
Derrière la carrière sportive des UOttavien.ne.s
Crédit visuel : Élodie Ah-Wong— Directrice artistique
Article rédigé par Lê Vu Hai Huong — Journaliste
Entre les attentes familiales, les ambitions personnelles, les réalités financières et sociales, la participation aux compétitions sportives chez les jeunes athlètes s’inscrit au carrefour de multiples influences. Dans cet article, des étudiant.e.s de l’Université d’Ottawa témoignent de l’influence de leurs parents sur leur parcours sportif dès l’enfance, et de l’impact actuel sur leur relation avec le sport pratiqué.
Maya Zonneveld a été athlète en gymnastique artistique au niveau national pendant 10 ans. Elle est actuellement étudiante en troisième année de biotechnologie, mais souhaitait initialement obtenir une bourse sportive du National Collegiate Athletic Association pour poursuivre ses études postsecondaires aux États-Unis.
Eugenie Priven a aussi été athlète en gymnastique artistique au niveau local pendant environ 14 ans. Elle est actuellement étudiante en première année en gestion du sport et des loisirs.
D’après Zonneveld et Priven, leurs parents les ont inscrites en gymnastique respectivement à 18 mois et trois ans, car elles possédaient beaucoup d’énergie. « Mes parents trouvaient que j’avais trop d’énergie pour des sports comme le ballet, donc ils m’ont dit d’essayer la gymnastique artistique », raconte Priven.
De l’âge de huit ans jusqu’à 18 ans, Zonneveld indique qu’elle pratiquait entre 25 et 30 heures par semaine : pour pouvoir s’entraîner, elle quittait l’école « très tôt », vers une heure de l’après-midi, chaque jour durant la semaine.
Alex Dumas, professeur en sociologie du sport, s’inquiète car, à ses yeux, certain.e.s jeunes athlètes manquent de maturité et de recul critique pour évaluer leur situation. De plus, il signale que l’imposition de conditions de vie adultes à des jeunes crée une forte pression. Selon l’expert, cela peut entraîner une détresse psychologique et un isolement social, car ces jeunes n’ont pas les mêmes expériences que leurs pairs : jouer aux jeux vidéo, par exemple.
Quand la famille façonne la carrière sportive
Luiza Duarte, une étudiante de première année en sciences de l’activité physique, confie qu’elle a ressenti de la culpabilité après avoir arrêté le cyclisme, où son père était son entraîneur. Elle pensait que son choix allait également briser tout autre lien avec lui. Duarte rappelle qu’elle a commencé à faire du cyclisme à cause de sa famille. « Dans ces situations, beaucoup de parents se perdent dans l’idée que leur enfant ne pense pas comme eux.elles », affirme Dumas.
Zonneveld reconnaît qu’elle a eu de la chance parmi d’autres athlètes dans son ancien cercle compétitif. Ses parents « voulaient juste [qu’elle] soit heureuse et ils.elles voulaient le meilleur pour [elle] ». L’ancienne athlète indique que ses parents la conduisaient fréquemment à l’entraînement et allaient la chercher à l’école au milieu de la journée, par exemple.
Poursuivre son rêve, à quel prix ?
Le sport de haut niveau est aussi « très cher », selon Dumas, car il faut assumer plusieurs dépenses. Un parent interviewé dans une étude a rapporté que le cyclisme peut coûter 25 000 dollars la première année. L’enfant, conscient.e de cet investissement financier et temporel, peut ressentir la peur de décevoir ses parents, insiste-t-il.
Zonneveld soutient que ses parents ont payé pour son coaching, ses voyages, ses compétitions, son équipement, ses uniformes ainsi que sa physiothérapie, ses massages, sa chiropratique et ses coachs mentaux.
Ève-Lyne Matte-Rollin, ancienne athlète en patinage artistique et étudiante en quatrième année en kinésiologie, mentionne d’autres frais, comme ceux liés aux hôtels, aux robes et aux séminaires.
Rester ou arrêter ?
Priven partage que ses parents l’ont empêchée de s’entraîner plus de 16 heures par semaine, sauf si elle voulait vraiment faire carrière dans ce sport. L’ancienne athlète a donc choisi un parcours sportif moins exigeant, car ses parents voulaient qu’elle réussisse à l’école.
Selon Matte-Rollin, de nombreux.ses jeunes professionnel.le.s cessent de concourir avant l’université s’ils ou elles ne veulent pas poursuivre le rêve olympique. L’ancienne patineuse artistique, maintenant adulte, raconte qu’elle a repris cette discipline pour le plaisir, après avoir arrêté à l’âge de 17 ans. Zonneveld indique qu’elle, aussi, pratique toujours la gymnastique artistique pour le plaisir, en plus d’être coach et juge parfois.
Duarte, de son côté, explique qu’elle a dressé une barrière psychologique entre elle et le cyclisme à l’âge de 11 ans. Depuis qu’elle a dit « plus jamais » et a commencé à refuser de participer à des sorties cyclistes détendues avec sa famille, cela a énormément frustré ses parents. Aujourd’hui, l’étudiante en première année pratique le cheerleading compétitivement, se réjouit-elle.
Un pas à la fois
« Les parents doivent penser à l’après-carrière. Comme les chances d’être le ou la meilleur.e sont faibles, il est essentiel de permettre à l’enfant de développer les outils nécessaires pour devenir, plus tard, un.e adulte épanoui.e », propose Dumas.
Le professeur encourage également les parents à soutenir leurs enfants. En ce sens, Zonneveld raconte que ses parents l’ont toujours soutenue et l’ont généralement laissée décider, même s’ils ne voulaient pas qu’elle aille aux États-Unis. Elle affirme que son choix de rester dix ans dans le monde compétitif était une décision pleinement indépendante.
Dumas conclut qu’on doit laisser les enfants définir leur propre succès, sans le confondre avec celui des adultes. À son avis, « l’enfant doit avoir un moment où il.elle est libre et n’est pas toujours encadré.e ».
