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Éditorial

Des promesses aux doigts croisés dans le dos

Rédaction
27 novembre 2017

Éditorial

Par Mathieu Tovar-Poitras – Rédacteur en chef

Vous rappelez-vous lorsque vous étiez enfants et que vous vouliez quelque chose de vos parents ? Chacun.e avait son approche; faire une crise, bouder ou, de manière plus pacifique, promettre de ne plus rouspéter le matin ou lorsque c’est le temps de faire le ménage. C’était des promesses en l’air, dont l’unique objectif était d’obtenir ce que l’on veut à court terme. C’est certes une stratégie simpliste, mais cela n’empêche pas la sphère politique d’en abuser en outrance.

Le doute s’installe toujours lorsqu’un gouvernement enchaîne consécutivement les annonces de projets populaires et une vague de compréhension s’installe lorsque l’on se rend compte que les élections arrivent à grands pas.

Présentement, en Ontario, le gouvernement libéral de Kathleen Wynne multiplie les projets et les promesses à quelques mois des élections provinciales de juin 2018. Son gouvernement a annoncé la montée du salaire minimum à 14$ de l’heure le 1er janvier, et à 15$/l’heure si les libéraux sont réélus cet été. On peut y rajouter la gratuité des médicaments sur ordonnance pour les moins de 24 ans, le projet pilote pour le revenu universel garanti et des améliorations au Plan de pension de l’Ontario.

Après 14 ans au pouvoir, les libéraux ontariens tentent de poursuivre leur présence sur les bancs à la droite du Président de l’Assemblée législative. Il est vrai que toutes ces annonces satisferont plusieurs. Toutefois, l’arrogance d’un gouvernement qui calcule ses annonces en fonction d’analyses politiques leur indiquant le pouls de l’électorat avant les suffrages n’est pas ignorée pour autant.

Au contraire, le scepticisme qui hante la politique canadienne, tant au provincial qu’au fédéral, mène les gens à remettre en doute chaque promesse et initiative d’un gouvernement, de trouver ce qui est louche. La mémoire populaire est encore fraîche d’un autre gouvernement, lui aussi libéral, mais à Ottawa, qui baignait dans des belles promesses. Deux ans plus tard, les critiques fusent et l’on accuse ce même gouvernement supposé être différent du précédent de refaire les mêmes erreurs.

Les sondages étant ce qu’ils sont, un grain de sel est nécessaire pour les interpréter. Toutefois, lorsque l’on constate que la première ministre Wynne a un taux d’approbation oscillant autour de 17%, il est alors évident qu’elle et son gouvernement sont en plein mode séduction.

Détourner l’attention

Depuis l’annonce de ces projets innovateurs, l’actualité regorge de dossiers sur le sujet. Toutefois, il y a d’autres projets du gouvernement ontarien qui, malheureusement, passent dans le beurre, et ce sûrement au grand plaisir des libéraux de Queen’s Park.

Prenons qu’un exemple, celui d’Hydro One. En privatisant d’importantes parts du fournisseur d’électricité, les factures ont escaladé pour atteindre des sommets inquiétants. Récemment, Hydro One a annoncé son intention d’instaurer un système de compteurs prépayés, soulevant de vives critiques.

Plus tôt durant l’année, le dossier des factures d’électricité a fait la une de l’actualité. Mais comme d’habitude, deux ou trois belles promesses et on met de côté l’enjeu qui n’attire plus autant l’attention du public. Ça, c’est ce qu’on appelle s’en faire passer une petite vite.

« Mais c’est ça la politique, ça fait partie du deal », dites-vous. Oui, cette approche égoïste centrée sur ses résultats fait désormais partie de la politique, mais cela ne doit pas dire qu’elle doit être banalisée et acceptée. Au contraire, elle devrait encourager le public à en exiger davantage de ses élu.e.s et les tenir responsables quand il le faut.

Le phénomène Franco

Dans l’optique de la francophonie ontarienne, ce sont plusieurs annonces qui ont été faites récemment qui jettent les balises de l’approche qu’a choisi d’adopter le gouvernement de madame Wynne. Pendant les trois quarts du mandat, on se contente de prendre des décisions plus symboliques qu’autre chose. Mais un an avant les élections, on décide d’y mettre le paquet.

Ces annonces sont prometteuses et sont plus que bienvenues. Par contre, il est évident pour plusieurs que le moment choisi pour les présenter envoie des signes contradictoires à la communauté franco-ontarienne. D’un côté, on met de l’avant des dossiers réclamés depuis longtemps. De l’autre, on instrumentalise des revendications après une longue attente pour tenter de renforcer sa position à l’approche de juin 2018.

Ce qu’il faut aussi éviter est de personnaliser les projets. Ce n’est pas Kathleen Wynne elle-même qui par sa générosité a décidé de répondre proactivement aux revendications des francophones de l’Ontario. Ce sont divers membres de son parti, des comités de réflexion et des personnes d’influence de la communauté qui ont mené à l’élaboration des initiatives. C’est un détail important à garder en tête, surtout lorsque la campagne officielle sera entamée et qu’on vendra la première ministre comme étant l’instigatrice de tous ces changements.

Qu’un parti fasse des promesses est normal, mais il faut que celles-ci soient réellement concrétisées. En faisant des promesses sur des revendications de longue date, les attentes sont beaucoup plus élevées parce que l’on s’attend à une démarche sérieuse et des résultats concrets. Il est encore tôt pour juger ces éléments, mais ce que l’on peut déduire ce jour est que la stratégie politique d’instrumentaliser des enjeux sociaux peut rapidement sauter au visage de celui ou celle qui tente d’en tirer profit.

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