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Arts et culture

Les autrices ne sont pas autrices sans être femmes

Culture
20 octobre 2021

Crédit visuel : Emmanuelle Gingras – Vidéaste, Courtoisie – Facebook/Tania Langlais/Marianne Duval/ Christian Blais, L’Université du Québec en Outaouais/ Rachelle Bergeron 

Chronique rédigée par Emmanuelle Gingras – Vidéaste

« Livres Gouverneur Général : cinq femmes de la région et de l’Ontario français en lice ». Je m’empresse de partager, sur mon mur Facebook, dans un élan de fierté, presque malgré moi, l’article de Radio-Canada. « Quel exploit ! Des êtres aux mêmes organes génitaux que moi, nominées pour un prix prestigieux », je me dis. Quelques minutes passent, je descends de mes grandes juments ;  être femme, est-ce le critère déterminant pour remporter un prix littéraire majeur ?

Il faut en être fier.e, c’est vrai, ce sont nos auteurs hommes qui ont longtemps été les élus de ce prix prestigieux. Comme l’exprimait Chloé LaDuchesse, l’une des finalistes, il semble y avoir eu de réels efforts de diversification de la part du jury cette année.

Remarquez que je dis « auteur homme». Ça ne sonne pas faux à vos oreilles ? Pour moi aussi. Par contre, « femme autrice de la région », ou pour reprendre les mots réducteurs de Radio-Canada, « femmes de la région », c’est un peu moins contre-instinctuel.

Ce n’est pas la première fois que des autrices sont réduites à leur genre. Il semblerait que l’homme n’a pas à être félicité d’être auteur, car son genre à lui incarne, voire appartient, le domaine de la littérature. On célèbre ses mots, pas son entre-jambes.

Je suis convaincue que Mishka Lavigne, Chloé LaDuchesse, Émilie Monnet, Madeleine Stratford, Tania Langlais ne sont pas devenues des autrices pour devenir femmes, mais bien pour devenir autrices.

Surprise, surprise !

Être autrice en Ontario français et dans la région, ces temps-ci, ce n’est plus un exploit, il s’agit d’une normalité. Oui, la culture franco-ontarienne s’est principalement érigée à partir des écrits d’André Paiement, de Robert Dickson, de Jean-Marc Dalpé, de Robert Bellefeuille ou encore Robert Marinier. Du moins, ce ne sont que les noms dont nous nous souvenons…

Mais, à ce que je sache, nous ne sommes plus dans les années 70. 

Pas besoin d’un Prix Femina pour compenser ! Il suffit d’ouvrir l’œil pour se rendre compte que les femmes sont pratiquement majoritaires à œuvrer dans la région.

On me parlera de compensation, d’équité, d’une façon de rattraper l’histoire alors que nos autrices ont souvent été minoritaires. Peut-être est-ce surtout qu’elles sont passées dans les crevasses du boys club, qu’elles n’ont pas toutes été publiées, ou alors qu’elles n’ont que très peu été étudiées, encore à ce jour.

Ce qui est certain, c’est qu’aujourd’hui, les femmes sont majoritaires dans la maison d’édition régionale Éditions David, pratiquement égalitaires aux Éditions l’Interligne, mais minoritaires à Prise de Parole. Elles sont nombreuses à la tête d’organismes culturels importants et à orchestrer des événements littéraires et à écrire, de façon dévouée, sans nécessairement être publiées.

N’avez-vous pas entendu parler…

Dans la région, n’avez-vous pas entendu parler d’Andrée Lacelle, ancienne poète lauréate de la Ville d’Ottawa ? N’avez vous pas entendu parler de Lisa L’Heureux et de ses mille et une initiatives créatrices dans la région ? De Michelle Lapierre Dallaire, qui a fait partie de la sélection des Libraires en septembre dernier ? De Marjolaine Beauchamp ? De Mélanie Rivet, directrice générale du Salon du livre de l’Outaouais ? 

N’avez-vous pas entendu parler d’Annie St-Jean, de SlamOutaouais, de toutes ces slameuses qui participent aux tournois régulièrement? De Stéfanie Clermont ? N’avez-vous pas entendu parler de Marie-Thé Morin ? D’Esther Beauchemin ? De Miriam Cusson, tout récemment venue de Sudbury pour enseigner au nouveau Conservatoire de l’Université d’Ottawa (U d’O), dominée par de jeunes actrices en herbe ? N’avez-vous pas entendu parler d’Anne-Marie White ? D’Anne-Marie Ouellet ? De toutes ces enseignantes au Département de lettres françaises et de théâtre à l’U d’O ?

De Djennie Laguerre, qui vient d’ailleurs tout juste d’être nommée artiste associée avec le Théâtre de la Vieille 17 ? Que dire de toutes ces femmes qui travaillent pour Théâtre Action? De Paulette Gagnon? De Danielle Le Saux-Farmer qui apporte une perspective féministe et diversifiée à Ottawa, sous sa direction artistique à La Catapulte ? D’Emily Marie Seguin ? De Catherine Voyer-Léger ? D’Élaine Juteau ? De Jesse Schnobb ?

Je n’en nomme que quelques-unes Est-ce que, comme le « il » de notre langue française sexiste, l’homme est maître de l’art même quand le « elle » domine dans les chiffres ?

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