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Arts et culture

Croquer le péché avec Pommerat

Du 29 mai au 1er juin, Joël Pommerat condamnait le public à un univers de non-retour qui suit dans les cauchemars, mais qui gave magnifiquement visuellement. C’est d’après le texte de Carlo Collodi que l’acclamé metteur en scène présentait Pinocchio et l’importance de la vérité au Centre National des arts.

Au cœur de l’histoire, le fameux pantin qu’on connaît comme Pinocchio. Qui est ce personnage du conte moraliste connu? Un ingrat. En effet, l’entité souriante, joviale, mais naïve que l’on retrouve dans le film pour enfant est présentée dans la pièce comme un désagréable jeune garçon pour lequel on a peine à avoir pitié.

L’ambiance nous plonge dans un cirque délabré, où la pauvreté étouffe et où l’ambition semble impossible. On ne fait tout le long que détester Pinocchio, le héros que l’on suit tout au long de la pièce, puisqu’il traite constamment la chance qui lui revient avec malveillance et de façon irréfléchie.

C’est une agglomération de tensions que crée Pommerat dans les ventres du public. Les nombreux malheurs du personnage sont présentés de façon très lugubre, mais souvent sauvée par un humour grinçant. L’univers inquiétant dans lequel il plonge tranquillement le public est fait avec précaution;

Mentionnons ici le jeu frôlant le cinématographique. Les micros qu’ont les acteurs leur permettent en effets de dialoguer naturellement. Les acteurs semblent même parfois se donner la liberté d’improviser quelques marmonnages ici et là, ce qui détend le public en contraste avec l’atmosphère lugubre et l’histoire quelque peu cynique à certains moments.

Cette liberté chez les acteurs pouvait par contre parfois sembler cabotine et couvrir ce qui pouvait sembler comme un manque de maîtrise du texte ou peut-être de la fatigue? Peut-être s’agissait-il d’un choix artistique volontaire? Les brisures de rythme sont en jeu, mais elles seraient peut-être un peu aussi justifiées par les longs noirs qui interviennent presque toutes les cinq minutes. Il est bien beau d’avoir de l’ambition pour le nez qui s’allonge à chaque mensonge, ou de faire de radicaux changements de décor, le tout semblait être fait de façon parfois maladroite.

Au cœur d’acteurs presque indifférents, un univers visuel glauque donnait faim au public. Tout en respectant le minimalisme Pommeratien, l’ingéniosité des éclairages était saisissante. L’utilisation d’une voile en fond de scène présentait des silhouettes de situations racontées par le conteur principal qui piquait la curiosité. Les actions presque invisibles, on ne saisit que l’essence de ce qui est raconté, ce qui rend le tout d’autant plus inquiétant.

Il s’agit en effet d’un conte qui est tout sauf artificiel et où Pommerat n’a pas omis de nous confronter à ce qui a de plus cru et vrai, contrairement à la contrainte comportementale du protagoniste.

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