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Sports et bien-être

Au-delà du miroir : les « imperfections » de l’industrie cosmétique

Crédit visuel : Sophie Désy — Photographe

Chronique rédigée par Ismail Bekkali — Journaliste 

La fin des examens a sonné l’aboutissement d’un long combat, alors que les cernes habitant mon visage témoignent de cette bataille. La période de convalescence qui s’en est suivie a été imprégnée par le repos, les grasses matinées et les effets relaxants des masques pour le visage. Sous l’influence d’autres adeptes, j’ai découvert les vertus thérapeutiques d’une routine skincare, mais aussi les dessous de ce culte.

Au-delà de ses bienfaits pour l’épiderme et la santé mentale, commencer à prendre soin de son visage revient aussi à accepter de faire partie d’une communauté qui s’évertue à trouver la routine parfaite, dans le but d’avoir une peau immaculée. 

Chacun.e développe sa propre combinaison de produits miracle en fonction de son type de peau, et exerce donc son rituel différemment. Ce qui, théoriquement, peut sembler ordinaire, révèle en réalité un défaut inhérent au marché commercialisant ces produits. 

Naviguer dans un océan cosmétique 

Ayant été nouvellement initié au skincare, je me suis trouvé perdu face à une gamme innombrable d’articles en tout genre. En dépit des conseils éclairés de connaissances plus expérimentées, chaque recherche sur un soin particulier aboutissait à des conclusions nébuleuses ou des avis divergents pouvant énoncer tout et son contraire. 

J’ai toutefois réussi à déterrer la certitude que le marché des produits cosmétiques était saturé. Bien que certains produits semblent faire l’unanimité, j’ai constaté que d’autres perdaient rapidement en popularité après quelques semaines. 

Le marketing entourant cette industrie n’en devient que plus risible lorsqu’il s’appuie sur des personnalités publiques pour diffuser ses publicités sur les réseaux, où les produits, tour à tour présentés comme des « incontournables », finissent par être critiqués, révélant ainsi toute l’ironie de ce commerce. 

Le poids des mots dans l’industrie cosmétique 

Ces observations m’ont conduit à une réflexion plus académique sur la commercialisation en soins cosmétiques et sur les raisons qui pourraient expliquer ses contradictions. 

Le fonctionnement de la publicité consiste à valoriser les bienfaits d’un article en rabaissant les imperfections qu’il est censé corriger. Bien que peu de personnes soient totalement convaincues par ce message, il est difficile de nier les valeurs qu’il véhicule : en affichant constamment une femme prenant soin de sa peau à l’écran, les publicités des produits cosmétiques expriment la réalité genrée de cette industrie. La publicité dresse donc l’idéal féminin d’une peau parfaite et avilit les signes naturels témoignant de son vieillissement. 

En gardant cette idée à l’esprit et une fois que j’ai remarqué l’importance du vocabulaire mercantile employé, le fonctionnement de ces campagnes est devenu évident. Il sera toujours question de guérir la peau. Peu importe s’il s’agit de « réparer », « raffermir », ou « restaurer », l’accumulation des termes commençant par « re- », laisse supposer que chaque pli, ride, ou rougeur de la peau doit être corrigé. 

Certain.e.s ont beau clamer s’être affranchi.e.s de ce diktat, la culpabilité qu’engendre la publicité est aujourd’hui appuyée par un lexique savant confirmant les bienfaits du produit. 

De plus amples recherches sur les notices des produits cosmétiques révèlent la vacuité des déclarations supposément « scientifiques ». Si certaines ne sont pas fausses, elles sont en contrepartie intentionnellement vagues. L’efficacité de l’article serait « approuvée scientifiquement » par un.e chercheur.euse en blouse blanche, tandis que l’actrice à l’écran se voit libérée de tous ses tourments, et affiche niaisement un sourire de béatitude. 

En tout état de cause, la publicité crée une réalité dans laquelle le.la consommateur.ice veut se projeter, que ce soit pour des articles cosmétiques ou non. L’industrie cosmétique nourrit donc l’idéal d’une peau parfaite, justifiant le dépit que peut provoquer les « imperfections » naturelles de la peau par un discours axé sur la santé. 

Le culte d’une peau éternellement jeune en devient l’exemple le plus connu, mais ironiquement aussi le plus contradictoire. Peu importe le nom du produit concerné, l’ajout des mots « anti-rides » ou « contre le vieillissement » ne fait qu’accroître l’absurdité de ce diktat esthétique. En ce sens, les marques cosmétiques incitent implicitement leurs consommateur.ice.s à désirer un idéal surnaturel, comme si l’achat d’une crème pour le visage permettrait de ralentir la mort.  

Savoirs et influences pour une consommation éclairée 

Quand bien même ce genre de publicités se raréfient et ciblent une audience plus âgée, je ne peux m’empêcher de remarquer une obsession similaire chez une tranche d’âge plus jeune. Le vocabulaire a été altéré, et la vieillesse n’est plus directement ciblée, mais le même idéal de beauté demeure. Ici, il n’est plus question de « réparer », mais bien de « préserver » la jeunesse de sa peau, voire de la parfaire afin de la débarrasser de tout défaut. 

Avec cette nouvelle conscience généralisée vient l’apprentissage de terminologies dermatologiques ou de composés chimiques dont je ne soupçonnais même pas l’existence. Les noms de substances telles que la vitamine C ou l’acide hyaluronique peuvent certes effrayer les non-initié.e.s, mais leur popularité croissante témoigne d’un savoir de plus en plus démocratisé, et d’une réappropriation du domaine. 

S’informer sur les composants des produits cosmétiques, c’est savoir faire un choix plus ou moins éclairé parmi une infinité d’articles aux prix trop souvent exorbitants. J’ai beau avoir critiqué le marketing cosmétique sur plusieurs paragraphes, j’avoue avoir trouvé une satisfaction non négligeable dans la découverte de ce milieu.

Plus qu’une tendance médiatisée ou un marché saturé, avoir une routine des soins de la peau implique de favoriser un bien-être personnel. En ce sens, il serait vraisemblablement nécessaire de s’interroger sur les produits que l’on consomme, mais aussi les influences nous poussant à les acheter.

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