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Éditorial

Ce qui anime le journalisme étudiant

Rédaction
28 janvier 2019

Éditorial

Par Mathieu Tovar-Poitras – Rédacteur en chef

En tant que membre d’un journal étudiant, on se fait parfois demander quelle est l’importance de ce que nous faisons. Pour être entièrement honnête, c’est difficile d’y répondre. Non pas parce que l’on n’a pas de réponse, mais plutôt parce qu’on semble avoir de la difficulté à trouver les mots justes pour expliquer le sens de notre travail.

Parfois vu de haut par les grands journaux, parfois sous-estimé par les organisations et les institutions de sa communauté, le journalisme étudiant agit et existe pour les intérêts des étudiants eux-mêmes. Il agit comme chien de garde des institutions pour les tenir responsables. En agissant tel un contrepoids, un journal étudiant permet en quelque sorte de faire le pont entre la population étudiante et l’administration, qu’elle soit de l’université ou des associations étudiantes.

La beauté de ce médium réside toutefois dans ce qui anime les personnes qui décident de s’y lancer. Pourtant, à première vue, ce ne sont pas les incitatifs qui se bousculent. On va se dire les vraies affaires : le salaire n’y est pas élevé, la charge de travail peut être étouffante, la conciliation avec les études peut venir à bout de certains et peu sont ceux qui verront leur travail être reconnu dans la communauté.

Malgré tout, ils sont là, ces journalistes étudiants. Pour comprendre pourquoi, il ne faut pas examiner les raisons pour lesquelles ils ont décidé de faire partie d’un tel journal, mais plutôt pourquoi ils y sont restés.

Ces personnes ont une volonté de trouver la vérité, de demander des comptes, d’informer leur communauté. Ils racontent toute l’histoire et ont décidé de pousser cette motivation pour la collectivité. Un journaliste étudiant passera d’innombrables heures à travailler sur des articles et des dossiers quitte à parfois s’absenter d’un cours ici et là. Il lui arrivera de ressembler à un raton laveur après des nuits blanches. Souvent, il se remettra en question.

Pourtant, il continuera, parce qu’à chaque fois, sa quête d’informer agira comme moteur à sa motivation.

C’est ce qu’on développe en travaillant dans un journal étudiant et c’est un aspect de notre vie qui sera constamment mis à l’épreuve par une panoplie de frustrations. « Le journalisme consiste pour une large part à dire Lord Jones est mort à des gens qui n’ont jamais su que Lord Jones existait », avait déclaré Gilbert Keith Chesterton. Cette citation résume une des frustrations inhérentes du travail, l’impression d’être une vague solitaire dans une mer calme.

Un tel ressentiment peut provoquer une pente fatale qui débute en internalisant une vision se résumant à la simple phrase « Et alors ? Personne ne nous lit de toute manière. » Le danger de se répéter ces mots est qu’on peut finir par y croire. Si on arrive à ce point-là, que se passera-t-il ? Certains pourraient essayer de briser ce mirage d’inertie en se mettant à créer la nouvelle au lieu de la rapporter, un mouvement dangereux aux yeux des dérapages éthiques qui peuvent survenir. D’autres pourraient au contraire baisser les bras et devenir complaisants face à la rigueur et la qualité de leur travail et ainsi effriter la volonté qui les a pourtant animés au début.

Les récentes annonces du gouvernement ontarien représentent un défi à ce niveau, considérant qu’en retirant les garanties de financement des médias étudiants par l’entremise des frais auxiliaires, elle fragilise une charpente déjà précaire des journaux étudiants de la province. Les doutes quant au futur de ces institutions ont créé un brouillard au-dessus du journalisme étudiant qui pourrait remettre en question la volonté d’y rentrer, en ne sachant pas ce que l’avenir réserve au secteur.

Mais une telle instabilité ne devrait pas pouvoir exister, considérant la nature essentielle des médias étudiants. Ils sont une partie intégrante et dynamique de la communauté universitaire. Ils demandent des comptes et n’ont pas peur de le faire. Tout récemment, The Eyeopener de l’Université Ryerson dévoilait des allégations de malversations financières, totalisant près de 250 000 $, par des membres de l’exécutif du syndicat étudiant. Ce type de dossier est un rappel sans équivoque de l’importance et la pertinence des journaux étudiants, qui sont les seuls médias à suivre les activités quotidiennes de leur campus.

En mettant en doute la subsistance de ces organisations, on retire par le fait même la garantie à la population étudiante que quelqu’un agira pour leurs intérêts en cherchant la vérité et en demandant des comptes à tout le monde.

Et qui sera sur le terrain à poser des questions ? Des étudiant.e.s qui, en tant que journalistes, connaissent l’importance de leur travail dans la société. Dans bien des cas, ces jeunes le feront par simple volonté. La beauté du journalisme étudiant est la pluralité des personnalités qui y œuvrent, chacun avec des champs d’intérêts propres à leur personne.

Parce que c’est ça aussi un journal étudiant. C’est commencer à y participer sans nécessairement avoir d’ambitions en journalisme, mais parce qu’on s’intéresse à un domaine particulier, comme les sports et les arts. À force de s’impliquer, on cultive au fur et à mesure le désir d’en faire sa profession. C’est une institution où l’on encourage la prise de risques et à aller au-delà de sa zone de confort. Dans cette optique, il est naturel que l’on fasse des erreurs. C’est une réalité sous-jacente à l’apprentissage et la découverte dans ce milieu qu’il faut assumer pour en tirer des leçons.

Une de ces leçons est que l’on ne peut véritablement savoir que si on l’a essayé.

C’est ce que la quarantaine de journaux étudiants en Ontario feront. Ils essaieront et s’acharneront pour faire face à l’incertitude qui plane. Ils essaieront de maintenir le cap et iront jusqu’où la force de leur volonté les mènera.

C’est là une autre leçon qu’apprend toute personne dans un journal étudiant.

Celle de ne jamais abandonner.

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