Arts et culture
Par Emy Lafortune
HOMMAGE
Le 1er octobre dernier, la communauté artistique canadienne a appris la mort de Daphne Odjig, artiste autochtone ontarienne. Retour sur la carrière de celle qui est devenue l’une des plus célèbres peintres et graveuses du Canada, servant de figure de proue à l’art autochtone contemporain du pays.
Jeunesse inspirée
Née en 1919 sur l’Ile de Manitoulin, la carrière d’artiste de Daphne Objig s’est amorcée tôt dans sa jeunesse, guidée par un grand-père qui l’initie à la sculpture et aux dessins traditionnels. Au début de sa vie adulte, elle déménage à Toronto où elle commence à s’inspirer de courants artistiques européens. Elle était particulièrement attirée par le cubisme et l’impressionnisme de Pablo Picasso et d’Henri Matisse.
Sortir du stéréotype
C’est seulement plus tard, après avoir été invitée au Pow-Wow de Wikwemikong, en Ontario, qu’elle décide d’utiliser son art pour permettre un « approfondissement de l’histoire et des traditions de son peuple », selon l’Encyclopédie canadienne. Elle commence à se faire remarquer par la communauté culturelle nationale en 1967, grâce au succès de ses premières expositions individuelles. Elle ouvre ensuite une boutique d’art en 1971, qu’elle transforme par la suite en galerie d’art, la New Warehouse Gallery. La NWG est le premier établissement du genre à être géré par une autochtone au Canada.
Militante, Odjig cherche à sortir l’art autochtone des stéréotypes auxquels il était confiné : elle s’unit à six autres artistes pour créer le groupe Professional Native Indian Artists Inc., avec lequel elle organise maintes expositions partout au pays. Selon un livre d’Anne Newlands, éducatrice d’art ayant travaillé au Musée des Beaux-Arts, les sept artistes ont « adopté le modernisme comme moyen d’exprimer les identités nationales », repoussant les limites d’un art qui était autrefois seulement vu comme étant « traditionnel » et rarement exposé dans les musées d’art.
Dans une revue de littérature parue en 2002, Jennifer Kramer, anthropologue à l’Université de la Colombie-Britannique, explique que les œuvres de Odjig « combinent le système de croyances anishinaabe [titre représentant un groupe d’autochtones culturellement similaires, dont les Algonquins, les Outaouais, les Saulteaux, les Ojibwés et les Potawatomis] et le vocabulaire cubiste de Picasso, résistant ainsi aux attentes que le monde de l’art occidental a envers l’art, soit d’être totalement autochtone ou d’être complètement moderne ».
Héritage vivant
Cette audace a accompagné Daphne Odjig tout au long de sa longue et prolifique carrière. En une soixantaine d’années, elle a participé à 30 expositions solos et à plus de 25 expositions de groupe. Elle a aussi reçu maintes distinctions, dont l’Ordre du Canada, le prix du gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques et plusieurs doctorats honorifiques. Ses œuvres peuvent être admirées dans des expositions partout au Canada. On peut d’ailleurs découvrir certaines de ses peintures au Musée canadien de l’histoire.