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3 questions pour comprendre : l’islamophobie

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11 février 2019

Par Miléna Frachebois

Prof : Noomane Raboudi

Professeur d’études politiques spécialiste de l’Islam

Pouvez-vous définir l’islamophobie ? Comment se traduit-elle dans la vie de tous les jours ?

La définition est encore en débat. Depuis quelques années, il a subi toute une manipulation idéologique. Je ne dirais pas qu’il est maintenant un concept flou car il garde quand même le sens de la racisation, le sens d’une position racisée de l’Islam et des musulmans. Il a gardé cette dimension de mépris envers l’identité, les valeurs et même la personne musulmane. Dans les dernières années, certains courants islamistes se sont emparés du concept et ils ont commencé à le manipuler de façon à discréditer toutes critiques légitimes contre l’islamisme. Il a gardé les deux sens, mais cela dépend de qui l’utilise et quelles sont ses intentions.

Pourquoi ce concept est-il d’actualité malgré des racines plus anciennes  ?

Nous sommes dans une situation où les identités reviennent : on est en train de vivre une sorte de démondialisation, les nationalismes reviennent. Ces nationalismes sont toujours fondés sur une différenciation, un besoin de différenciation, sur un besoin de tracer la ligne entre le « nous » et le « eux ». Cela revient en Occident. Les crises économiques aggravent les crises identitaires. Tout cela a produit un discours populiste qui est toute une stratégie de mobilisation sur une sorte de chasse à la sorcière. Dans ce contexte-là, le musulman, surtout occidental, est devenu quasiment l’accusé idéal parce qu’il est la figure presque parfaite de l’altérité, à cause de ce que fait l’islamisme, à ne pas confondre avec l’Islam.

Quel est le problème de l’islamophobie dans nos sociétés et politiques actuelles ?

Premièrement, c’est utilisé pour justifier des discriminations contre les musulmans (au niveau de l’emploi, des hébergements, etc.) C’est utilisé pour justifier un discours raciste contre eux, c’est utilisé pour renforcer les thèses des populismes et pour faire de la mobilisation politique pour eux. C’est étudié pour les enlever de leur identité, ils ne font pas partie du « nous ». Pourtant ils travaillent, ils produisent de la richesse, ils paient leur impôts. C’est tellement ingrat de dévaloriser tout le travail que les musulmans font dans toutes les sociétés occidentales. Il y a un problème de reconnaissance et cela c’est très dangereux, surtout pour les jeunes qui sont fragiles. Ils vont donc être une proie facile à la mobilisation djihadiste. On est dans un cercle vicieux.

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