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Éditorial

Mieux-être ou mieux paraître, telle est la question

Rédaction
27 janvier 2020

Crédit visuel : Loïc Gauthier Le Coz – Photographe 

Par Caroline Fabre – Rédactrice en chef

Si vous avez eu l’occasion de vous promener sur le campus de l’Université d’Ottawa (U d’O) dernièrement, vous avez, sans aucun doute, remarqué les grands panneaux jaunes annonçant « du 20 au 24 janvier, joignez-vous à nous pour la Semaine du mieux-être ! ». 

À quel point l’Université est-elle réellement impliquée dans le bien-être de ses étudiant.e.s ? L’équipe de La Rotonde s’est penchée sur la question. 

Cas particulier ?

À l’heure où l’anxiété touche des millions d’étudiant.e.s à travers le monde, la question du bien-être universitaire demeure primordiale. Ces académies font-elles leur maximum afin de faciliter la vie de leurs élèves, ou d’apporter des solutions à leurs divers problèmes ? 

Victoria Romero-Garcia, étudiante en deuxième année de sociologie à l’U d’O, n’est pas de cet avis. Après une tentative de suicide en septembre dernier, la jeune femme s’est rapidement vue exclue de la résidence dans laquelle elle vivait sur le campus, sous prétexte que son comportement avait un impact négatif sur les autres résident.e.s.* 

Dans une situation déjà bien assez complexe, Victoria n’a eu que trois jours pour trouver un nouveau logement, avant de se trouver à la rue. Bien qu’elle ait contacté le service de logement disponible sur le campus, aucune solution ne lui a été offerte ; que des paroles culpabilisantes et moralisatrices. Est-ce ainsi que la plus grande université bilingue (française-anglaise) du monde choisit de s’occuper de ses étudiant.e.s en détresse ? En les marginalisant plutôt qu’en choisissant de les aider ? Quelle belle image.

Professionnel.le.s de santé

Nous avons refusé de voir la réalité telle qu’elle est assez longtemps. Le système de santé mentale mis en place à l’U d’O ne fonctionne que peu, voire pas. Les critiques perdurent ; les temps d’attente pour consulter des spécialistes sont démesurément longs, et les rencontres sont jugées inefficaces par bon nombre d’étudiant.e.s. 

Les ressources mises à disposition par l’Université sont-elles suffisantes ? Vous vous doutez bien que la réponse est non. Avec seulement deux psychiatres pour pas loin de 42 000 étudiant.e.s en 2018, selon le site de l’Université, il est logique que les délais soient de plusieurs mois. Il serait peut-être temps de mettre à profit le surplus budgétaire de 69,77 millions de dollars de 2018. 

Il en a été de même pour les activités organisées durant cette semaine du mieux-être. Comme nous l’a confié Maya Venne-Gareau, étudiante en sociologie et en géographie, les premières disponibilités pour les rendez-vous de reiki et de gestion de stress n’étaient pas avant la mi-février 2020.

Mylène Bour­geois, également étudiante à l’U d’O, avait partagé avoir attendu des mois pour s’en­tre­te­nir avec un psychiatre, pour ne pouvoir lui parler que quelques minutes, et se voir prescrire les mauvais médicaments. Efficace.

Les services liés à la santé mentale proposés sont insatisfaisants. Un groupe d’étudiant.e.s a lui-même eu à créer le Collectif pour la santé mentale uOttawa, afin de chercher et de mettre en place des initiatives au sein de l’U d’O. 

Semaine dédiée

Laissez-nous émettre notre scepticisme par rapport à cette semaine du mieux-être, initiative pourtant honorable mise en place par l’U d’O. Sur papier, tout semble attrayant ; des sessions de méditation, de mini-massages, de la zoothérapie, ou encore du reiki ont été proposées pendant la semaine. Mais qu’en est-il de la réalité ? 

Pour reprendre les dires de notre cher recteur, Jacques Frémont, la santé mentale, ce n’est pas juste une semaine par an. Et nous sommes bien d’accord. Mais pourquoi, monsieur le recteur, n’organisez-vous donc qu’une seule semaine consacrée à cela, sur un an complet ?

Et encore, le terme semaine nous semble légèrement inapproprié, puisqu’il s’agit en réalité de quatre jours. Peut-être parce que c’est trop de travail, trop de logistique ou trop de choses à mettre en place. Ou serait-ce juste une bonne façon de redorer votre blason, de bien paraître, après la vague de suicides que l’Université a subie en 2019 ? 

Nous ne sommes pas dupes

Il serait temps de montrer un minimum d’implication, et de se préoccuper réellement de la communauté étudiante de l’U d’O. L’Université dit nous entendre, mais est-ce-qu’elle nous écoute vraiment ?  

Alors oui, il est bien beau de promouvoir une semaine basée sur le mieux-être, mais mettre des choses en place, réaliser des actes concrets, sur la durée, ce serait surement plus efficace. Nous ne sommes pas que des numéros étudiant.e.s, pas que des chèques qui rentrent chaque semestre. 

Présenter ses condoléances, envoyer ses hommages, sont des actes bien plus simples, certes, mais bien moins utiles que de proposer des solutions. Nous avons été choqués de constater que les quatre courriels annonçant des décès en 2019 étaient les mêmes. L’Université n’a-t-elle pas assez d’intérêt, ou tout simplement de temps à consacrer à la personnalisation de ces lourds messages ? Il en est de même pour l’illustration de la semaine du mieux-être ; elle est identique à celle de 2019.

« Tout le monde a son rôle à jouer dans le mieux-être, et que nous pouvons y arriver en prenant soin de soi-même, l’un.e et l’autre », a dit Frémont. Ces paroles sont-elles, encore une fois, des paroles énoncées dans le vent ? Est-ce, encore une fois, une question de paraître ?

Il faut agir maintenant. Il est temps de prendre soin de nous, monsieur Frémont.

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