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Une utilisation « purement politique » et essentialiste ?

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27 novembre 2017

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Par : Yasmine El Kamel – Journaliste 

Karim Achab, professeur de linguistique à l’Université d’Ottawa, témoigne devant le Comité permanent du patrimoine canadien sur la motion M-103 anti-islamophobie, qui demande au gouvernement de condamner l’islamophobie au Canada. Achab souligne être contre « l’instrumentalisation politique » du mot « islamophobie ». La Rotonde revient avec lui sur son opposition à l’usage de ce mot.

La Rotonde : Pour quelles raisons êtes-vous contre l’utilisation du mot « islamophobie » ?

Karim Achab : L’uti­li­sa­tion qu’on en fait main­te­nant est purement politique, notamment dans le contexte canadien. Ça veut dire quoi traiter quelqu’un d’islamophobe? Tout le monde va se faire traiter d’islamophobe dès lors qu’on va commencer à critiquer l’Islam dans ce cas-là. Or, le Canada est un pays qui jouit d’une liberté d’expression, qui constitue une valeur. C’est encourager, envoyer un message fort aux extrémistes comme quoi ils ne peuvent pas se faire critiquer pour des positions religieuses qu’ils prennent. C’est envoyer un message comme quoi ils sont protégés par cette motion, que personne ne pourra plus les critiquer.

LR : Quel mot ou expression utiliser dans ce cas ?

KA : Discrimination. Toute attaque qui serait sur une base religieuse, les lois pour les condamner existent déjà. S’il n’y a pas assez de lois, on doit faire des lois qui soient applicables à toute la société indifféremment des religions, des races ou quelque catégorie que ce soit.

LR : Vous avez utilisé le mot « création lexicale académique » pour parler du mot « islamophobie », qu’est-ce que vous voulez dire exactement par cela ?

KA : Dans le vocabulaire, le lexique évolue en fonction de la complexité des changements dans une société. Lorsque quelqu’un émet une idée, on finit par lui donner un mot. Tout ça, c’est normal. Puis, il y a cet autre côté qui est de créer un mot pour en fait distiller une nouvelle notion. Donc en créant le mot islamophobie, ils ont créé une notion qui s’appelle l’islamophobie qui n’existe pas. C’est quoi? C’est une peur irrationnelle de l’Islam. Irrationnelle, ça veut dire que c’est une phobie. C’est à partir de là que ça devient problématique. Mettre au-dessus de tout ça une loi qui va empêcher les gens à critiquer cette religion, je trouve ça dangereux pour toute société.

LR : Ne pas qualifier les actes haineux d’islamophobes lorsqu’ils le sont, enlèverait-il la vraie cause et le sens de ces actes?

KA : La source de l’acte, ça reste la haine dans ce cas-là. Et la haine, en tant que sentiment, on ne peut pas la réprimer, mais dès que ça se traduit en violences, c’est puni par la loi. Dire islamophobie c’est différent. Faisons le parallèle, par exemple, avec le mot homophobie. Pour l’homophobie, c’est comme si les traditions, les valeurs, les anciennes valeurs, la religion et tout ça avaient créé une représentation mentale de l’homosexualité comme une faute, comme quelque chose à ne pas faire. Dans la représentation mentale de certains, c’est encore comme ça. Ils ont créé une phobie, car leur représentation mentale ne correspond pas à la réalité. Mais dans le cas de l’Islam, il n’y a pas quelque chose d’anormal dans la représentation mentale des Canadiens. Ce n’est pas une phobie, ils font la distinction entre les fidèles pacifiques, qui utilisent la religion dans son sens spirituel, et la catégorie de criminels qui l’utilisent pour commettre des crimes terroristes.

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