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Éditorial

Quand les choses vont de mal en pis

Rédaction
21 janvier 2019

Éditorial

Par Mathieu Tovar-Poitras – Rédacteur en chef

 

La diversion en politique est chose courante. Combien de fois est-ce que des annonces controversées passent sous le tapis grâce à des événements qui détournent l’attention ? On en voit avant des élections. Rappelez-vous du gouvernement Couillard qui, une semaine avant le déclenchement des élections, a fait 37 annonces, selon Le Soleil.

Cette stratégie peut faire passer sous silence des développements que les stratèges politiques jugent à risque de faire perdre des points à un parti. Si elle fonctionne, les répercussions péjoratives seront absorbées plus facilement. Mais si on s’y prend maladroitement, l’image politique en prend tout un coup. On n’a qu’à penser aux effets de l’échec de l’Accord du lac Meech sur le gouvernement Mulroney.

Plus récemment, le gouvernement ontarien a annoncé une réduction de 10 % des frais de scolarité des étudiants collégiaux et universitaires, et ce dès septembre prochain. Les progressistes-conservateurs estiment que c’est en moyenne 340 dollars qui resteront dans les poches d’un étudiant au collège, tandis que le montant grimpe à 660 dollars pour un étudiant universitaire de premier cycle en arts et en sciences. À première vue, l’étudiant moyen va s’en réjouir. Économiser quelques centaines de dollars, qui dirait non ?

Mais c’est trop beau pour qu’il n’y ait pas autre chose derrière cette annonce. Qu’essaye-t-on de monnayer et de faire avaler avec cette initiative ?

Il n’a pas fallu attendre longtemps pour avoir les réponses à cette question : des coupures importantes au Régime d’aide financière aux étudiantes et étudiants de l’Ontario (RAFÉO) ainsi que l’obligation des institutions de rendre optionnelles les cotisations additionnelles visant entre autres les syndicats et médias étudiants.

Réduire et éliminer

Le système du RAFÉO actuel vise à élargir l’admissibilité au programme ainsi que l’accessibilité aux études postsecondaires. L’annonce de la ministre Fallerton de restaurer les niveaux de financement de 2016-2017 et d’éliminer la gratuité des frais pour les étudiants à faible revenu s’inscrit dans la lancée de son parti à faire des pas de recul. Dossier francophone, le programme d’éducation sexuelle, clairement à Queen’s Park on aime vivre dans le passé. L’ironie est que tout est fait par un parti s’étiquetant officiellement comme étant progressiste.

Concrètement, les changements au RAFÉO baisseront le seuil d’admissibilité pour que l’aide aille aux familles dont le revenu ne dépasse pas 140 000 dollars, remplacer la gratuité pour certains par une partie des subventions sous forme de prêts ainsi que l’abolition de la période de grâce de six mois sans intérêts. Ce dernier changement vise une initiative qui se voulait conciliante pour permettre aux étudiant.e.s d’acquérir une certaine stabilité avant que les taux d’intérêt rentrent en jeu. C’est quand même un geste paradoxal par un gouvernement qui cite le remboursement de sa dette pour pousser sa jeunesse et son futur à s’endetter plus rapidement.

En plus du RAFÉO, les institutions elles-mêmes se verront privées d’une partie de leurs subventions. Il ne faudra pas être trop surpris lorsqu’elles annonceront des coupures en citant cette annonce gouvernementale comme étant ce qui les oblige à agir de la sorte. On entend parler à gauche et à droite de la question budgétaire à l’Université d’Ottawa. Il sera intéressant de voir si ces changements seront un sujet soulevé par l’administration lors des probables négociations avec l’Association des professeurs à temps partiel de l’Université d’Ottawa.

Un manque à gagner

Autre volet du projet conservateur, l’intention de rendre optionnel des frais accessoires aux frais de scolarité soulève diverses inquiétudes vis-à-vis l’existence des institutions et services bénéficiant de ces subventions. D’un côté, l’accumulation de ces montants peut représenter une somme non-négligeable d’économies pour certains. Mais d’un autre côté, on réduirait l’importance de ces organismes qu’à une question de quelques dollars. Pourtant, on parle de services importants pour la communauté ainsi que d’emplois majoritairement occupés par des étudiants.

Dans le milieu uottavien, certaines personnes ont commencé à cibler la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FÉUO) comme exemple d’organisme pour laquelle le fait que la participation aux frais devienne optionnelle est réjouissante. Après les scandales ayant frappé l’institution, peut-on leur en vouloir ? Que feriez-vous si vous étiez à leur place ? Vous penserez probablement deux fois avant de payer des frais à un syndicat dans lequel vous n’avez pas confiance.

Certes, on peut s’opposer moralement à une telle décision individuelle, mais cette action est une réponse rationnelle. Toutefois, il ne faut pas limiter ces frais qu’à la FÉUO, il faut prendre le temps d’évaluer la situation dans son ensemble. Ensuite, faites ce que vous voulez avec votre argent, mais prenez au moins le temps d’évaluer l’impact de votre décision sur l’ensemble de la communauté.

On savait que les choses allaient changer après que La Rotonde ait dévoilé le 9 août dernier des allégations de fraude au sein de la FÉUO. On pouvait prévoir que le contexte qui suivrait serait rempli de contestations et que le futur serait incertain, mais les développements des six derniers mois ont accru de manière exponentielle la précarité de toutes les institutions étudiantes sur le campus.

Avec un référendum qui approche à grands pas, l’incertitude pèse plus lourd que jamais sur le campus. L’apathie générale devra céder la place à un mouvement uni qui fera front commun face aux défis à venir. Si tout est une question de finances pour le gouvernement, il est temps qu’on leur en donne pour leur argent.

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