
Coupes fédérales : les organisations féministes et étudiantes dénoncent une pression grandissante
Crédit visuel : Élodie Ah-Wong— Directrice artistique
Article rédigé par Michelet Joseph — Chef du pupitre Actualités
La Chambre des communes a voté en faveur du budget fédéral le 17 novembre pour l’exercice 2025-2026. Cependant, les récentes fluctuations sur des coupes budgétaires du ministère des Femmes et de l’Égalité des genres Canada (FEGC) continuent de semer l’inquiétude dans le milieu communautaire, particulièrement au sein des organisations féministes, étudiantes, 2SLGBTQIA+ et francophones en situation minoritaire. Malgré l’annonce d’un nouvel investissement, l’absence de détails clairs alimente un climat d’incertitude. Plusieurs acteur.rice.s tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme.
De vives inquiétudes dans la communauté étudiante
Au Centre de ressources féministes (CRF) de l’Université d’Ottawa, les impacts sont déjà visibles. « Nous constatons une tendance alarmante à la violence antiféministe et sexiste à l’égard de nos communautés étudiantes », affirme la coordonnatrice Elita Uch. Selon elle, les coupes envisagées auraient aggravé la situation en augmentant la demande de services et en surchargeant un personnel déjà sous-financé. « Ces compressions présupposent que les organisations féministes peuvent fonctionner à plein rendement tout en étant sous-payées et sans soutien », dénonce-t-elle. Même si le CRF reçoit son financement via le Syndicat étudiant, Uch insiste sur les effets d’entraînement touchant l’ensemble du réseau communautaire, qu’il soit étudiant ou non.
Du côté de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants (FCÉÉ), la préoccupation est tout aussi sérieuse. Brandon Rhéal Amyot, représentant.e bispirituelle et trans à l’exécutif national, rappelle que l’organisation représente plus d’un demi-million d’étudiant.e.s. La pression financière actuelle, dit-iel, touche de manière disproportionnée les groupes marginalisés.
« La hausse du coût de la vie, la réduction du soutien communautaire et le sous-financement des programmes de sécurité nuisent à la réussite des femmes, des personnes bispirituelles, trans, racialisées et des étudiantes et étudiants internationaux.les »
- Brandon Rhéal Amyot -
Selon Amyot, les compressions prévues, même si certaines semblent avoir été partiellement annulées, affaiblissent des services essentiels : centres de la fierté, initiatives de prévention de la violence sexuelle, programmes de sécurité alimentaire. « Le danger, c’est un effondrement progressif des capacités. Lorsque les subventions s’assèchent, ce sont les lignes de crise, les abris et les services de soutien sur les campus qui disparaissent en premier », prévient-iel.
L’AFFC au chevet des femmes francophones et minoritaires
L’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC) partage cette inquiétude, mais avec une nuance supplémentaire : la perspective francophone. Sa directrice générale, Soukaina Boutiyeb, souligne que les premières annonces de coupes avaient poussé son organisation à lancer une pétition afin d’alerter le public : « Nous voulions que les citoyens et citoyennes soient conscient.e.s des impacts que ces coupures allaient avoir dans nos communautés ».
Si l’annonce récente d’un nouvel investissement a été accueillie favorablement, les réserves demeurent nombreuses. « Rien n’indique clairement qu’une lentille francophone sera appliquée. Nous n’avons pas encore de vision précise des programmes visés ni des critères d’accès », explique Boutiyeb. Selon elle, les garanties manquent sur la répartition de ces financements et sur les organismes qui y auront accès. « On sait qu’un financement a été annoncé, mais pas comment il sera distribué ni si les organisations de femmes francophones et acadiennes y auront également accès », déplore-t-elle.
Historiquement, l’absence de financement de base stable fragilise particulièrement les organismes francophones en situation minoritaire. « Beaucoup sont déjà dans une situation de vulnérabilité. Sans un appui constant, leur capacité à porter la voix des femmes et à développer des projets est réduite », souligne-t-elle. Et ces organisations jouent un rôle clé, rappelle-t-elle, en documentant et en défendant des enjeux souvent négligés comme les inégalités salariales, la santé des femmes, la violence fondée sur le sexe, l’immigration, l’employabilité, entre autres. « Si ces organismes disparaissent, personne ne portera ces dossiers. » défend-t-elle.
Pour Boutiyeb, la responsabilité du gouvernement sur les choix budgétaires ne doit jamais se faire au détriment des services sociaux essentiels. « Santé, éducation, services communautaires : un gouvernement doit s’assurer de les financer adéquatement. Les orientations stratégiques ne doivent pas affaiblir les besoins fondamentaux de la population. » a-t-elle répondu, en réaction face aux montants exorbitants alloués à l’armée.
Au-delà des annonces ponctuelles, les intervenant.e.s soulignent l’existence d’une crise de confiance alimentée par une évolution rapide des décisions et un manque de transparence. Même lorsque de nouveaux investissements sont dévoilés, la difficulté persistante à planifier à long terme entrave la stabilisation des équipes, la continuité des services et la capacité de répondre efficacement aux besoins croissants.
