
Controverse autour du projet Lansdowne 2.0 de la ville d’Ottawa
Crédit visuel : Élodie Ah-Wong— Directrice artistique
Article rédigé par Sandra Uhlrich — Journaliste
Un plan concernant l’avenir du complexe sportif et événementiel de Lansdowne a été récemment adopté par le conseil de ville. Celui-ci prévoit de remplacer les gradins Nord du site qui abrite actuellement le Centre Civic (la patinoire), et de construire un nouveau centre événementiel à côté de l’actuel terrain. Plusieurs personnes s’étaient opposées à ce projet, soulignant un manque de transparence et des projections budgétaires irréalistes.
Le Parc Lansdowne accueille actuellement de nombreuses équipes sportives, telles que la Charge d’Ottawa, équipe féminine professionnelle de hockey, mais aussi des équipes de hockey junior, de soccer, de football et de basketball. C’est également là que se jouent plusieurs matchs iconiques des Gee-gees de l’Université d’Ottawa contre les Ravens de l’Université Carleton, tels que le Match Panda(football), la Classique Colonel By (hockey) et la Classique de la Capitale (basketball).
Lansdowne à travers les années
Le projet Lansdowne 2.0 propose de construire de nouveaux gradins au nord, et de construire une nouvelle patinoire (centre d’évènement). Il a officiellement été adopté le 7 novembre dernier, lors d’une séance extraordinaire du conseil de ville. Cela s’inscrit dans une série de modifications majeures du site depuis les années 2000.
À l’origine, le site se composait surtout de stationnements. En 1967, le Civic Center Arena est construit et devient alors la patinoire historique des 67 d’Ottawa, en plus de servir de gradin pour le site de football/soccer adjacent.

À la fin des années 2000, un partenariat entre la ville et Ottawa Sports and Entertainment Group (OSEG) a permis de mettre sur pied un projet de revitalisation de Lansdowne (Lansdowne 1.0). Ce projet de construction a donné naissance à de nouvelles zones commerciales, à une patinoire réfrigérée extérieure, à de nouveaux gradins Sud, et à des espaces verts à la place des stationnements.
Le centre Civic est quant à lui resté tel quel. Or, aujourd’hui, la patinoire n’est plus aux normes actuelles du bâtiment, en particulier en termes d’accessibilité.

Le projet de Lansdowne 2.0 vise donc à corriger ces éléments, en plus d’ajouter deux tours résidentielles. Il prévoit la construction du nouveau centre d’évènement d’ici 2028, des nouveaux gradins d’ici 2030, et des tours résidentielles aux alentours de 2034.

Un projet aux géométries variables
Le projet demeure cependant très contesté, principalement en raison d’un budget jugé non réaliste pour plusieurs.
Selon la ville, le projet devrait coûter près de 418$ millions avec un coût endossé par la ville de 130.7$ millions. L’auditeur général d’Ottawa a signalé une possible sous-estimation des coûts réels et évalue la marge d’erreur à près de 77$ millions, élevant les coûts totaux du projet proche de 500$ millions. Le groupe Better Lansdowne avance pour sa part le chiffre de 694$ millions, incluant le remboursement de la dette.
Jeff Leiper, conseiller municipal de Kitchissippi, déplore le manque de transparence concernant les finances de ce projet. Il souligne notamment que les revenus estimés, censés contrebalancer une partie des coûts, restent flous et semblent surévalués : « Beaucoup de ces revenus compensatoires sont incertains et il n’y a aucune garantie qu’ils se concrétiseront. » Par revenus compensatoires, il fait allusion à ce qui permettait de faire passer la facture d’environ 418$ million à 130$ millions, comme le présente la ville.
Comme l’explique le professeur Ian Lee, de l’Université Carleton, le moteur du projet semble être la nécessité de rendre rentable le partenariat entre OSEG et la ville d’Ottawa. En effet, il rappelle que la nouvelle zone commerciale bâtie en 2014 et détenue par OSEG ne rapporte pas autant d’argent que prévu, limitant les profits qui devaient se dégager du projet. Leiper ajoute : « Nous ne perdons pas d’argent avec Lansdowne. Nous n’obtenons simplement pas les profits prévus. La cascade de profits qui devaient revenir à la ville ne s’est jamais matérialisée et ne se matérialisera probablement pas avant des décennies. »
Or, avec une estimation des coûts et bénéfices qui semble peu crédible, Lee doute sérieusement de la viabilité financière du projet.
La Nouvelle Patinoire : une réelle nécessité ?
En plus des enjeux budgétaires, plusieurs estiment que le projet n’est pas la bonne solution. Entre autres, parce que la nouvelle patinoire aurait une capacité de spectateur.rice.s réduite, passant de 9 836 sièges à 5 850. La Charge d’Ottawa, qui loue actuellement la patinoire pour leurs matchs, a déjà annoncé ne pas pouvoir continuer à jouer dans cette nouvelle arène, jugée trop petite pour leur base de fans. Les autres équipes de la Ligue professionnelle de hockey féminin évoluent toutes dans des stades de 8000 places et plus (jusqu’à 16 000 pour l’équipe de Vancouver).
Lee estime également que la taille réduite de l’arena rend son coût injustifiable. Il rappelle notamment la construction du nouveau stade des Sénateurs aux Plaines LeBreton et suppose que leur actuel stade, à Kanata, pourrait être récupéré par la ville. Pour lui, une nouvelle arena à Lansdowne serait rapidement obsolète : « Personne ne voudra l’utiliser parce qu’il passera de 9 000 sièges à 5 000 sièges.»
Pour Leiper, « la capacité idéale pour un stade détenu par la municipalité est ce que nous avons actuellement, c’est-à-dire, vous savez, une salle de 8 500 places ». Cela permet d’attirer des événements, comme le 2025 IIHF World Junior Championship. Selon lui, 16 000 serait trop grand pour que la ville en gère l’entretien : il faut avoir une variété de salles pour avoir une programmation culturelle et sportive diversifiée à Ottawa.
Il reconnaît la difficulté technique de mettre le Civic Center aux standards actuels, mais estime qu’ il aurait été plus judicieux d’abord de faire les rénovations nécessaires du bâtiment, en attendant de trouver une meilleure solution. Surtout, il aurait souhaité un processus plus transparent et plus à l’écoute des idées et craintes de la population ottavienne.
Alex Stratas, commissaire à la revendication du SÉUO, et son équipe volante se sont exprimé.e.s contre le projet lors d’une manifestation le 7 novembre dernier. Ils.elles se disent déçu.e.s de voir 500 millions investis dans Lansdowne 2.0, plutôt que dans le logement abordable ou encore le transport en commun, qu’ils.elles jugent plus pertinents pour la ville et pour la communauté étudiante.
