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Sports et bien-être

Deux minutes au cachot : L’UCI ou la pharmacie qui se fout de la charité

Web-Rotonde
4 février 2013

– Par Ghassen Athmni – 

Que JJ Abrams, futur réalisateur de Star Wars VII, projette déjà de faire un film sur Lance Armstrong et ses petites contrariétés, que les images du Texan en larmes chez Oprah Winfrey continuent de se tailler une bonne part de l’audimat, cela n’est pas pour déplaire à l’Union Cycliste Internationale (UCI). Le Lance Armstrong érigé en fraudeur repenti, prêt tout de suite à abandonner tous ses titres et ses distinctions et « à se mettre au service de la lutte anti-dopage », constitue une parfaite diversion pour l’institution qui gère le cyclisme professionnel au niveau mondial depuis plus de cent ans.

L’UCI, fondée en 1900 et installée à Lausanne en Suisse, est l’organisme qui décide de la répartition des courses et des équipes entre les différents niveaux. C’est aussi l’organisme chargé de la lutte contre le dopage dans le cyclisme. C’est à ce titre que la commission anti-dopage de l’organisation décide chaque année de suspendre un certain nombre de coureurs avec le concours de médecins et de contrôleurs attitrés par l’union.

Jusqu’ici tout va bien, tout est « sous contrôle »

Depuis que l’USADA, l’agence américaine anti-dopage, s’en est mêlé, la donne a changé pour l’UCI. Le rapport de milles pages réalisé par l’USADA à propos de Lance Armstrong et de son équipe, l’US Postal, a constitué le pavé dans la marre qui a éclaboussé les administrateurs du cyclisme mondial. Le rapport adressé à l’UCI même cite Hein Verbruggen, président de l’institution de 1991 à 2005, en plein milieu des années Armstrong, mettant en doute le témoignage de Tyler Hamilton, ancien coéquipier d’Armstrong, déchu d’un titre olympique à cause du dopage. Verbruggen avait affirmé que le témoignage d’Hamilton ne valait rien et que le Texan ne s’était « jamais » dopé.

Plus tard, Pat McQuaid, président actuel, essaiera de discréditer Floyd Landis, autre sociétaire de l’US Postal déchu pour sa part d’une victoire au Tour de France. McQuaid avait déclaré au New York Times: « Ce qui me frappe avec Landis, c’est que c’est juste le dernier baroud d’un homme désespéré. C’est malheureux. Il s’est retourné contre nous. »

Dire que cela saute aux yeux que l’UCI est coupable serait un euphémisme. Durant toutes ces années, l’UCI a non seulement défendu l’Américain et son équipe, mais a en plus sanctionné la majorité de ses adversaires, laissant aux postiers américains le champ libre pour accumuler les honneurs et les millions de dollars. Floyd Landis a même révélé que Dag Van Eslande, le médecin qui a suivi Lance Armstrong durant plusieurs années dans l’équipe US Postal, était dans les années 1990 et jusqu’en 2004, contrôleur anti-dopage en Belgique.

Pourquoi l’UCI favoriserait-elle Armstrong en particulier? Il ne pouvait rien avoir de mieux qu’un miraculé du cancer de la prostate, qui plus est du fin fond de l’Amérique pour permettre à un sport en mal de reconnaissance internationale et de grands noms reconnus mondialement de conquérir de nouveaux terrains, de s’exporter à l’extérieur du continent européen dans lequel il s’était confiné dès ses débuts. Le phénomène Armstrong a, dans un premier temps, généré des profits grâce aux ententes concernant les droits de rediffusion des épreuves inscrites à ses calendriers que les chaînes américaines se sont bousculées pour avoir au prix fort. Plus tard, la popularité du cyclisme sur le continent américain a permis de créer d’autres sources de profit avec de nouvelles épreuves, telles le Tour de Californie ou le Grand-Prix de Montréal.

L’UCI, autant que Lance Armstrong, devrait payer pour ces dépassements. La lutte contre le dopage dans le cyclisme ne devrait plus être de son ressort. La création d’une institution totalement indépendante dont les revenus ne dépendraient aucunement des résultats sportifs est une nécessité absolue.

Il serait aussi intéressant d’évaluer ce que l’UCI n’aurait jamais pu gagner s’ils n’avaient pas couvert Armstrong et ses coéquipiers et de traduire l’organisme en justice afin de reverser cet argent aux comités nationaux de lutte contre le dopage que l’UCI a insulté tant de fois en protégeant certains coureurs ou en condamnant d’autres.

Le cas de l’UCI n’est pas une exception dans le monde du sport, le CIO, la FIFA, l’ATP et d’autres institutions ont été soupçonnées de truquer les résultats d’une manière ou d’une autre, mais le cyclisme a entamé en quelque sorte son autocritique, les autres sports semblent encore faire la sourde oreille.

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