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Études en ligne et handicap : il fallait une pandémie !

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19 octobre 2021

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Un article rédigé par Camille Cottais – Cheffe du pupitre Actualités

La pandémie de la COVID-19 et les changements dans le mode d’enseignement qui l’ont accompagnée ont touché la plupart des étudiant.e.s. Le passage aux cours en ligne a particulièrement affecté, positivement comme négativement, l’expérience universitaire des personnes en situation de handicap. 

Les personnes vivant avec un handicap, que celui-ci soit physique, mental ou autre, peuvent vivre la pandémie différemment des personnes valides. Une étudiante qui a souhaité rester anonyme explique que leurs expériences sont marquées par le capacitisme, qui façonne le monde selon un certain corps et un certain type d’apprentissage. Le campus universitaire, mais aussi le système d’apprentissage dans son ensemble, présentiel comme virtuel, a été selon elle construit sans prendre en compte les besoins particuliers des personnes ayant une incapacité. 

Ainsi, continue-t-elle, les cours en ligne ont pu faciliter l’apprentissage de certaines personnes présentant un handicap lié à la mobilité en améliorant l’accessibilité des cours, tandis que des personnes neuroatypiques ou ayant un handicap mental pourraient au contraire être désavantagées par cette situation.

Des cours en ligne plus accessibles pour certain.e.s…

Le campus universitaire n’a pas été construit en prenant en compte les personnes utilisant un fauteuil roulant. Les étudiant.e.s ayant un handicap lié à la mobilité ont ainsi pu bénéficier de la rediffusion des cours ou de la non-nécessité de se déplacer. C’est le cas de Willow Robinson, coordinatrice du Centre pour étudiant.e.s ayant une incapacité de l’Université d’Ottawa (U d’O), qui explique qu’elle ne pouvait pas se rendre sur le campus avec son fauteuil roulant pendant l’hiver. Très peu de ses professeur.e.s acceptaient de l’accommoder en rendant leur cours accessible pour elle en ligne.

Elle rappelle que chaque handicap requiert des accommodements différents, mais affirme que l’apprentissage en ligne a, de façon générale, bénéficié aux personnes handicapées. Ces dernières pouvaient par exemple avoir tout ce dont elles avaient besoin chez elles. Gabriel.le Crovasce, étudiant.e en sexologie à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM), se réjouit par exemple d’avoir pu suivre ses cours dans sa chambre, sur sa chaise ou son lit adapté, et d’avoir eu accès facilement à ses traitements et outils de gestion de la douleur.

Crovasce ajoute en outre avoir bénéficié de la diminution du temps dans les transports, qu’iel juge souvent inadaptés aux réalités des personnes à mobilité réduite, ainsi que de l’enregistrement des cours qui lui permettait de les visionner à nouveau si iel les manquait à cause d’un rendez-vous médical ou de douleurs. Finalement, iel juge que les cours en ligne lui ont permis de ne plus avoir à choisir entre prioriser sa santé ou ses études.

… mais plus exigeants pour d’autres

Megan Blanche, qui travaille en tant que pixie à la Faculté des Sciences sociales, explique que l’apprentissage virtuel a souvent été difficile pour les personnes dyslexiques ou hyperactives, ce mode d’éducation n’étant pas adapté à leurs besoins spécifiques. Kenza Seffar, étudiante à l’U d’O ayant des troubles d’apprentissage, confirme en effet avoir eu de grandes difficultés pour se concentrer en ligne et juge impossible pour elle de se concentrer toute la durée d’un cours derrière un ordinateur.

Blanche rapporte également des difficultés rencontrées par les personnes malentendantes pour lire sur les lèvres du ou de la professeur.e dans les cours bimodaux. C’est par exemple le cas quand celui ou celle-ci porte un masque. De plus, continue-t-elle, certaines salles de classe sont équipées d’une caméra fixe et la position de celle-ci ne permet pas de lire sur les lèvres. De la même façon, elle explique que les sous-titres automatiques sur Zoom fonctionnent en anglais mais non en français, un vrai désavantage pour les étudiant.e.s francophones qui en auraient besoin.

Les cours en ligne ont également pu être désastreux pour la santé mentale de tou.te.s les étudiant.e.s, mais particulièrement de ceux.celles déjà touché.e.s par des problèmes de santé mentale, affirme Blanche. Elle souligne aussi les difficultés de participer pour certains élèves avec de l’anxiété ou un handicap psychosocial, et donc le caractère discriminatoire des évaluations sur la participation orale.

Crovasce évoque également des difficultés accrues pour socialiser ainsi provoquant une augmentation de l’isolement, qui peut déjà être prépondérant chez les personnes vivant avec un handicap. L’étudiante anonyme a elle aussi souffert de l’isolement lié à la pandémie, ce qu’elle juge avoir aggravé ses problèmes de santé mentale.

Un système d’évaluation plus adapté

Seffar affirme que les cours en ligne ont changé la façon dont les élèves sont évalués. Les examens sont maintenant moins chronométrés, au profit d’un étalement sur plusieurs jours, ce qui donne plus de temps pour s’organiser, abaissant à la fois la charge de travail et de stress. Ces nouveaux types d’examens demandent également beaucoup moins de « par cœur » que lors de ceux en salle, ce qui était très difficile selon elle pour les étudiant.e.s ayant des troubles d’apprentissage.

Ce mode d’examen convient mieux à beaucoup d’étudiant.e.s, même ceux.celles qui n’ont pas de handicap. Des dissertations, des projets de recherches, des examens à livre ouvert ou d’autres travaux du même acabit sont en effet plus utiles pour comprendre, réemployer et retenir la matière, selon les étudiant.e.s interrogé.e.s.

Des changements demandés depuis longtemps par les personnes handicapées

Beaucoup d’activistes pour les droits des personnes handicapées ont noté une certaine hypocrisie dans la transition vers les cours en ligne. En effet, les personnes handicapées demandent depuis des années que les cours soient plus accessibles pour eux.elles, notamment en les enregistrant ou en les rendant disponibles en ligne, et les universités et professeur.e.s ont toujours maintenu que cela n’était pas possible.

La pandémie a prouvé le contraire, des cours plus accessibles ayant miraculeusement vu le jour, souligne avec ironie Robinson. Cela était donc technologiquement possible, mais les universités ont dû y être contraintes pour les mettre en place. « À la seconde où une personne valide a le moindre problème, tous les moyens sont mobilisés pour l’accommoder », résume-t-elle, tandis que les universités ont toujours refusé avant la pandémie d’aider les étudiant.e.s handicapé.e.s de cette façon.

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