cabines sans porte? Certainement pas dans une institution « dont l’excellence est reconnue mondialement. »[1]

M. Rock, dans votre lettre, vous avez mentionné à toute la province que l’Université d’Ottawa est l’université des francophones. Un jeu de mots habile, mais qui doit être contextualisé. Vous soulignez la présence de 13 000 étudiants francophones, mais omettez de souligner que ce sont là 13 000 sur plus de 40 000! Peut-on réellement parler d’une université de la francophonie avec au mieux 30 % d’étudiants francophones?

Comprenez-moi bien, il n’y a rien de mal à être une université bilingue! Bien au contraire, il s’agit d’une réussite exceptionnelle à l’image des plus hautes aspirations du multiculturalisme canadien. Cependant, qui dit bilinguisme ne dit pas francophonie. Mais c’est néanmoins l’argumentaire sur lequel vous vous appuyez pour vous prononcer contre la création d’une université francophone sous le prétexte que l’Université d’Ottawa suffit. Cette prise de position va à l’encontre des intérêts supérieurs de la francophonie ontarienne et elle prouve que votre francophilie est assujettie à des intérêts politiques.

M. Rock, un véritable francophile se réjouirait de voir une nouvelle institution francophone naître en Ontario! Un véritable francophile veillerait à ce que la faculté des Arts de l’Université d’Ottawa puisse jouir de salles de classe et des laboratoires à la fine pointe de la technologie! Un véritable francophile veillerait à ce que le Département de français puisse compter sur l’expertise de professeurs et de chercheurs de renommée mondiale afin de rayonner nationalement et internationalement! Et finalement, un véritable francophile veillerait à ce qu’on enlève les putains de chaînes devant le Monument de la francophonie et prendrait une pelle afin de venir m’aider à le déblayer!

 

Un étudiant parmi tant d’autres,

– Flagada Jones

 

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