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Découverte de l’interstitium, 80e organe?

Par Molly de Barros 

Des chercheurs ont identifié une couche de tissu, jusqu’ici inaperçue, sous la surface de la peau, et revêtant les systèmes digestif, circulatoire, urinaire, ainsi que les fascias des muscles et les poumons. Selon une publication du 27 mars 2018 dans la revue Scientific Reports, cette couche de tissu remplie de fluide, surnommée interstitium, pourrait constituer la nouvelle addition aux 79 organes actuels du corps humain.

Une découverte due au hasard

En automne 2015, Dr. David Carr-Locke et Dr. Petros Benias ont utilisé, à l’hôpital Mount Sinai Beth Israel, une technologie récente nommée endomicroscopie confoncale par sonde qui permet de voir des tissus microscopiques vivants. Le changement par rapport à la microscopie traditionnelle, qui montre des images fixes, est conséquent. En examinant ainsi les voies biliaires d’un patient afin de voir la propagation de son cancer, ils ont observé une structure alors inconnue et invisible par microscopie traditionnelle, l’interstitium.

Cette découverte remet en question les connaissances de la communauté scientifique sur la structure anatomique et physiologique de la peau. Celle-ci est composée de plusieurs couches de tissu : l’épiderme, le derme et l’hypoderme, en allant de la couche la plus superficielle à la plus profonde. Jusqu’à présent, ces couches étaient considérées comme étant du tissu connectif dense et compact. Cependant, la découverte de ces cavités interconnectées pleines de fluide lance une révolution dans le système tégumentaire tel qu’on le connaît.

Une structure qui absorbe les chocs

Selon la publication, « l’espace interstitiel est la source primaire de lymphe et un compartiment de fluides majeur dans le corps [humain] ». Ces espaces sont supportés par un réseau de protéines rigides, comme le collagène, et de protéines plus flexibles, telles que l’élastine. Cela lui donne des capacités d’absorption de chocs, et cette structure protège le système circulatoire, les organes et les muscles de rupture due à leurs mouvements continus, comme les battements du cœur et les cycles de vasoconstriction-vasodilatation que subissent nos vaisseaux sanguins.

Crédits illustration : Jill Gregory, Scientific Reports.

Une explication pour des pathologies ?

Selon le communiqué de presse de New York University (NYU), la découverte de cette couche de tissu, « une autoroute de fluide mobile, pourrait expliquer pourquoi lorsqu’envahi par le cancer [celui-ci] aura beaucoup plus tendance à se répandre ».

Le système immunitaire semble également passer par l’interstitium; après détection d’un corps étranger dans l’organisme, les macrophages, cellules immunitaires, passeraient par l’interstitium afin de se rendre au lieu de contamination. Le fluide semble également être très similaire à la lymphe, ce qui augmente d’autant plus son rôle dans le fonctionnement du système immunitaire.

De plus, les cellules de cet interstitium seraient impliquées dans le maintien du collagène, donc dans la progression de maladies fibrotiques, comme la fibrose pulmonaire, qui cause l’inflammation et la cicatrisation des poumons, sclérotiques, comme la sclérose latérale amyotrophique (SLA), et inflammatoires comme la maladie de Crohn.

La découverte d’une nouvelle structure qui pourrait devenir un organe en changeant la méthode d’observation permet de s’interroger sur ce que l’intégration des fluides dans la microscopie traditionnelle changera dans notre vision de l’organisme humain et de ses pathologies. Cette découverte rappelle encore une fois à tous que la science n’est jamais acquise, et constamment en progrès.

La publication de l’équipe est disponible en anglais ci-dessous :

Benias, Petros C., et al. “Structure and Distribution of an Unrecognized Interstitium in Human Tissues.” Scientific Reports, vol. 8, no. 1, 2018

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