Par Clémence Roy-Darisse – Cheffe du pupitre Arts et culture
Les thérapies par les arts peut prendre plusieurs formes, notamment celle de la musicothérapie. Comment décrire cette pratique ? La Rotonde s’est penchée sur la question avec la musicothérapeute et directrice du Département des thérapies par les arts de l’Université Concordia, Guylaine Vaillancourt.
La Rotonde (LR) : Pouvez-vous présenter votre parcours en musicothérapie ?
Guylaine Vaillancourt (GV) : J’ai commencé le piano à 6 ans, j’ai une formation classique […]. Ensuite, j’étais pas sûre si je voulais aller faire un cégep en musique tout de suite donc je suis allée en technique infirmière. […] J’ai travaillé comme infirmière mais la musique me manquait, je travaillais dans les soins intensifs, je trouvais [...] qu’il y avait tout le côté émotionnel qui pourrait aider mes patient.e.s puis je trouvais que la musique ça pourrait être un moyen intéressant […].
Je suis retournée au cégep faire mon attestation en musique, je suis allée faire un baccalauréat en musicothérapie puis j’ai travaillé en soins palliatifs comme musicothérapeute. J’ai ouvert le premier service de musicothérapie, en 1990, à l’Hôpital Notre-Dame à Montréal, ensuite je suis allée étudier à l’Université de New York pour faire une maîtrise en musicothérapie […].
J’ai travaillé à New York dans des centres communautaires en santé mentale. […] J’ai commencé l’enseignement en musicothérapie en 2001 […]. Je suis allée faire un doctorat en musicothérapie aux États-Unis.
LR : Qu’est-ce qui vous a poussé à faire ce parcours ? Pourquoi avoir choisi la musicothérapie ?
GV : C’est l’amour de la musique, c’est comment la musique m’a aidé dans ma vie comme adolescente, comment elle m’a toujours accompagnée. […] Mais c’est aussi pour travailler avec les patient.e.s, se rendre compte que, oui, on pouvait apporter quelque chose [pour eux], c’est aimer être dans le domaine médical et l’amour de la musique.
LR : Pouvez-nous résumer cette pratique en quelques phrases ?
GV : La pratique de la musicothérapie c’est l’utilisation de la musique à des fins thérapeutiques […]. Elle est pratiquée par des professionnel.le.s qui ont été formé.e.s spécifiquement. […] On est tout.e.s musicien.ne.s mais ont est formé comme thérapeutes, on a deux formations […].
La musicothérapie nous permet de travailler avec des personnes […] qui vivent des conditions physiques, […] enfants ou adultes, des problématiques psychosociales ou en santé mentale. Ça nous permet de les accompagner à travers la musique […]. S’exprimer, créer, trouver une place où [ils sont] encore créatifs […], malgré la maladie. C’est une pratique qui est créative mais qui est aussi très rigoureuse au niveau professionnel.
LR : Comment se déroule une séance type ?
GV : On fait toujours une évaluation initiale […]. On rencontre la personne, on voit un peu c’est quoi ses forces, les points qu’elle aurait à travailler. Aussi, on s’informe du point de vue musical : c’est quoi son bagage […] ?
On fait un peu le tour ; côté physique, est-ce qu’il y a des limitations ? Côté psychologique, est-ce qu’il y a une capacité d’exprimer les émotions ou pas ? Côté cognitif […], est-ce qu’il y a des problèmes de mémoire à long terme, à court terme, des problèmes d’apprentissage […] ?
Je dis ça rapidement mais on regarde chaque domaine […]. Ensuite, on va établir un plan d’intervention […]. Une fois le plan d’intervention établi, on va choisir les méthodes actives ou réceptives puis à chaque semaine on écrit des notes au dossier puis on fait des rapports.
LR : Comment la musicothérapie peut-elle contribuer à réduire la détresse psychologique ?
GV : On peut utiliser des ateliers de gestion du stress ou de gestion de l’anxiété. On peut utiliser des ateliers d’improvisation instrumentale ou vocale, on travaille beaucoup avec la voix. On peut créer des groupes de chant, des places où il n’y a pas de demande sur eux, où ils peuvent déconnecter […]. Une place où ils peuvent créer, s’exprimer, être en relation avec les autres, faire diminuer la tension grâce à la musique.
Des groupes comme ça peuvent être fait dans les universités mais c’est important que ces groupes-là soient animés par des thérapeutes […] qui peuvent ensuite référer. C’est important d’installer un environnement qui est sécuritaire au niveau psychologique.
LR : Comment la musicothérapie peut favoriser la socialisation, l’expression des émotions ?
GV : C’est une place pour se retrouver, créer des appartenances. Si on fait des groupes chaque semaine, par exemple, si on utilise la musique pour l’expression, ça peut être des percussions, des tambours […]. Ça donne une chance de s’exprimer musicalement sans les mots, parce que les mots, parfois, traduisent pas ce qu’on ressent […], ça diminue la tension et ensuite ça permet d’ouvrir .
LR : Pourriez-vous nous résumer les principales techniques de musicothérapies que vous utilisez ?
GV : Pour l’instant, je travaille plus en musique et imagerie guidée, la méthode de Bonny […]. C’est une approche qui utilise principalement les méthodes réceptives […].
Pendant que la personne écoute la musique elle a parfois des images, du visuel, des émotions qui remontent. Elle nous dit donc ce qu’elle ressent, ce qu’elle voit puis à partir de ça, nous, on l’accompagne. […] Je donne aussi des ateliers de mentorat […], j’utilise plusieurs méthodes.
LR : Quelles sont les principales recherches en ce moment en musicothérapie ?
GV : On a de la recherche dans tous les domaines mais je vous dirais on en fait sur l’autisme ; les groupes de chant avec des adultes autistes, notamment. Aussi, de la recherche en réadaptation physique […], en néonatalogie avec des bébés prématurés […], en santé mentale […]. Aussi il y a de la recherche […] en musicothérapie communautaire.
LR : En quoi l’art peut agir comme thérapie et comme outil de bien-être selon vous ?
GV : Je veux faire la différence ; la musique, les arts, ça peut être thérapeutique […]. On peut se ressourcer […] mais la musicothérapie c’est une autre chose, ça implique un.e thérapeute.
Ça peut être un outil de bien-être en général ; les arts dans notre vie mais avec la musicothérapie on parle plus d’un.e professionnel.le […] qui peut contribuer à la progression de la qualité de vie.
Pour plus d’informations :
Association canadienne de musicothérapie : https://www.musictherapy.ca/fr/accueil/
Département des thérapies par les arts de Concordia : http://www.concordia.ca/finearts/creative-arts-therapies.html