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Arts et culture

Glorifier le français sur les écrans de cinéma à Ottawa

Culture
28 mars 2021

Crédit visuel : Rika Mpogazi – Contribution

Critique rédigée par Rika Mpogazi – Contributrice

Fondé par l’Institut canadien du film, le Festival international du film d’Ottawa a offert, du 11 au 21 mars, une série de projections cinématographiques. L’événement a réuni les professionnel.le.s de l’industrie, tant au niveau local qu’international lors de sa première édition. Voici un aperçu de quatre productions canadiennes et francophones qui ont été présentées cette année, et m’ont particulièrement interpellée.

Y’a pas d’heure pour les femmes

En 2019, 26 candidats se présentent à la première élection libre depuis l’époque de Ben Ali, l’ancien président tunisien exilé suite aux manifestations du Printemps Arabe. Y’a pas d’heure pour les femmes nous transporte dans un salon de coiffure à Tunis, où se déroulent des discussions animées entre des femmes de tous les âges, qui s’interrogent sur le destin politique de leur pays. 

Parmi celles qui sont engagées en débat, certaines souhaitent enfin voir une femme assumer le rôle de chef.fe d’État. D’autres craignent que le harcèlement et la pression induite par ce poste de pouvoir puissent avoir un effet sur la capacité de gouverner d’une femme. Pourtant, la position exceptionnelle de la femme tunisienne, que la police n’a pas le droit d’interpeller, lui offre les moyens de s’exprimer et de servir comme porte-parole pour la communauté. Une des clientes raconte comment sa belle-mère est même allée jusqu’à la résidence présidentielle pour revendiquer ses droits à un logement mieux maintenu et de meilleures conditions de vie pour elle et son quartier.

« Vive la femme tunisienne ! », s’exclame l’une des coiffeuses pendant le film. Qu’importe les résultats d’élection, les protagonistes de ce court-métrage nous rappellent que l’engagement politique des femmes n’a pas débuté en 2019. 

La saison des hibiscus

La trame sonore du marché, les vendeuses qui cousent, les enfants qui rigolent, les hommes qui se parlent… Là sont les sons de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, qui nous invitent au calme avant la tempête. Réalisé par Éléonore Goldberg, illustratrice d’animation franco-canadienne, La saison des hibiscus peint un portrait nostalgique de la turbulence et la violence marquante dans ce pays africain.

Ce court-métrage illustre le pillage de Kinshasa en 1993, qui a eu lieu lors d’une confrontation entre les fidèles militaires de l’ancien président zaïrois Mobutu Sese Seko et les militant.e.s de la nouvelle démocratie congolaise. Le film se focalise sur la perspective d’une jeune fille française, Rachel. Dans sa voiture familiale, les sons externes sont mués ; nous ressentons les vibrations du drame qui se déroule dans l’arrière-plan, mais la violence civile semble lointaine. Dans sa bulle de protection diplomatique, Rachel est isolée de la réalité qui l’entoure.

À plusieurs reprises, elle nous répète : « Certain.e.s écrivent pour se souvenir. J’ai écrit, et ensuite, j’ai oublié ». Avec du recul, nous nous rendons compte que cela pourrait être le résultat d’un traumatisme subi par Rachel, un fait rendu évident par le manque de détails précis sur les émeutes dans les rues de Kinshasa. 

Delphine

Dès son arrivée à l’arrondissement de Saint-Laurent, au nord de Montréal, il est évident que la jeune libanaise, Delphine, ne se sent pas à sa place. Il lui manque du vocabulaire, des repères culturels, et suffisamment de couches vestimentaires pour supporter le froid de l’hiver et de l’isolement social.

Arrivée au secondaire, Delphine doit faire affaire aux règles de la jungle qui dictent le système scolaire public de la ville. Cette dynamique sociale est illustrée par une rivalité entre elle et une autre fille, Aminata, qui s’arme du même regard intimidant afin se défendre contre la potentialité de se faire intimider. La tension entre les deux finit par éclater de manière explosive et inattendue.

Lorsque Nicole arrive à la même école, Delphine s’écarte. Elle a peur de croiser le regard de quelqu’un qui risque de révéler une vulnérabilité, une jeunesse traumatisante qu’elle essaie d’oublier. Ce nouveau personnage, narratrice omniprésente dans la vie de Delphine, nous fait remarquer qu’il existe « une affaire de blessure d’enfance non résolue », mais que dans la vie d’une adolescente qui ne se sent pas à sa place, « l’introspection, ça n’existe pas, il y a juste la survie ». 

Passages

Réalisé par Sarah Baril Gaudet, originaire d’Abitibi-Témiscamingue, Passages suit la préparation à la vie adulte de Gabrielle et de Yoan, des jeunes qui passent leurs vacances d’été dans l’anticipation et l’angoisse d’une transition de vie. Appuyé par le thème sonore émouvant de la compositrice québécoise Viviane Audet, le film met en lumière le paysage paisible du sud du Québec. 

Dans la région, les client.e.s du restaurant où travaille Yoan le connaissent par son prénom ; à la station d’essence où Gabrielle gagne son salaire d’été, elle reconnaît les sien.ne.s par le modèle de leur pickup.  Dans le contexte témiscamien, le manque d’opportunités d’emplois pour les jeunes les pousse à chercher leur gagne-pain ailleurs dans la province. Le long-métrage dépeint des protagonistes aux objectifs contrastés ; Gabrielle reste convaincue de sa date de retour, alors que Yoan se voit vivre ailleurs à long terme. 

Ce dernier est déterminé à faire le premier pas vers l’indépendance en déménageant à Québec, une ville comparativement plus métropole que la sienne. La ville lui permettrait d’explorer ses choix de carrière et sa sexualité en s’entourant d’autres jeunes québécois.e.s qui s’identifient avec la communauté LGBTQ+. De son côté, bien qu’elle soit déjà étudiante au cégep en éducation spécialisée à Rouyn-Noranda, Gabrielle rêve d’être propriétaire d’une ferme dans sa ville natale. Pour elle, la rentrée marque la triste fin de sa proximité à son chez-soi. 

Ces quatre films francophones abordent des thèmes et des valeurs différents, mais ils valent tous la peine d’être vus, et revus. Dans un contexte linguistique minoritaire comme celui d’Ottawa, c’est une bouffée d’air frais de voir des films francophones à l’affiche. 

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